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17/05/2017 | FRANCE | N°16PA02756

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 17 mai 2017, 16PA02756


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité (SARL) Procton Labs a demandé au Tribunal administratif de Paris de lui accorder le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont elle s'estime titulaire au titre de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2014.

Par un jugement n° 1514881/2-2 du 27 juin 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés respectivement le 18 août 2016 et les
>14 mars et 27 avril 2017, la société Procton Labs, représentée par la SCP Bolling Durand et Lallement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité (SARL) Procton Labs a demandé au Tribunal administratif de Paris de lui accorder le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont elle s'estime titulaire au titre de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2014.

Par un jugement n° 1514881/2-2 du 27 juin 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés respectivement le 18 août 2016 et les

14 mars et 27 avril 2017, la société Procton Labs, représentée par la SCP Bolling Durand et Lallement, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1514881/2-2 du 27 juin 2016 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer le remboursement sollicité ;

3°) d'enjoindre au directeur régional des finances publiques de réexaminer la situation de la société dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 30 euros par jour de retard ;

4°) de procéder à une inscription de faux concernant les documents produits par l'administration, notamment ceux relatifs aux vérifications des années 2009, 2010, 2011 et les refus de restitution de crédits de taxe sur la valeur ajoutée et de prescrire une enquête ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 8 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé en violation de l'article 55 de la constitution et en méconnaissance de l'obligation d'examiner les moyens visant les droits et libertés garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ou ses protocoles ; les premiers juges ne précisent pas, notamment, les motifs pour lesquels ils considèrent que la réalité des prestations n'est pas établie ;

- le tribunal ne pouvait pas appréhender la réalité des prestations sans se fonder sur les rapports d'expertise ; dès lors, la mise en cause de ces rapports d'expertise constituait un élément essentiel du litige et les dispositions de l'article L. 45 B du livre des procédures fiscales devaient être regardées comme s'appliquant audit litige ; le tribunal a donc porté atteinte au principe d'équilibre des droits des parties ;

- en refusant de lui transmettre le mémoire produit par l'administration devant lui le

8 juin 2016, le tribunal a porté atteinte au principe d'équilibre des droits des parties ;

- le jugement est entaché d'une erreur d'appréciation et d'une atteinte au principe d'équilibre des droits des parties, dès lors que le tribunal a inversé la charge de la preuve ;

- les principes posés par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnus eu égard aux conditions dans lesquelles ont été menées les expertises qui fondent la décision contestée ;

- l'expertise ordonnée avant-dire droit par le tribunal ne satisfait pas à l'exigence du contradictoire et aux exigences de ladite convention ;

- la décision contestée résulte d'une double violation de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- sa déclaration de taxe sur la valeur ajoutée était cohérente et sincère ; il n'y avait pas de risque de perte de recettes fiscales ;

- l'administration avait, par un rescrit relatif au statut de " Jeune entreprise innovante ", pris position sur l'éligibilité au crédit d'impôt recherche de ses travaux ;

- la réalité des prestations en cause est établie par le rapport de M.B... ;

- l'administration ne démontre pas que M. A...était maître de l'affaire ;

- en vertu du principe de liberté de gestion des entreprises, elle était libre de souscrire un contrat portant sur les prestations confiées à l'intéressé et d'en définir les modalités ;

- l'argumentation de l'administration concernant les cotisations de sécurité sociale versées au régime AGESSA est sans lien avec la taxe sur la valeur ajouté en cause ;

- s'agissant du taux de taxe sur la valeur ajoutée applicable, elle s'en remet à la Cour.

- il y a lieu de procéder à une inscription de faux concernant les documents produits par l'administration, notamment ceux relatifs aux vérifications des années 2009, 2010, 2011 et les refus de restitution de crédits de taxe sur la valeur ajoutée ; l'administration instrumentalise les expertises, ces expertises étant réalisées, non par des scientifiques mais par des agents de l'administration fiscale qui rendent leurs expertises sur en-tête du ministère de la recherche ; la production de telles expertises relève de surcroît de l'escroquerie au jugement.

Par un mémoire distinct enregistré le 18 août 2016, la société Procton Labs conteste le refus de transmission, par le tribunal, d'une question prioritaire de constitutionalité portant sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 45 B du livre des procédures fiscales et demande à la Cour de transmettre au Conseil d'Etat ladite question prioritaire de constitutionnalité.

Elle soutient que :

- l'article L 45B du livre des procédures fiscales doit être regardé comme s'appliquant au litige, dès lors que la décision contestée est fondée sur une proposition de rectification qui s'appuie elle-même sur un avis d'expertise ;

- compte tenu de l'interprétation des dispositions de cet article par le Conseil d'Etat dans sa décision n° 236066 du 25 avril 2003, cet article porte atteinte au principe de séparation des pouvoirs, au droit à un recours effectif, au principe d'égalité des citoyens devant la loi et au principe de clarté de la loi .

Par un second mémoire distinct enregistré le 18 août 2016, la société Procton Labs conteste le refus de transmission, par le tribunal, d'une question prioritaire de constitutionalité portant sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 190 et de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, et demande à la Cour de transmettre au Conseil d'Etat ladite question prioritaire de constitutionnalité.

Elle soutient que :

- ces articles, tels qu'interprétés par le tribunal dans un précédent jugement, portent atteinte aux principes de sureté, de sécurité juridique et de clarté de la loi, à la valeur normative de la loi, au principe d'égalité devant la loi, à la liberté d'entreprendre, au principe d'égalité des chances, à la libre concurrence, au droit de propriété, à l'unicité du droit applicable et à l'article 34 de la Constitution .

Par une décision du 24 février 2017, le président de la chambre a décidé qu'il n'y avait pas lieu à instruction, en application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative.

Par un courrier enregistré le 22 mars 2017, le gérant de la société Procton Labs invite les magistrats de la 2ème chambre de la Cour à s'abstenir de statuer sur la présente requête ;

Par une ordonnance du 14 avril 2014, le premier vice-président de la Cour, a donné acte du désistement de la demande de la société Procton Labs présentée dans le courrier susmentionné et enregistrée sous le N° 17PA00988.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1,

- la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, notamment son article 16,

- l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel,

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Appèche

- et les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.

1. Considérant que la SARL Procton Labs, dont l'activité déclarée consiste en la recherche en systèmes d'information et en robotique, a inscrit, le 29 décembre 2014, au compte courant d'associé de son associé majoritaire, M.A..., une somme de 134 200 euros toutes charges comprises correspondant au règlement partiel de prestations réalisées aux mois d'avril, mai et juin 2011 et facturées par M. A...sous l'enseigne WZ Consulting ; que la société a déposé, le 4 mai 2015, auprès du service des impôts des entreprises une demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée datée du 30 avril 2015, d'un montant de 12 200 euros, afférent au règlement des prestations en cause, qui a fait l'objet d'une décision de rejet du 7 juillet 2015 ; que la société requérante a demandé au Tribunal administratif de Paris le remboursement dudit crédit de taxe sur la valeur ajoutée ; que, par mémoires distincts déposés devant ce tribunal, elle a sollicité la transmission au Conseil d'Etat de deux questions prioritaires de constitutionnalité ; que la société Procton Labs relève appel du jugement n° 1514881/2-2 du 27 juin 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a d'une part, estimé qu'il n'y avait pas lieu de procéder à cette transmission, et, d'autre part, a refusé de lui accorder le remboursement demandé et rejeté le surplus de sa demande ; qu'elle demande à la Cour de transmettre au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité et de lui accorder le remboursement de taxe litigieux ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que la procédure suivie devant le tribunal administratif a présenté, contrairement à ce que soutient la société Procton Labs, un caractère contradictoire ; qu'en effet, si l'administration fiscale a produit, le 8 juin 2016, un mémoire devant le tribunal administratif, celui-ci s'est borné à viser, sans l'analyser, ce mémoire produit postérieurement à la clôture de l'instruction fixée au 20 mai 2015 et ne s'est pas appuyé sur les éléments contenus dans ce mémoire ; que dès lors, la société Procton Labs n'est pas fondée à soutenir qu'en s'abstenant de lui communiquer ce mémoire, le tribunal administratif aurait méconnu le caractère contradictoire de la procédure, ni, en tout état de cause, porté atteinte au principe d'équilibre des droits des parties ;

3. Considérant, que la société Procton Labs ne saurait utilement, pour remettre en cause la régularité du jugement rendu dans le présent litige, contester les conditions dans lesquelles le tribunal administratif a, dans le cadre d'un autre litige l'opposant à l'administration fiscale, ordonné un supplément d'instruction aux fins pour l'administration fiscale de faire vérifier par un expert du ministère chargé de la recherche et de la technologie, l'éligibilité au crédit d'impôt recherche de certains travaux effectués par ladite société ;

4. Considérant que le jugement attaqué comporte une analyse suffisamment précise des conclusions et des mémoires produits devant le tribunal administratif, répond de manière également suffisamment précise à chacun des moyens opérants invoqués devant le tribunal et satisfait donc aux exigences posées par les articles L. 9 et R. 741-2 du code de justice administrative ; que si la société Procton Labs fait grief aux premiers juges de ne pas avoir répondu au moyen qu'elle invoquait devant eux et qui était tiré de ce que la procédure suivie par l'administration fiscale avait méconnu les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre à un tel moyen, qui était inopérant, dès lors que ces stipulations ne sont applicables qu'aux procédures contentieuses suivies devant des juridictions ; qu'en tout état de cause, les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre au moyen tiré de ce que l'expertise diligentée par l'administration n'avait pas été conduite dans des conditions conformes à l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que ce moyen était inopérant, les conclusions de cette expertise étant sans incidence sur le présent litige relatif à un remboursement de taxe sur la valeur ajoutée ;

5. Considérant, par ailleurs, qu'il ressort nécessairement même si implicitement des énonciations du jugement du tribunal administratif que les premiers juges ont considéré que la société Procton Labs ne justifiait d'aucun droit et d'aucune espérance légitime à se voir rembourser la taxe sur la valeur ajoutée litigeuse, dès lors que la réalité des prestations facturées n'était, selon les premiers juges, pas établie ; qu'il en résultait nécessairement qu'elle ne pouvait prétendre au bénéfice des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'Homme faute de faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte ;

Sur le bien-fondé de la non transmission des questions prioritaires de constitutionnalité posées devant le tribunal administratif et sur les conclusions présentées en appel, tendant à la transmission desdites questions prioritaires de constitutionnalité :

6. Considérant que la SARL Procton Labs soutient, comme elle le faisait devant le tribunal administratif, que les dispositions de l'article L. 45 B du livre des procédures fiscales, relatives à la vérification par un agent du ministère chargé de la recherche et de la technologie de la réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B du code général des impôts ne sont pas conformes à la Constitution ; que toutefois, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, ces dispositions ne sont pas applicables au présent litige, qui ne porte pas sur l'éligibilité de certaines des dépenses de la société Procton Labs au bénéfice du crédit d'impôt recherche mais sur son droit à obtenir le remboursement d'un montant de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a demandé ; que par suite, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Paris a décidé qu'il n'y a avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat ladite question ; que pour les mêmes motifs, c'est également à bon droit que le Tribunal administratif de Paris a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité à la Constitution des articles L. 190 et L. 80 A du livre des procédures fiscales telles qu'interprétés par la jurisprudence en matière de crédit d'impôt recherche, lesdits articles n'étant pas applicables au présent litige ; que, dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'accueillir les demandes de la société requérante, renouvelées en appel, tendant à la transmission au Conseil d'Etat desdites questions prioritaires de constitutionnalité ;

Sur la régularité de la procédure suivie par l'administration fiscale :

7. Considérant que la SARL Procton Labs ne peut utilement, dans le présent litige portant sur le seul refus de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée afférent à la période correspondant à l'année 2014, invoquer les irrégularités qui auraient, selon elle, entaché les procédures de vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet au titre d'autres années et ayant notamment conduit à la remise en cause des crédits d'impôt recherche auxquels elle estimait pouvoir prétendre ;

8. Considérant que, si la SARL Procton Labs a entendu invoquer en appel l'insuffisance de motivation et le défaut de base légale de la décision de rejet de sa réclamation préalable, de tels moyens sont inopérants, toute irrégularité de cette décision, à la supposer même établie, demeurant ...;

Sur le bien-fondé de la demande de remboursement de taxe sur la valeur ajoutée :

9. Considérant, qu'en vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts, un contribuable n'est pas en droit de déduire, de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations, la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services ; que dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ; que si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable, comme l'ont indiqué les premiers juges, qui ce faisant ne se sont pas mépris sur les règles de dévolution de la charge de la preuve, d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération ;

10. Considérant que la SARL Procton Labs a demandé à l'administration fiscale le remboursement d'un montant de taxe sur la valeur ajoutée de 12 200 euros, porté par elle sur sa déclaration de chiffre d'affaires de l'année 2014 ;

11. Considérant que l'administration, qui a demandé à la société de produire les factures justifiant cette demande de remboursement, a relevé que les pièces produites par la société pour ce faire étaient constituées de trois documents, faisant état, chacun, d'une taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 3 295 euros, soit un montant cumulé de 9 685 euros ne correspondant pas au montant du remboursement de 12 000 euros demandé et qu'aucune autre pièce n'a été produite pour justifier de l'écart entre ces sommes ; que l'administration a également constaté que les documents en cause, qui mentionnaient des travaux ayant été réalisés par la société WZ Consulting respectivement en avril 2011 pour le premier, en mai 2011 pour le deuxième et en juin 2011 pour le troisième, étaient des documents qui avaient déjà été produits à l'administration par la société requérante, en vue de solliciter un remboursement de taxe sur la valeur ajoutée lui ayant finalement été refusé ; que l'administration relevait également que les factures de l'entreprise WZ Consulting, intitulées " bulletin de rémunération ", ont été émises pour des montants strictement identiques, qu'elles décrivent les prestations en des termes généraux et identiques, que les prestations facturées étaient servies dans le cadre d'une convention et d'un acte de mise à disposition de personnel pour un coût mensuel fixe et en vertu d'une convention renouvelée en des termes inchangés depuis plusieurs années, par laquelle la société W.Z. Consulting mettait à disposition de la société Procton Labs, M.A..., pour un montant mensuel fixe et sans contrôle de la part du donneur d'ordre et alors que l'entreprise WZ Consulting, émettrice de ces factures, était une entreprise familiale dont M.A..., maître de cette affaire, était également associé de la société Procton Labs dont il assure la gestion de fait ; qu'en outre, l'administration constatait l'absence, au bout de trois ans d'activité, de concrétisation de prototype, de validation d'étape du projet scientifique affiché, de publications de résultats, d'échanges avec la communauté scientifique et de contacts avec des investisseurs éventuels pour le développement du projet ; que ces éléments, sur lesquels s'est appuyée l'administration, sont suffisants pour mettre en doute la réalité des prestations facturées à la société Procton Labs par la société WZ Consulting ; qu'il appartient, en conséquence, à la société requérante d'apporter des justifications de la réalité des prestations en cause ; que si la société Procton Labs se prévaut d'un rapport établi le 23 octobre 2015, à sa demande, par un ingénieur expert en informatique et en technologie de l'information, les éléments contenus dans ce document, qui se borne à analyser le projet de recherche au titre duquel la société estimait pouvoir bénéficier d'un crédit impôt recherche, ne sont pas suffisants pour démontrer la réalité des prestations prétendument fournies en contrepartie des sommes qui lui ont été facturées au titre de prestations qui auraient été effectuées en avril, mai et juin 2011 par la société WZ Consulting ; qu'elle n'invoque pas utilement le principe de liberté de gestion des entreprises, lequel ne saurait la dispenser d'avoir à produire des justificatifs quant à la réalité des prestations au titre desquelles elle sollicite un remboursement de taxe sur la valeur ajoutée, et pas davantage, en tout état de cause, en se prévalant du principe de présomption d'innocence, ou en critiquant le contenu de rapports établis par d'autres experts sur l'éligibilité au bénéfice d'un crédit d'impôt recherche de certains de ses projets de recherche, cette question n'étant pas l'objet du présent litige ; qu'ainsi, il résulte de l'instruction que l'administration était fondée à considérer que les factures en cause ne correspondaient pas à des prestations réellement fournies ;

12. Considérant, que si la SARL Procton Labs invoque la méconnaissance du principe communautaire de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, ce principe ne fait pas obstacle au non remboursement d'une taxe déduite indûment en raison du caractère fictif de la prestation correspondante ;

Sur la demande tendant à l'inscription de faux et à la prescription d'une enquête :

13. Considérant qu'aux termes de l'article R. 623-1 dudit code de justice administrative : " La juridiction peut, soit sur la demande des parties, soit d'office, prescrire une enquête sur les faits dont la constatation lui paraît utile à l'instruction de l'affaire. " ; qu'aux termes de l'article R. 633-1 dudit code : " Dans le cas d'une demande en inscription de faux contre une pièce produite, la juridiction fixe le délai dans lequel la partie qui l'a produite sera tenue de déclarer si elle entend s'en servir./ Si la partie déclare qu'elle n'entend pas se servir de la pièce, ou ne fait pas de déclaration, la pièce est rejetée. Si la partie déclare qu'elle entend se servir de la pièce, la juridiction peut soit surseoir à statuer sur l'instance principale jusqu'après le jugement du faux rendu par le tribunal compétent, soit statuer au fond, si elle reconnaît que la décision ne dépend pas de la pièce arguée de faux. " ;

14. Considérant, d'une part, que ces dispositions ne sont pas applicables lorsque les pièces arguées de faux sont des actes administratifs dont aucune disposition législative expresse ne prévoit que les mentions font foi jusqu'à inscription de faux ; que, dans ce cas, le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires faisant obstacle à ce que l'exactitude de ces mentions soit appréciée par un tribunal de l'ordre judiciaire, il appartient donc à la juridiction administrative d'apprécier l'authenticité de ces documents ; qu'en l'espèce, aucun élément résultant de l'instruction ne permet de faire douter de l'authenticité des documents, objet de la demande en inscription de faux présentée par la société requérante ; que tel est le cas notamment de la décision de rejet de la demande de remboursement de taxe sur la valeur ajoutée présentée par cette dernière sur sa déclaration de chiffre d'affaires de l'année 2014 ; qu'au surplus, la solution du présent litige ne dépend pas des documents argués de faux et afférents aux contrôles et vérifications qui ont été opérés par l'administration au titre des années antérieures, et ont conduit à la remise en cause des crédits d'impôt recherche dont la société requérante s'estimait bénéficiaire ; qu'il suit de là, et sans qu'il soit utile de prescrire une enquête, que les conclusions susanalysées ne peuvent qu'être rejetées ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Société Procton Labs n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a refusé, d'une part, de transmettre au Conseil d'Etat les questions prioritaires de constitutionalité qu'elle a posées devant lui, et d'autre part, de faire droit aux conclusions de sa demande tendant au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée litigieuse ; que les conclusions de la requête d'appel tendant à l'annulation du jugement, à la transmission au Conseil d'Etat des questions prioritaires de constitutionnalité posées et au remboursement du montant de taxe sur la valeur ajoutée en cause, doivent être rejetées ; qu'il en va de même, et sans qu'il soit besoin d'examiner leur recevabilité, des conclusions tendant à l'inscription de faux et à la prescription d'une enquête ; que les conclusions aux fins d'injonctions et d'astreintes, doivent également être rejetées, dès lors que le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'ayant pas dans la présente instance la qualité de partie perdante ;

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu pour la Cour de transmettre au Conseil d'Etat les questions prioritaires de constitutionnalité posées par la société Procton Labs.

Article 2 : Le surplus de la requête de la Société Procton Labs est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Société Procton Labs.

Copie en sera adressée au ministre de l'économie et des finances et au directeur régional des finances publiques d'Ile-de France.

Délibéré après l'audience du 3 mai 2017, à laquelle siégeaient :

Mme Brotons, président de chambre,

Mme Appèche, président assesseur,

M. Magnard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 mai 2017

Le rapporteur,

S. APPECHELe président,

I. BROTONS

Le greffier,

P. LIMMOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 16PA02756


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA02756
Date de la décision : 17/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : SCP BOLLING DURAND et LALLEMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 20/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-05-17;16pa02756 ?
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