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27/04/2017 | FRANCE | N°15PA02843

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 27 avril 2017, 15PA02843


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...E...et Mme A...E...ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2013 par lequel le maire de Paris a accordé à la SARL Neuf Lamier un permis de construire pour la construction de deux bâtiments, l'un de deux étages avec un niveau de sous-sol, l'autre de quatre étages, à usage d'artisanat et d'habitation, au 9 impasse Lamier à Paris (11ème arrondissement).

Par un jugement n° 1408291-1408646 du 21 mai 2015, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arr

êté contesté, rejeté les conclusions de la société Neuf Lamier tendant à la conda...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...E...et Mme A...E...ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2013 par lequel le maire de Paris a accordé à la SARL Neuf Lamier un permis de construire pour la construction de deux bâtiments, l'un de deux étages avec un niveau de sous-sol, l'autre de quatre étages, à usage d'artisanat et d'habitation, au 9 impasse Lamier à Paris (11ème arrondissement).

Par un jugement n° 1408291-1408646 du 21 mai 2015, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté contesté, rejeté les conclusions de la société Neuf Lamier tendant à la condamnation de M. et Mme E...sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme et mis à la charge de cette société le versement de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 juillet 2015, la SARL Neuf Lamier, représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1408291-1408646 du 21 mai 2015 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande de M. et Mme E...présentée devant le tribunal administratif de Paris ;

3°) de condamner M. et Mme E...à lui verser, sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme, la somme de 11 125 euros multipliée par le nombre de mois compris entre le 26 janvier 2014 et la date de l'arrêt à intervenir, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de ses conclusions reconventionnelles devant le tribunal administratif de Paris, ou à titre subsidiaire, une somme de 1 200 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la même date ;

4°) de mettre à la charge de M. et de Mme E...le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, faute d'être suffisamment motivé quand au rejet de la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir des demandeurs de première instance, et faute d'avoir statué sur la demande de mise en oeuvre des dispositions de l'article

L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

- le projet prévu, qui ne cause pas de perte de vue et d'ensoleillement et s'implante en lieu et place de bâtiments dangereux, ne pourra qu'améliorer les conditions dans lesquelles M. et Mme E...occupent leur appartement ; ils n'ont pas intérêt pour agir ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que le permis de construire litigieux ne respectait pas les dispositions de l'article UG 2.2. du règlement du plan local d'urbanisme de la ville de Paris ; d'une part, elle a reconstitué la surface de plancher dévolue à l'artisanat comme le prévoit le rapport de présentation du plan local d'urbanisme, d'autre part, l'erreur commise dans sa demande ne suffisait pas à entrainer l'annulation du permis et l'immeuble existant était à usage de commerce.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 octobre 2015, M. et Mme E..., représentés par Me Heurtel, concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis la somme de 5 000 euros à la charge de la SARL Neuf Lamier en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

La requête a été communiquée à la ville de Paris qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Par ordonnance du 16 septembre 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 novembre 2016 à 12 heures.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Diémert,

- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,

- les observations de Me Benoît, avocat de la SARL Neuf Lamier, et de Me Heurtel, avocat de M. et MmeE....

Une note en délibéré présentée pour la SARL Neuf Lamier a été enregistrée le 30 mars 2017.

Une note en délibéré présentée pour M. et Mme E...a été enregistrée

le 3 avril 2017.

1. Considérant que, par arrêté du 29 novembre 2013, le maire de Paris a accordé à la société Neuf Lamier un permis de construire pour la construction de deux bâtiments, l'un de deux étages sur un niveau de sous-sol, l'autre de quatre étages, reliés par un escalier extérieur, à usage artisanal en rez-de-chaussée et d'habitation au premier étage, au 9 impasse Lamier à Paris (11ème arrondissement) ; que le projet de la SARL Neuf Lamier prévoit la création de 517 m² de surfaces de plancher destinées à l'artisanat et de 310 m² destinées à l'habitation ; qu'antérieurement à la délivrance de ce permis de construire, la société

Neuf Lamier a bénéficié d'une autorisation tacite, confirmée par arrêté du maire de Paris du 22 juillet 2013, en vue de démolir les restes de bâtiments présents sur le terrain, détruits par un incendie en 2010 ; que M. et Mme E...ont demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté du 29 novembre 2013 ; que, par un jugement dont la SARL Neuf Lamier relève appel devant la Cour, le tribunal a fait droit à leur demande et annulé cet arrêté ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, d'une part, que, contrairement à ce que soutient la SARL Neuf Lamier, les premiers juges ont suffisamment motivé leur décision s'agissant du rejet de la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt pour agir de M. et MmeE... ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par un permis modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si un tel permis modificatif est notifié dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. " ; que la SARL Neuf Lamier soutient que le jugement est irrégulier faute pour les premiers juges d'avoir répondu à sa demande tendant à la mise en oeuvre de ces dispositions ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier de première instance que cette demande n'a été présentée devant le tribunal administratif que postérieurement à l'audience, à l'occasion du dépôt d'une note en délibéré ; que les premiers juges, qui ont régulièrement visé cette note en délibéré sans l'analyser, n'étaient pas tenus de statuer sur cette demande ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et MmeE..., qui résident au 127 avenue Philippe Auguste à Paris (11ème arrondissement), sont immédiatement voisins des constructions projetées, sur lesquelles ils auront une vue directe et qui comprennent notamment un bâtiment de quatre étages à construire à proximité de la limite séparative de propriété et comportant des baies surplombant leur terrasse ; qu'ainsi, à supposer même que l'impact des constructions sur l'ensoleillement de la propriété des requérants soit limité, les constructions projetées sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation et de jouissance de l'appartement dont ils sont propriétaires ; qu'à cet égard, cette condition posée par les dispositions législatives précitées étant remplie, la SARL Neuf Lamier ne peut utilement soutenir, en se prévalant de la nécessité de procéder à la démolition d'un bâtiment ruiné contenant de l'amiante et de l'amélioration de l'aspect des lieux qui résulterait de cette démolition, que le projet n'affectera pas négativement les conditions d'occupation du bien voisin ; que la requérante n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de M. et MmeE... ; que le moyen doit être écarté ;

En ce qui concerne le moyen retenu par le tribunal tiré de la méconnaissance de l'article UG.2.2 du plan local d'urbanisme :

6. Considérant qu'aux termes de l'article U.G.2 du règlement du plan local d'urbanisme de la ville de Paris, relatif aux occupations et utilisations du sol soumises à des conditions particulières : " (...) U.G.2.2.- Conditions relatives aux destinations : (...) d - Sur les sites de protection de l'artisanat et de l'industrie repérés sur l'atlas général, la transformation de surfaces d'artisanat ou d'industrie en une destination autre que l'artisanat ou l'industrie est interdite ; en cas de reconstruction, la proportion dans la S.H.O.N. destinée à l'artisanat ou à l'industrie ne peut être inférieure à la proportion initiale " ; qu'aux termes des dispositions générales applicables au territoire couvert par le plan local d'urbanisme, la destination d'artisanat " comprend les locaux et leurs annexes où sont exercées des activités de production, de transformation, de réparation ou de prestation de service relevant de l'artisanat. Pour être rattachés à cette destination, les locaux d'entreposage ne doivent pas représenter plus de 1/3 de la S.H.O.N. totale (...) " et la destination d'industrie " comprend les locaux principalement affectés à la fabrication industrielle de produits. Pour être rattachés à cette destination, les locaux d'entreposage ne doivent pas représenter plus de 1/3 de la S.H.O.N. totale " ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette de la construction objet du permis de construire est repéré sur l'atlas général du plan local d'urbanisme de Paris comme un site de protection de l'artisanat et de l'industrie ; qu'il résulte des termes mêmes du d) de l'article U.G. 2.2 du règlement de ce plan, qui vise des proportions et non des superficies, qu'en cas de reconstruction, la proportion de surfaces de planchers destinées à l'artisanat ou à l'industrie doit être au minimum la même que la proportion de telles surfaces dans la construction initiale, et ce alors même que le rapport de présentation du plan, qui ne saurait se substituer aux règles qu'il explicite, énonce que la protection instituée par l'article UG.2.2 d) vise à ce que les superficies existantes à usage industriel et artisanal soient " conservées " et, en cas de démolitions, " reconstituées " ;

8. Considérant que la requérante avait dans sa demande de permis de construire déclaré que l'immeuble à démolir du 9 impasse Lamier, d'une surface totale de 520 m², comportait avant travaux 195 m² à usage d'habitation et 325 m² à usage d'artisanat ; que le projet prévoit 310 m² à usage d'habitation et 517 m² à usage d'artisanat ;

9. Considérant, cependant, qu'il ressort des pièces du dossier et n'est d'ailleurs plus contesté que l'immeuble du 9 impasse Lamier ne comprenait aucune surface destinée à l'habitation ; qu'en outre, si la société requérante a fait établir le 2 mai 2014 par un géomètre-expert une étude qui conclut que les 436 m² de l'immeuble existant, occupé de 1982 à son incendie en 2010 par un tapissier qui y exerçait une activité artisanale, devaient, du fait de leur occupation de 1964 à 1982 par une société dénommée " société industrielle de miroiterie- vitrerie et peinture " déclarant au registre du commerce une activité de " miroiterie en gros ", être considérés comme à destination " commerciale ", cette destination, sans rapport avec celle déclarée par la requérante ou retenue par la ville de Paris, ne peut être regardée comme établie par cette étude ; qu'ainsi, en autorisant la construction, en remplacement d'un immeuble ne comportant que des surfaces artisanales ou industrielles, d'un immeuble comportant des surfaces dévolues à l'habitation, le maire de Paris a méconnu l'article UG 2.2 d) du plan local d'urbanisme ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Neuf Lamier n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé, pour ce motif, l'arrêté litigieux ;

Sur les conclusions à fin de dommages-intérêts :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme : " Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en oeuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts (...) " ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et MmeE..., qui avaient intérêt à agir, ont obtenu l'annulation de l'arrêté attaqué ; que leur recours ne saurait dès lors être regardé comme excédant la défense de leurs intérêts légitimes ; qu'ainsi, les conclusions de la SARL Neuf Lamier tendant à l'application des dispositions précitées de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme, qui ne sont, au demeurant, ni présentées par un mémoire distinct, ni accompagnées de la moindre justification du préjudice allégué, doivent être rejetées ;

Sur les frais de procédure :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SARL Neuf Lamier, qui succombe dans la présente instance, puisse en invoquer le bénéfice ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de cette société le versement une somme de 1 500 euros à M. et Mme E... sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Neuf Lamier est rejetée.

Article 2 : La SARL Neuf Lamier versera à M. et Mme E... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié la SARL Neuf Lamier, à M. B... E..., à Mme A... E...et à la ville de Paris.

Copie en sera adressée au préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Amat, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 avril 2017.

Le rapporteur,

S. DIÉMERTLa présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,

M. C...

La République mande et ordonne préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA02843


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15PA02843
Date de la décision : 27/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire - Légalité au regard de la réglementation locale - POS ou PLU (voir supra : Plans d`aménagement et d`urbanisme).

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles de procédure contentieuse spéciales - Introduction de l'instance - Obligation de notification du recours.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : CABINET HEURTEL et MOGA

Origine de la décision
Date de l'import : 16/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-04-27;15pa02843 ?
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