Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du préfet de police du 8 juillet 2015 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination d'un éventuel éloignement d'office.
Par un jugement n° 1520003/3-1 du 29 mars 2016, le Tribunal administratif de Paris, faisant droit à la demande de M.A..., a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de police de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, et a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 850 euros à M. A...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et le versement de la somme de 150 euros à Me Bonvarlet sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve de renonciation à la part contributive de l'Etat.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 3 mai 2016, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1520003/3-1 du 29 mars 2016 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que le refus de titre de séjour opposé à M. A... portait une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale et qu'il a, pour ce motif erroné tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droit de l'homme et des libertés fondamentales, annulé l'arrêté du
8 juillet 2015 pris à l'encontre de l'intéressé, fait injonction à l'administration de délivrer à ce dernier un titre de séjour et mis à la charge de l'Etat le versement à M. A...d'une somme de 850 euros et le versement à son conseil d'une somme de 150 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 novembre 2016, M. B...A..., représenté par Me Bonvarlet, conclut au rejet de la requête du préfet de police, à ce qu'il soit enjoint audit préfet de lui délivrer le titre sollicité dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement à ce qu'il lui soit enjoint de procéder au réexamen de sa demande sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte, et à ce que soient mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 275 euros à son profit et de la somme de 225 euros au profit de son avocat, sur les fondements des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la requête du préfet de police n'est pas fondée ;
- le préfet de police à commis une erreur de droit, dès lors qu'il ne pouvait exiger la preuve de circonstances humanitaires ou de motifs exceptionnels, lesquelles ne sont exigibles, en vertu de l'accord franco-sénégalais que pour la délivrance d'un titre " vie privée et familiale " et non pour la délivrance d'un titre salarié ;
- le préfet de police ne pouvait lui opposer l'absence de spécificité de l'emploi, dès lors que cette condition n'était pas prévue par l'accord franco-sénégalais, et alors qu'il ne conteste pas que l'emploi d'animateur en informatique figure sur la liste annexée à l'accord bilatéral ;
- le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'accord franco-sénégalais et au regard de l'art L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- dès lors qu'il remplissait les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne pouvait faire légalement l'objet d'une mesure d'éloignement ;
- l'obligation de quitter le territoire qui lui est faite contrevient à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette obligation procède d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par ordonnance du 30 mars 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 avril 2017.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridique partielle (25%) par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ensemble le décret du 3 mai 1974 portant publication de la convention ;
- l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Appèche,
- les conclusions de M. Cheylan rapporteur public,
- et les observations de Me Bonvarlet, avocat de M. B... A....
1. Considérant que le préfet de police relève régulièrement appel du jugement n° 1520003/3-1 du 29 mars 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, à la demande de M. B... A..., d'une part, annulé l'arrêté préfectoral du 8 juillet 2015 portant, à l'encontre de ce dernier, refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination d'un éventuel éloignement d'office, d'autre part, enjoint à l'administration de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, et enfin, mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 850 euros à M. A...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la somme de 150 euros à Me Bonvarlet sur le fondement du même article et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve de renonciation à la part contributive de l'Etat ;
2. Considérant que, pour annuler l'arrêté préfectoral susmentionné, le tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de ce que le refus de titre de séjour opposé à M. A..., portait une atteinte disproportionnée au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale et contrevenait donc aux stipulations de l'article de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce que conteste le préfet de police ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de ladite convention : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
4. Considérant que M.A..., ressortissant sénégalais, né le 22 janvier 1980, entré en France le 15 octobre 2009, soit à l'âge de 29 ans, sous couvert d'un visa " étudiant ", a bénéficié de titres de séjour en qualité d'étudiant jusqu'au 30 novembre 2013 ; qu'ayant à nouveau sollicité, le
26 septembre 2013, le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étudiant, il s'est vu opposer un refus, par décision du préfet de police assortie d'une obligation de quitter le territoire français ; que malgré le rejet, par décision du ministre de l'intérieur du 11 juillet 2014, du recours hiérarchique introduit contre ce refus, M. A...n'a pas obtempéré à l'obligation qui lui était ainsi faite et s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français ; qu'il s'est présenté dans les services de la préfecture de police le 9 janvier 2015, en vue d'obtenir un titre de séjour, non plus en qualité d'étudiant, mais en qualité de salarié ; que cette demande a été rejetée par l'arrêté litigieux ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...a obtenu entre août et novembre 2011, des " Microsoft certificat of excellence " attestant de l'achèvement de formations de spécialisation, dans les systèmes d'exploitation Microsoft, dispensées par un organisme de formation professionnelle pour adultes ; qu'il a obtenu, au titre de l'année universitaire 2010-2011 un master en Sciences, technologies et Santé mention Mathématiques-Informatique, spécialité Mathématiques et informatique des systèmes complexes, délivré par l'université du Havre ; qu'il a été autorisé, en 2011, sur validation des acquis, à s'inscrire en première année de licence d'anglais langue étrangère pour l'année universitaire 2011-2012 par l'université de Paris-Vincennes-Saint-Denis ; qu'il était à nouveau inscrit en première année de licence d'anglais durant l'année 2012-2013 ainsi que durant l'année universitaire 2013-2014 et ne justifie d'aucun passage à l'année supérieure ; que s'il verse au dossier des fiches de paye et des documents montrant qu'il a travaillé pour la Ville de Paris sans discontinuer depuis le mois d'avril 2011, en qualité d'animateur auprès de centres de loisirs dans lesquels il animait notamment des ateliers " informatique " durant l'année scolaire ainsi qu'en qualité d'animateur pendant les vacances scolaires, les emplois en cause étaient des emplois précaires, occupés en qualité de vacataire et à temps partiel alors qu'il avait le statut d'étudiant ; que si M. A... soutenait, devant le tribunal administratif, avoir obtenu, en 2014, une promesse d'embauche en qualité d'administrateur système réseau, le document versé au dossier, qui se présente comme un simple projet, ne comporte pas la signature de l'employeur présumé mais seulement celle de M. A... ; que d'autre part, si la mère de M. A..., est entrée en France en 2007 pour rejoindre son second mari ayant obtenu le statut de réfugié politique, accompagnée des trois demi soeurs et d'un demi-frère de M. A..., et si les intéressés sont titulaires de cartes de résident, il est constant que M. A... est célibataire, sans charge de famille et a vécu jusqu'à l'âge de 29 ans dans son pays, où il a, en tout état de cause, conservé des attaches puisque notamment son père y réside encore ; que dans ces conditions, eu égard à l'ensemble des éléments rappelés ci-dessus, et notamment aux conditions d'entrée et de séjour en France de M. A..., qui ne pouvait ignorer que les titres de séjour obtenus en qualité d'étudiant ne lui donnaient pas vocation à s'installer durablement dans ce pays, l'arrêté attaqué ne peut être regardé comme ayant porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale ; que le préfet de police est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé son arrêté du 9 juillet 2015 au motif qu'il avait méconnu les stipulations susénoncées ;
6. Considérant qu'il appartient à la Cour saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A... tant devant le tribunal administratif que devant elle ;
7. Considérant que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté manque en fait, ce fonctionnaire bénéficiant d'une délégation de signature à cet effet accordée par un arrêté n° 2015-00582 du 18 juillet 2015, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la Ville de Paris du 24 juillet 2015 ;
8. Considérant, qu'aux termes du paragraphe 42 de l'accord susvisé relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre la France et le Sénégal du 23 septembre 2006 modifié : " (...) Un ressortissant sénégalais en situation irrégulière en France peut bénéficier, en application de la législation française, d'une admission exceptionnelle au séjour se traduisant par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant : / - soit la mention "salarié" s'il exerce l'un des métiers mentionnés dans la liste figurant en annexe IV de l'Accord et dispose d'une proposition de contrat de travail (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article
L. 311-7 (...) " ;
9. Considérant que les stipulations du paragraphe 42 précité renvoyant à la législation française en matière d'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants sénégalais en situation irrégulière rendent applicables à ces ressortissants les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le préfet saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour par un ressortissant sénégalais en situation irrégulière est conduit par l'effet de l'accord du 23 septembre 2006 modifié à faire application des dispositions de l'article L. 313-14 du code ;
10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui ainsi qu'il a été dit, s'était maintenu irrégulièrement sur le territoire français, a sollicité son admission au séjour en qualité de salarié en se prévalant de son activité d'animateur exercée dans les conditions rappelées ci-dessus ; qu'à supposer même que ce métier soit mentionné dans la liste figurant à l'annexe IV à l'accord franco-sénégalais à laquelle renvoie le paragraphe 42 de ce même accord, les stipulations de ce paragraphe se réfèrent à la législation française relative à l'admission exceptionnelle au séjour et donc aux dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que c'est par suite, sans commettre d'erreur de droit, que le préfet de police a estimé que la délivrance d'un titre de séjour mention " salarié " sur le fondement de l'accord invoqué était subordonnée à l'existence d'un motif exceptionnel d'admission au séjour au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code ;
11. Considérant que si M. A... se prévaut de l'ancienneté de son séjour sur le territoire français, de son activité professionnelle et de la présence de membres de sa famille en France, ces circonstances ne peuvent être regardées comme constituant une circonstance humanitaire ou un motif exceptionnel au sens de l'article L. 313-14 précité ; que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet en refusant la délivrance du titre de séjour sollicité doit être écarté comme non fondé ;
12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ; que pour les motifs rappelés aux points 4 et 5, M. A... ne justifiait pas de liens privés et familiaux en France d'une nature et d'une intensité telles qu'il puisse être regardé comme étant, à la date de l'arrêté contesté, en situation d'obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement des dispositions rappelées ci-dessus ; qu'il n'est, par suite, pas plus fondé à se prévaloir de cette situation pour prétendre qu'il ne pouvait légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ; que pour les mêmes motifs que ceux développés ci-dessus, ladite obligation ne contrevient pas aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne procède pas davantage d'une appréciation manifestement erronée des conséquences d'une telle mesure d'éloignement sur la situation personnelle de M. A...;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté préfectoral du 8 juillet 2015, enjoint à l'administration de délivrer à M. A...un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" et mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 850 euros à M. A...et de la somme de 150 euros à Me Bonvarlet sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; que ledit jugement doit être annulé et la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif ainsi que ses conclusions présentées devant le Cour doivent être rejetées, y compris celles présentées sur le fondement des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative et sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1520003/3-1 du 29 mars 2016 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 3 mai 2017, à laquelle siégeaient :
Mme Brotons, président de chambre,
Mme Appèche, président assesseur,
M. Magnard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 mai 2017
Le rapporteur,
S. APPECHELe président,
I. BROTONS
Le greffier,
P. LIMMOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA01501