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31/05/2017 | FRANCE | N°16PA01867

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 31 mai 2017, 16PA01867


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C...a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision n° 5215/ME/A... /BRH1 du 9 février 2015, l'arrêté n° 1046/MEE/A... du 9 février 2015, ainsi que l'arrêté n° 1109/ME/A... du 11 février 2015, et la décision

n° 3784/ME du 10 août 2015, par lesquels le ministre de l'éducation et de l'enseignement supérieur de la Polynésie française a refusé le renouvellement de son congé de longue maladie et son reclassement sur un poste adapté.

Par

un jugement n° 1500487 du 8 mars 2016, le Tribunal administratif de la Polynésie française a fait ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C...a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision n° 5215/ME/A... /BRH1 du 9 février 2015, l'arrêté n° 1046/MEE/A... du 9 février 2015, ainsi que l'arrêté n° 1109/ME/A... du 11 février 2015, et la décision

n° 3784/ME du 10 août 2015, par lesquels le ministre de l'éducation et de l'enseignement supérieur de la Polynésie française a refusé le renouvellement de son congé de longue maladie et son reclassement sur un poste adapté.

Par un jugement n° 1500487 du 8 mars 2016, le Tribunal administratif de la Polynésie française a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et des mémoires enregistrés le 8 juin 2016, le 4 juillet 2016 et

le 3 février 2017, la Polynésie française, représentée par la SCP de Chaisemartin-Courjon, avocats, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du 8 mars 2016 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) de rejeter la demande de Mme C... ;

3°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé et entaché d'une omission à statuer ;

- l'administration ne pouvait fonder sa décision sur l'expertise médicale du docteur Crochard, laquelle a été placée sous pli confidentiel, sauf à méconnaître l'article 104 du code de déontologie médicale et les dispositions relatives au secret médical ;

- il appartenait à Mme C...de saisir le comité médical supérieur ;

- c'est au prix d'une erreur de fait et d'une erreur de droit que les premiers juges ont annulé les décisions contestées ;

- dès lors que le comité médical, qui avait eu connaissance de l'expertise médicale du docteur Crochard, a considéré dans son avis du 30 janvier 2015 que Mme C...ne présentait plus de maladie relevant d'un congé longue maladie ou d'un congé longue durée et qu'il s'est prononcé en faveur de sa réintégration sans aucune condition de reprise du travail sur un poste adapté, l'intéressée ne pouvait se prévaloir d'un droit à être reclassée sur un poste adapté ni au renouvellement de son placement en congé longue maladie.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 décembre 2016, Mme D...C..., représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la Polynésie française la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la Polynésie française ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 5 janvier 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 6 février 2017.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française, ensemble la loi n°2004-193 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;

- le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 modifié relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat et à certaines modalités de mise à disposition et de cessation définitive de fonctions ;

- le décret n° 90-680 du 1er août 1990 modifié portant statut particulier des professeurs des écoles ;

- le décret n°86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;

- le décret n° 2003-1260 du 23 décembre 2003 modifié fixant les dispositions statutaires applicables au corps des professeurs des écoles de l'Etat créé pour la Polynésie française ;

- le code de déontologie médicale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jimenez,

- et les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.

1. Considérant que MmeC..., professeur des écoles du corps de l'Etat créé pour l'administration de la Polynésie française, affectée à compter du mois d'octobre 1998 en Polynésie française, a été placée en congé de longue maladie par arrêté du 16 mai 2008 du ministre de l'éducation et de l'enseignement supérieur de la Polynésie française ; qu'elle a été placée sur un poste administratif adapté de novembre 2008 à février 2012 ; qu'à la suite notamment d'un congé de maternité, Mme C...a repris ses fonctions en 2013 sur un poste administratif mobile à la circonscription de Faa'a avant d'être placée en congé de maladie le

28 mai 2014, puis en congé de longue maladie par arrêté du 3 septembre 2014 ; que le

30 septembre 2014, Mme C...a sollicité la prolongation de son congé de longue maladie, et à défaut son reclassement ; que le 30 janvier 2015 le comité médical de la Polynésie française a estimé que la requérante ne présentait plus de maladie relevant d'un congé de longue maladie et a proposé sa réintégration à temps complet à compter du 14 octobre 2014 ; que par courrier du

9 février 2015, la ministre de l'éducation et de l'enseignement supérieur de la Polynésie française a informé la requérante que sa maladie ne relevait plus d'un congé de longue maladie ou de longue durée, en lui précisant qu'elle la réintégrait à temps complet dans ses fonctions de professeur des écoles à compter du 14 octobre 2014 ; que par arrêté du même jour, ladite ministre a autorisé, à titre de régularisation de sa situation, Mme C...à reprendre ses fonctions à temps complet à compter du 14 octobre 2014 ; que par arrêté du 11 février 2015, la même autorité a accordé à MmeC..., à titre de régularisation de sa situation, un congé de maladie ordinaire jusqu'au 22 février 2015 ; que l'intéressée a formé un recours hiérarchique le

7 mai 2015 contre ces différentes décisions, lequel était rejeté le 10 août 2015 ; que la Polynésie française relève appel du jugement n° 1500487 du 8 mars 2016 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a annulé les décisions et arrêtés de la ministre de l'éducation et de l'enseignement supérieur de la Polynésie française n° 5215/ME/A... /BRH1 du 9 février 2015, n° 1046/MEE/A... du 9 février 2015, n° 1109/ME/A... du

11 février 2015, et n° 3784/ME du 10 août 2015 ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 35 du décret du 14 mars 1986 susvisé, en vigueur à la date des décisions attaquées : " Pour obtenir un congé de longue maladie ou de longue durée, les fonctionnaires en position d'activité ou leurs représentants légaux doivent adresser à leur chef de service une demande appuyée d'un certificat de leur médecin traitant spécifiant qu'ils sont susceptibles de bénéficier des dispositions de l'article 34 (3° ou 4°) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. / Le médecin traitant adresse directement au secrétaire du comité médical prévu aux articles 5 et 6 un résumé de ses observations et les pièces justificatives qui peuvent être prescrites dans certains cas par les arrêtés prévu à l'article 49 du présent décret. /Au vu de ces pièces, le secrétaire du comité médical fait procéder à la contre-visite du demandeur par un médecin agréé compétent pour l'affection en cause. /Le dossier est ensuite soumis au comité médical compétent. Si le médecin agréé qui a procédé à la contre-visite ne siège pas au comité médical, il peut être entendu par celui-ci./ L'avis du comité médical est transmis au ministre qui le soumet pour avis, en cas de contestation par l'administration ou l'intéressé, au comité médical supérieur visé à l'article 8 du présent décret. (...) " ; qu'aux termes de l'article 42 du décret du 14 mars 1986 : " Si, au vu de l'avis du comité médical compétent et, éventuellement, de celui du comité médical supérieur, dans le cas où l'administration ou l'intéressé juge utile de le provoquer, le fonctionnaire est reconnu apte à exercer ses fonctions, il reprend son activité éventuellement dans les conditions prévues à l'article 43 ci-dessous. / Si, au vu du ou des avis prévus ci-dessus, le fonctionnaire est reconnu inapte à exercer ses fonctions, le congé continue à courir ou est renouvelé. (...) / S'il est présumé définitivement inapte, son cas est soumis à la commission de réforme qui se prononce, à l'expiration de la période de congé rémunéré, sur l'application de l'article 47 ci-dessous. " ; qu'aux termes de l'article 43 du même décret : " Le comité médical consulté sur la reprise des fonctions d'un fonctionnaire qui avait bénéficié d'un congé de longue maladie ou de longue durée peut formuler des recommandations sur les conditions d'emploi du fonctionnaire, sans qu'il puisse être porté atteinte à la situation administrative de l'intéressé " ;

3. Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a admis comme fondé un moyen invoqué par MmeC..., tiré de ce que l'auteur des décisions de refus de congé longue maladie s'était cru lié par l'avis du comité médical et avait ainsi méconnu sa propre compétence ; que toutefois, il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des termes mêmes des décisions litigieuses, que la ministre de l'éducation et de l'enseignement supérieur de la Polynésie française se soit considérée comme étant en situation de compétence liée au regard dudit avis du comité médical, au demeurant non contesté par Mme C...devant le comité médical supérieur, lorsqu'elle a pris la décision n° 5215/ME/A... /BRH1 du

9 février 2015 et l'arrêté n° 1046/MEE/A... du 9 février 2015 ; qu'il en résulte que la Polynésie française est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont, pour ce motif, annulé les décisions de refus de prolongation du congé longue maladie de MmeC... ;

4. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par Mme C...tant devant le tribunal administratif que devant elle ;

En ce qui concerne le refus d'accorder un congé de longue maladie :

5. Considérant qu'il ressort des différentes pièces du dossier, et notamment de l'avis du comité médical du 30 janvier 2015, qui avait eu connaissance de l'expertise médicale du docteur Crochard, que l'état de santé de Mme C...ne relevait plus d'un congé de longue maladie et qu'il y avait lieu de lui accorder le bénéfice de la réintégration à temps complet à compter du

14 octobre 2014 ; que M. C...n'a pas, après avoir été informée de la teneur de cet avis, sollicité la saisine du comité médical supérieur ; que, dès lors, les décisions refusant à l'intéressée la prolongation de son congé maladie ne sont entachées ni d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne l'arrêté du 11 février 2015 décidant le placement de Mme C...en congé maladie ordinaire:

6. Considérant que les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir ; que, toutefois, s'agissant des décisions relatives à la carrière des fonctionnaires ou des militaires, l'administration peut, en dérogation à cette règle générale, leur conférer une portée rétroactive pour assurer la continuité de la carrière de l'agent intéressé ou procéder à la régularisation de sa situation ; que si Mme C...soutient que l'arrêté du 11 février 2015 qui lui accorde un congé de maladie ordinaire de 170 jours sur la période du 11 février 2014 au 22 février 2015 est entaché d'une rétroactivité illégale et qu'elle aurait du être placée en congé longue maladie à compter du 14 octobre 2014, il ressort des pièces du dossier que cet arrêté est intervenu afin de régulariser sa situation pendant la période qui a couru entre la date à laquelle elle devait être réintégrée au vu de l'avis du comité médical et la date de notification de l'arrêté du 9 février 2015 prononçant sa réintégration ; qu'il s'ensuit que ce moyen ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne le refus d'accorder une affectation sur un poste adapté :

7. Considérant que selon l'article 1er décret n° 2003-1260 du 23 décembre 2003 modifié fixant les dispositions statutaires applicables au corps des professeurs des écoles de l'Etat créé pour la Polynésie française : " Les professeurs des écoles du corps de l'Etat créé pour la Polynésie française sont, sous réserve des dispositions du présent décret, soumis aux dispositions du décret du 1er août 1990 susvisé relatif au statut particulier du corps des professeurs des écoles.(...) "; que selon l'article 1er du décret du 27 avril 2007 relatif à l'adaptation du poste de travail de certains personnels enseignants, d'éducation et d'orientation, en vigueur à la date des décisions attaquées : " Les personnels enseignants des premier et second degrés et les personnels d'éducation et d'orientation titulaires appartenant aux corps des professeurs des écoles, des instituteurs, (...) lorsqu'ils sont confrontés à une altération de leur état de santé, peuvent solliciter un aménagement de leur poste de travail ou une affectation sur un poste adapté, dans les conditions prévues au présent décret " ; qu'aux termes de l'article 8 du même décret : " L'affectation sur un poste adapté est destinée à permettre aux personnels mentionnés à l'article 1er de recouvrer, au besoin par l'exercice d'une activité professionnelle différente, la capacité d'assurer la plénitude des fonctions prévues par leur statut particulier ou de préparer une réorientation professionnelle./ Elle est de courte ou de longue durée en fonction de leur état de santé " ;

8. Considérant qu'à l'appui de sa contestation du refus de lui accorder le bénéfice d'un poste adapté, Mme C...se prévaut du rapport d'expertise en date du

24 novembre 2014 du docteur Crochard, médecin expert spécialiste en psychiatrie, qui affirme qu'elle souffre de troubles dépressifs, qu'elle a du mal a rester en contact avec les enfants à la suite d'une interruption de grossesse et que son état demeure compatible avec l'exercice de fonctions administratives ; que Mme C...invoque aussi le rapport d'inspection du

20 janvier 2014 par lequel l'inspectrice demande son reclassement administratif en précisant que l'intéressée, qui ne peut remplir ses fonctions d'enseignante, " a développé d'authentiques capacités professionnelles pour le travail administratif " ; que, certes, les dispositions du décret du 27 avril 2007 précitées permettent à un agent confronté à une altération de son état de santé de demander son affectation sur un poste adapté afin de recouvrer, au besoin par l'exercice d'une activité professionnelle différente, la capacité d'assurer la plénitude de ses fonctions ou de préparer une réorientation professionnelle ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossiers et notamment de l'avis du comité médical du 30 janvier 2015 que l'état de santé de Mme C...n'était pas altéré et qu'elle était apte à la reprise de ses fonctions d'enseignement ; que cet avis ne fait état d'aucune condition de reprise du travail sur un poste adapté ; qu'il s'ensuit que la décision refusant à l'intéressée un poste adapté n'est entachée ni d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste d'appréciation ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Polynésie française est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont fait droit à la demande de MmeC... ; qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué et de rejeter la demande présentée par

MmeC... devant le tribunal administratif ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèces, d'accorder à la Polynésie française une somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que MmeC... étant la partie perdante, les conclusions qu'elle présente sur le même fondement ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1500487 du 8 mars 2016 du Tribunal administratif de la Polynésie française est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par la Polynésie française sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Polynésie française et à Mme D...C....

Délibéré après l'audience du 17 mai 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Jimenez, premier conseiller.

Lu en audience publique le 31 mai 2017.

Le rapporteur,

J. JIMENEZLe président

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au Haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA01867


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA01867
Date de la décision : 31/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Julia JIMENEZ
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : SCP DE CHAISEMARTIN-COURJON

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-05-31;16pa01867 ?
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