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02/05/2017 | FRANCE | N°16PA00447

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 02 mai 2017, 16PA00447


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...A...a demandé au Tribunal administratif de Melun :

1°) d'annuler la décision implicite de rejet née le 27 avril 2014 du silence du département du Val-de-Marne sur sa demande ;

2°) d'enjoindre au département du Val-de-Marne de lui reconnaître le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

3°) d'enjoindre au département du Val-de-Marne de prononcer son avancement au grade de directeur et de l'affecter à un service et à des fonctions définies dans le cadre et l'emploi et par u

ne fiche de poste, de manière rétroactive, traitement compris, à compter de janvier 2012 ;

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...A...a demandé au Tribunal administratif de Melun :

1°) d'annuler la décision implicite de rejet née le 27 avril 2014 du silence du département du Val-de-Marne sur sa demande ;

2°) d'enjoindre au département du Val-de-Marne de lui reconnaître le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

3°) d'enjoindre au département du Val-de-Marne de prononcer son avancement au grade de directeur et de l'affecter à un service et à des fonctions définies dans le cadre et l'emploi et par une fiche de poste, de manière rétroactive, traitement compris, à compter de janvier 2012 ;

4°) de condamner le département du Val-de-Marne, à titre principal, pour illégalité de la décision lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle, et à titre subsidiaire, pour faute dans la gestion de sa carrière, à réparer les préjudices qu'elle a subis, évalués à 500 euros en ce qui concerne les frais engagés pour assurer la défense de ses droits et de ses intérêts, à 3 560 euros en ce qui concerne les frais occasionnés par le soutien psychologique auquel elle a dû avoir recours, à 2 278 euros en ce qui concerne l'indemnisation des périodes à mi-traitement du fait de la maladie occasionnée par le harcèlement et les conditions de travail, ainsi que les préjudices physique, moral, professionnel, d'agrément et d'anxiété, évalués à 52 980 euros, le préjudice tiré de la perte de chance d'avoir un nouveau traitement correspondant à son grade et le préjudice correspondant aux traitements afférents au grade de directeur, évalué à 5 000 euros à parfaire.

Par un jugement n° 1405298 du 3 décembre 2015, le Tribunal administratif de Melun a condamné le département du Val-de-Marne à verser à Mme A...une somme de 4 000 euros en réparation de son préjudice moral, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er février 2016, MmeA..., représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) de réformer ce jugement du 3 décembre 2015 du Tribunal administratif de Melun en ce qu'il a pour partie rejeté ses conclusions ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet mentionnée ci-dessus ;

3°) d'enjoindre au département du Val-de-Marne de lui octroyer le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

4°) de condamner le département du Val-de-Marne à lui verser :

- la somme de 3 560 euros correspondant aux frais occasionnés par le soutien psychologique auquel elle a dû avoir recours entre juillet 2008 et janvier 2013 ;

- la somme de 52 980 euros correspondant aux préjudices physique, moral, professionnel, d'agrément et d'anxiété ;

- la somme de 5 000 euros correspondant à la perte d'une chance de recevoir un nouveau traitement correspondant au grade demandé, à parfaire ;

5°) de mettre à la charge du département du Val-de-Marne le versement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a été victime de harcèlement moral ou, à tout le moins, d'un " management " inapproprié de la part de l'administration qui l'a " mise au placard " et l'a exposée à un risque psycho-social ;

- la responsabilité pour faute du département est engagée du fait de ce harcèlement moral et, à tout le moins en raison de cette " mise au placard " qui a constitué une véritable punition ;

- le jugement du tribunal administratif est entaché d'erreur de droit en ce qui concerne la charge de la preuve du harcèlement, et en ce qu'il considère que l'absence de démonstration du harcèlement pourrait justifier le rejet de la demande de protection fonctionnelle ; il n'a pas tiré toutes les conséquences de la " mise au placard " dont il a reconnu l'existence ; il aurait dû apprécier globalement les circonstances de fait dont elle fait état pour établir la réalité du harcèlement moral dont elle est victime.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2016, le département du Val-de-Marne, représenté par Me C...conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à ce que le jugement du Tribunal administratif de Melun du 3 décembre 2015 soit réformé en ce qu'il l'a condamné à verser à Mme A...une somme de 4 000 euros ;

3°) à ce que le versement de la somme de 3 000 euros soit mis à la charge de Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par Mme A...ne sont pas fondés ;

- les premiers juges ont à tort estimé qu'il avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

Par ordonnance du 8 novembre 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 janvier 2017.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 4 janvier 2017, Mme A...conclut :

1°) aux mêmes fins que la requête ;

2°) au rejet de l'appel incident du département du Val-de-Marne.

Elle soutient que le département du Val-de-Marne n'est ni recevable, ni fondé à demander la réformation du jugement du tribunal administratif.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- les observations de Me E..., pour MmeA...,

- et les observations de MeB..., pour le département du Val-de-Marne.

1. Considérant que Mme D...A..., attachée territoriale principale, affectée auprès de la direction des services aux personnes âgées et des personnes handicapées (DSPAPH) du département du Val-de-Marne a occupé à partir de l'année 2001 le poste de responsable de la tarification des établissements pour personnes âgées ; qu'à la fin de l'année 2010, elle a changé de poste pour devenir chargée d'études sur la dépendance ; qu'elle a, du mois de juin 2012 au mois de mars 2013, suivi une formation sanctionnée par un diplôme de hautes études des pratiques sociales à l'Université Paris VIII ; qu'elle a ensuite, selon le département, occupé un poste de conseiller technique au sein du service " prospective qualité et évaluation " ; qu'elle a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision née le 27 avril 2014 du silence du président du conseil général, rejetant implicitement sa demande de protection fonctionnelle et d'indemnisation à raison d'actes de harcèlement, et de condamner le département pour faute à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis ; qu'elle fait appel du jugement du 3 décembre 2015 par lequel le tribunal a condamné le département du Val-de-Marne à lui verser une somme de 4 000 euros en réparation de son préjudice moral, en ce qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ; que le département du Val-de-Marne demande, par la voie de l'appel incident, la réformation de ce même jugement en ce qu'il l'a condamné à verser à Mme A...une somme de 4 000 euros ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. " ; qu'aux termes de l'article 11 de la même loi, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire. / (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) " ; que ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général ; que cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis ; que la mise en oeuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre ; qu'il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce ;

3. Considérant, d'autre part, qu'il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

4. Considérant, en premier lieu, que, ni les deux courriers électroniques datés des 4 décembre 2008 et 1er décembre 2009 auxquelles Mme A...se réfère, ni ses notations et appréciations au cours des années 2008 2009 et 2010, corroborées par des courriers électroniques datés de juin 2008, août 2008 et janvier 2009, produits par le département, ni enfin l'avis défavorable à son avancement de grade émis en 2008 par la directrice de la DSPAPH, alors qu'elle a bénéficié de cet avancement l'année suivante, ne sont de nature à révéler qu'elle aurait fait l'objet de reproches infondés sur sa manière de servir et ses difficultés relationnelles et à faire présumer l'existence d'actes de harcèlement ou d'une mise à l'écart fautive pendant ces années ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que, ni l'affectation de Mme A...à la fin de l'année 2010, initialement prévue pour une durée de six mois, sur un poste de chargée d'études sur la dépendance, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait été dépourvu de contenu ou qu'il n'aurait pas donné lieu à un suivi par sa hiérarchie, ni la prolongation jusqu'en mai 2012 de cette mission que Mme A...n'avait pas accomplie dans le délai initialement prévu, ne sont de nature à faire présumer l'existence d'actes de harcèlement ou d'une mise à l'écart fautive pendant cette période ;

6. Considérant, en troisième lieu, que, pour estimer que le département avait, de façon condamnable, affecté Mme A...sur un poste dépourvu de missions concrètes depuis, à tout le moins, le mois de mars 2013, le tribunal administratif a relevé que l'affirmation du département selon laquelle elle avait, après sa formation universitaire, occupé un poste de conseiller technique au sein du service " prospective qualité et évaluation ", n'était étayée par aucune pièce et par aucune précision sur ses missions, alors que Mme A...produisait des fiches de paye relatives à cette période mentionnant qu'elle était rattachée au service " projets et structures ", de nature à révéler qu'elle n'avait en réalité jamais rejoint un tel poste ; qu'ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, en n'affectant pas Mme A...à un poste correspondant à son grade dans un délai raisonnable le département a commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité ; que, toutefois contrairement à ce que soutient MmeA..., cette faute ne peut être regardée comme révélant un acte de harcèlement ou une sanction déguisée ; que le département ne fournit à la Cour aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur l'évaluation du préjudice subi par Mme A...en raison de cette carence fautive ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle, ainsi que, pour partie, ses conclusions à fin d'indemnisation en réparation du préjudice qu'elle prétend avoir subi en raison de la faute commise par le département ;

8. Considérant qu'il résulte également de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par Mme A...à ses conclusions d'appel incident, le département du Val-de-Marne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif l'a condamné à verser à Mme A...une somme de 4 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du département du Val-de-Marne, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme A...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A...le versement de la somme que le département demande sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du département du Val-de-Marne sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...A...et au département du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 18 avril 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 mai 2017.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA00447


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA00447
Date de la décision : 02/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - violation directe de la règle de droit - Principes généraux du droit - Principes intéressant l'action administrative - Garanties diverses accordées aux agents publics.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : TUAILLON-HIBON

Origine de la décision
Date de l'import : 16/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-05-02;16pa00447 ?
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