Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du préfet de police du 12 juin 2014 ordonnant son expulsion du territoire français.
Par un jugement n° 1408369/5 du 9 février 2016, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 7 septembre 2016, M. C..., représenté par Me A...B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1408369/5 du 9 février 2016 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté préfectoral contesté devant ce tribunal ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision contestée méconnaît l'article 33-1 de la convention de Genève dès lors qu'il a le statut de réfugié ;
- il n'y avait pas de nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat qui justifiait, alors qu'il vit en France depuis plus de dix ans, son expulsion de ce pays ;
- il n'y avait pas non plus de menace grave à l'ordre public justifiant cet éloignement ;
- la décision d'expulsion contrevient à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'autorité préfectorale a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette mesure d'expulsion sur sa situation personnelle ;
- le préfet a commis un détournement de pouvoir en se fondant sue l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile pour prendre sa décision.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 décembre 2016 le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 28 décembre 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au
16 janvier 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Appèche,
- et les conclusions de M. Cheylan rapporteur public.
1. Considérant que M.C..., ressortissant congolais né le 29 aout 1962 est entré en France en 1989 ; qu'il a obtenu la délivrance d'une carte de résident en qualité de réfugié politique régulièrement renouvelée jusqu'au 10 mai 2013 ; qu'il a été condamné le 30 mars 2013 par la cour d'assises de Paris à 8 ans d'emprisonnement pour viol commis sur la personne d'un mineur de
15 ans, agression sexuelle sur un mineur de 15 ans par personne ayant autorité sur la victime, viol commis par une personne ayant autorité sur la victime et agression sexuelle par personne ayant autorité sur la victime ; que par un arrêté, du 12 juin 2014, le préfet de police a prononcé son expulsion du territoire français ; que M. C..., après avoir en vain demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler cet arrêté, relève régulièrement appel du jugement du
9 février 2016 de ce tribunal rejetant sa demande ;
2. Considérant, qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et
L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public " ; qu'aux termes de l'article L. 521-2 du même code dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté préfectoral litigieux : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion que si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que les dispositions de l'article L. 521-3 n'y fassent pas
obstacle : / 1° L'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ; / 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " ; (...) / Par dérogation aux dispositions du présent article, l'étranger visé aux 1° à 5° peut faire l'objet d'un arrêté d'expulsion en application de l'article L. 521-1 s'il a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans. " ;
3. Considérant, en premier lieu, que M. C..., qui n'a pas sollicité le renouvellement de la carte de résident qui lui avait été délivrée et qui expirait le 10 mai 2013, était dépourvu de titre séjour à la date de l'arrêté contesté et ne se trouvait dès lors pas dans le cas, visé au 4° de l'article L. 521-2 rappelé ci-dessus, des étrangers résidant régulièrement en France, c'est-à-dire en vertu d'un titre les y autorisant, depuis plus de dix ans ; qu'il n'est, par suite, pas fondé à soutenir qu'il ne pouvait être expulsé que sur le fondement de cet article et pour un motif tiré d'une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique ; qu'au surplus, ayant été condamné à une peine d'emprisonnement de huit ans, M. C... pouvait, en vertu du dernier alinéa de l'article
L. 521-2 susénoncé, être expulsé sur le fondement de l'article L. 521-1 dudit code, pour un motif tiré de ce que sa présence en France constituait une menace grave pour l'ordre public ; que par suite, c'est sans commettre d'erreur de droit que le préfet de police s'est fondé sur ces dernières dispositions pour ordonner son expulsion ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'en l'espèce, compte tenu de la nature des faits à l'origine de la sanction pénale prononcée à l'encontre de M.C..., de leur extrême gravité et de leur réitération sur une longue période, de 1992 à 2001, et alors qu'il ressort des pièces du dossier que d'autres violences, commises par l'intéressé sur son épouse, ont été à l'origine d'une autre condamnation en 2008, à 4 mois d'emprisonnement avec sursis, prononcée par le Tribunal correctionnel de Paris, le préfet de police n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que la présence de M. C... sur le territoire français constituait, à la date de la décision attaquée, une menace grave pour l'ordre public et que l'intéressé pouvait être expulsé sur le fondement de l'article L. 521-1 rappelé ci-dessus ;
5. Considérant en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés : " 1. Aucun des États contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. 2. Le bénéfice de la présente disposition ne pourra toutefois être invoqué par un réfugié qu'il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l'objet d'un condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays " ;
6. Considérant que M. C... se prévaut de sa qualité de réfugié qu'il s'est vu reconnaître en octobre 1997, pour soutenir que celle-ci faisait obstacle à ce qu'il pût faire l'objet d'une expulsion ; que toutefois, l'arrêté d'expulsion pris à son encontre ne fixe pas le pays à destination duquel il sera expulsé et n'a donc pas, en lui-même, pour effet de l'éloigner à destination d'un pays où il serait exposé à des dangers ou traitements prohibés par les stipulations rappelées ci-dessus ; que les stipulations du 1. de l'article 33-1 rappelé ci-dessus ont seulement pour effet, sous réserve des dispositions du 2. de cet article, de s'opposer à ce que ledit arrêté puisse légalement être exécuté en direction d'un tel pays ; qu'au surplus, les stipulations de la convention de Genève du 28 juillet 1951 ne font pas obstacle à ce qu'une mesure d'expulsion puisse être prononcée à l'encontre d'un réfugié pour des raisons d'ordre public ; qu'en l'espèce, eu égard à ce qui a été dit au point 1 du présent arrêt, M. C... se trouvait dans le cas où les stipulations susénoncées lui dénient la possibilité d'invoquer utilement la protection internationale qui lui a été accordée ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que M. C... est père de quatre enfants dont deux mineurs à la date de l'arrêté contesté, nés de son union avec une compatriote venue le rejoindre en France en 1992 et elle-même titulaire du statut de réfugié et d'une carte de résident ; que, toutefois, à la date de l'arrêté contesté, l'épouse de M. C... avait introduit une procédure de divorce et M. C... ne démontre pas qu'il aurait continué à entretenir des liens avec cette dernière ou avec ses quatre enfants, âgés à la date de cet arrêté de 21 ans pour l'aîné et de 8 ans pour le plus jeune ; que d'ailleurs, le préfet de police soutient, sans être contredit, que dans le cadre du placement judiciaire dont M. C... a fait l'objet à compter de l'année 2010, il lui a été fait interdiction d'entrer en relation notamment avec son épouse ; que par suite, et nonobstant, l'avis défavorable à l'expulsion rendu par la commission d'expulsion, et la circonstance que M. C... maîtrise la langue française et qu'il a, avant son incarcération, occupé un emploi d'agent de surveillance, la mesure d'expulsion prise à l'encontre de l'intéressé ne peut être regardée comme portant, à son droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée au regard des buts, poursuivis par l'autorité préfectorale chargée de la police des étrangers et de la préservation de l'ordre public ; que le moyen tiré de la violation des stipulations énoncées ci-dessus doit donc être écarté ;
8. Considérant qu'eu égard à l'ensemble de la situation de M. C... décrite ci-dessus aux points 1 et 7, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que la décision d'expulsion procéderait d'une appréciation manifestement erronée par l'autorité préfectorale des conséquences d'une telle mesure sur sa situation personnelle ;
9. Considérant, enfin, que si M. C... a entendu soutenir que l'autorité préfectorale aurait entaché sa décision de détournement de pouvoir, il ne l'établit pas ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que les conclusions de sa requête tendant à l'annulation du jugement et de la décision préfectorale litigieuse doivent, par suite, être rejetées ; qu'il en va de même, en conséquence, des conclusions présentées sur le fondement l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D... C....
Copie en sera transmise au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 3 mai 2017, à laquelle siégeaient :
Mme Brotons, président de chambre,
Mme Appèche, président assesseur,
M. Magnard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 mai 2017.
Le rapporteur,
S. APPECHELe président,
I. BROTONS
Le greffier,
P. LIMMOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA02873