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23/05/2017 | FRANCE | N°16PA01890

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 23 mai 2017, 16PA01890


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...Francelle a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 171 356,10 euros au titre d'une perte de rémunération en tant que secrétaire de chancellerie, de 19 723,23 euros au titre d'une perte de rémunération en tant que consultant de la société Naphta consulting international limited au mois de décembre 2014, de 236 678,76 euros au titre de la perte de chance de percevoir une rémunération en tant que consultant de cette société du 1er janvier 2015 au

31 décembre 2015, de 46 268,65 euros au titre de son préjudice matériel, de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...Francelle a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 171 356,10 euros au titre d'une perte de rémunération en tant que secrétaire de chancellerie, de 19 723,23 euros au titre d'une perte de rémunération en tant que consultant de la société Naphta consulting international limited au mois de décembre 2014, de 236 678,76 euros au titre de la perte de chance de percevoir une rémunération en tant que consultant de cette société du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015, de 46 268,65 euros au titre de son préjudice matériel, de

4 000 euros au titre du complément de prime de déménagement non perçu en totalité et de

50 000 euros au titre de son préjudice moral, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de l'illégalité fautive de l'arrêté du 25 juillet 2014 par lequel le ministre des affaires étrangères et du développement international lui a infligé la sanction de l'exclusion temporaire du service pour une durée d'un an et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1513556/5-1 du 31 mars 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 juin et 28 juin 2016, M. D... Francelle, représenté par Me B...C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1513556/5-1 du

31 mars 2016 ;

2°) de condamner le ministre des affaires étrangères et du développement international à lui verser la somme totale de 555 026,74 euros au titre des différents préjudices subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du 25 juillet 2014 par lequel le ministre des affaires étrangères et du développement international lui a infligé la sanction de l'exclusion temporaire du service pour une durée d'un an ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 18 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'insuffisante motivation dont est entaché l'arrêté du 25 juillet 2014, bien qu'étant une illégalité externe, lui a causé un préjudice direct dès lors qu'elle l'a privé de la possibilité de se défendre dans le cadre de la procédure disciplinaire et devant le tribunal administratif ;

- en tout état de cause, la sanction reposant sur des faits matériellement inexacts et étant entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, son illégalité est la cause directe des préjudices matériels et moral dont il a été victime ;

- il est donc fondé à obtenir réparation du préjudice financier subi au titre de la perte de rémunération en tant que secrétaire de chancellerie, à hauteur de la somme de 171 356,10 euros, au titre de la perte de rémunération en tant que consultant de la société Naphta consulting international limited au mois de décembre 2014, à hauteur de la somme de 19 723,23 euros, au titre de la perte de chance de percevoir une rémunération en tant que consultant de cette société du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015, à hauteur de la somme de 236 678,76 euros, ainsi qu'au titre de la non perception de la moitié du complément de prime de déménagement, pour un montant de

4 000 euros ;

- il est également fondé à demander réparation du préjudice matériel subi à hauteur de 46 268,65 euros pour la perte des biens personnels qu'il a dû laisser à son domicile à Erbil, et du préjudice moral, à hauteur de 50 000 euros, puisqu'il a souffert postérieurement à cette sanction d'une profonde dépression et est en instance de divorce.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2016, le ministre des affaires étrangères et du développement international conclut au rejet de la requête déposée par

M. Francelle.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Un mémoire a été enregistré, le 5 mai 2017, pour M. Francelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme d'Argenlieu,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- les observations de MeA..., substituant Me C...-F..., pour M. Francelle,

- et les observations de MmeE..., pour le ministère des affaires étrangères.

Une note en délibéré a été enregistrée le 9 mai 2017 pour M. Francelle.

1. Considérant que M. Francelle, secrétaire de chancellerie, a été affecté, à compter du

1er juillet 2011, au consulat général de France à Erbil (Irak), en qualité de consul adjoint de première classe, chef de chancellerie ; que l'intéressé a été en charge du service des visas du consulat à partir du mois de janvier 2013 ; qu'à la suite du signalement, au début de l'année 2014, par le consul général, de dysfonctionnements dans l'octroi des visas au sein du consulat, le ministère des affaires étrangères et du développement international a diligenté une mission d'inspection du 3 au

6 mars 2014 ; que les investigations menées par les membres de la mission d'inspection ont conduit le ministre des affaires étrangères et du développement international à engager une procédure disciplinaire à l'encontre de M. Francelle ; que l'intéressé a été suspendu de ses fonctions à titre conservatoire, par un arrêté du 15 avril 2014 ; que, par un arrêté du 25 juillet 2014, le ministre des affaires étrangères et du développement international lui a infligé la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an à compter du 1er août 2014 ; que, par un jugement du 7 mai 2015, devenu définitif, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté pour insuffisance de motivation ; que, par une lettre du 6 août 2015, M. Francelle a demandé au ministre des affaires étrangères et du développement international de l'indemniser, à hauteur de 528 026,74 euros, des différents préjudices matériel et moral subis du fait de cette illégalité fautive ; que le ministre des affaires étrangères et du développement durable n'a pas répondu expressément à cette demande ; que, par un jugement du 31 mars 2016, dont M. Francelle relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

2. Considérant que si toute illégalité, même formelle, qui entache une décision constitue en principe une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration qui l'a prise, une telle faute ne peut donner lieu à la réparation des préjudices subis par son destinataire lorsque les circonstances de l'espèce étant de nature à justifier légalement la décision prise, les préjudices allégués ne peuvent être regardés comme la conséquence du vice dont cette décision est entachée ;

3. Considérant, en premier lieu, que si M. Francelle fait valoir que l'arrêté du

25 juillet 2014 prononçant sa suspension temporaire d'un an repose sur des faits matériellement inexacts et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, il ne l'établit pas ; qu'il résulte en effet de l'instruction que la décision de lui infliger la sanction d'une exclusion temporaire du service d'une durée d'un an a été prise par le ministre des affaires étrangères et du développement international au vu des conclusions du rapport de l'inspection menée à Erbil (Irak) du

3 au 6 mars 2014 ; qu'il ressort de ce rapport et, notamment du tableau récapitulatif des demandes de visas joint en annexe et des extraits de certaines de ces demandes, qu'entre les mois de janvier 2013, date à laquelle le service des visas du consulat d'Erbil a été créé sous la houlette de

M. Francelle, qui l'a ensuite dirigé, et janvier 2014, 258 demandes de visas, traitées, pour certaines, directement par l'intéressé ou par des agents placés sous son autorité, n'auraient pas dû aboutir dès lors, notamment, qu'elles reposaient soit sur des dossiers vides, soit sur de faux documents ; que, par ailleurs, M. Francelle a manqué à son devoir de loyauté et d'obéissance hiérarchique en donnant accès au consulat à des personnes étrangères au service, notamment lors de soirées privées qu'il organisait en dehors de ses heures de service ; qu'il apparait également que M. Francelle n'a pas exécuté les diligences nécessaires à la mise en place des mesures de sécurité demandées par le consul et n'a pas empêché qu'un dispositif parallèle de prise de rendez-vous et de délivrance de visas, instauré par une employée de droit local, licenciée pour cette raison en décembre 2013, se développe au sein du consulat, ce qui a été de nature à porter atteinte à l'image de la France ; que

M. Francelle, qui ne démontre pas qu'il aurait tenté de mettre un terme à ce dispositif, ne contredit pas utilement les conclusions du rapport d'inspection en se bornant à produire une série d'attestations de proches conviés chez lui à Erbil faisant état de ce que, lors de ces invitations, ils ne s'étaient jamais rendus au consulat ; que, par suite, l'ensemble de ces circonstances sont de nature à justifier légalement la sanction prise, laquelle ne repose pas sur des faits matériellement inexacts et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que, par suite, les préjudices matériel et moral dont M. Francelle entend se prévaloir ne peuvent être regardés comme étant la conséquence du vice de forme dont la sanction qui lui a été infligée est entachée ;

4. Considérant, en second lieu, que si M. Francelle fait valoir que le vice de forme, tiré de l'insuffisante motivation dont est entaché l'arrêté du 25 juillet 2014, lui a également causé un préjudice propre en ce qu'il l'aurait privé de la possibilité de se défendre durant la procédure disciplinaire et devant le Tribunal administratif et, par suite, de convaincre le ministre de prendre une décision différente, il ne l'établit pas davantage ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Francelle n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. Francelle est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...Francelle et au ministre des affaires étrangères et du développement international.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2017 à laquelle siégeaient :

- M. Even, président de chambre,

- Mme Hamon, président-assesseur,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 23 mai 2017.

Le rapporteur,

L. d'ARGENLIEULe président,

B. EVEN

Le greffier,

S. GASPAR

La République mande et ordonne au ministre de l' Europe et des affaires étrangères, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 16PA01890


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA01890
Date de la décision : 23/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Lorraine D'ARGENLIEU
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : MAUGER POLIAK

Origine de la décision
Date de l'import : 06/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-05-23;16pa01890 ?
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