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18/04/2017 | FRANCE | N°16PA03354

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 18 avril 2017, 16PA03354


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...épouse A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2015 par lequel le préfet de police de Paris lui a refusé le renouvellement de son certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et a fixé le pays de destination, et de lui enjoindre de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou à défaut de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 1600362/6-3

du 12 mai 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de MmeA....

Pro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...épouse A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2015 par lequel le préfet de police de Paris lui a refusé le renouvellement de son certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et a fixé le pays de destination, et de lui enjoindre de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou à défaut de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 1600362/6-3 du 12 mai 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de MmeA....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 novembre 2016, Mme A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris du 12 mai 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 8 décembre 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet, sous astreinte, de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de 15 jours à compter de la notification du présent arrêt, ou à défaut, de réexaminer sa situation en lui délivrant un titre de séjour temporaire dans l'attente de ce réexamen, dans un délai de 10 jours à compter de la notification du présent arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, en faveur de son conseil, au titre des frais non compris dans les dépens.

Mme A...soutient que :

- le préfet a pris la décision contestée en l'absence d'un avis médical rendu par le médecin chef de la préfecture, ce qui constitue un vice de procédure ;

- elle n'a pas reçu l'information selon laquelle le médecin chef ne disposait pas des certificats médicaux requis nécessaires ;

- le préfet de police ne démontre pas son impossibilité à se prononcer sur sa demande de renouvellement ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en écartant les dispositions procédurales du décret du 6 juin 2001, lesquelles sont applicables, de manière générale, aux ressortissants algériens ;

- le tribunal a commis une omission à statuer en ne se prononçant pas sur le moyen tiré de la violation de l'article 6-7° de l'accord franco-algérien ;

- son état de santé nécessite une prise en charge importante en France, et l'absence de traitement aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

- elle ne pourrait pas bénéficier du suivi de sa maladie et d'un traitement approprié en cas de retour dans son pays d'origine ;

- elle dispose de la présence de l'ensemble de sa famille en France.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2017, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 octobre 2016.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord modifié du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Privesse, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public.

1. Considérant que Mme A..., ressortissante algérienne, entrée en France le 22 mars 2008 selon ses déclarations, a sollicité les 21 janvier et 17 avril 2015 le renouvellement de son certificat de résidence auprès du préfet de police, en invoquant le bénéfice des articles 6-7 et 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié susvisé ; qu'elle relève appel du jugement du 12 mai 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 8 décembre 2015 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et fixant le pays de destination ;

Sur le refus de séjour opposé à Mme A...:

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié susvisé du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays " ; qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance ou le renouvellement d'un certificat de résident à un ressortissant algérien qui se prévaut de ces stipulations, de vérifier que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays d'origine ;

3. Considérant que si l'accord franco-algérien régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, il n'a toutefois pas entendu écarter, sauf stipulations incompatibles expresses, l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance ou le refus de titre de séjour ; qu'ainsi, les stipulations précitées ayant une portée similaire à celle des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les garanties procédurales prévues par cet article, ainsi que les dispositions de l'article R. 313-22 du même code et celles de l'arrêté du 9 novembre 2011, relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé pris pour leur application, sont également applicables aux ressortissants algériens ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) " ; que l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé précise, à son article 1er, que " L'étranger qui a déposé une demande de délivrance ou de renouvellement de carte de séjour temporaire est tenu de faire établir un rapport médical relatif à son état de santé ou par un médecin praticien hospitalier visé au 1° de l'article L. 6152-1 du code de la santé publique ", à son article 3, que : " Au vu des informations médicales qui lui sont communiquées par l'intéressé ou, à la demande de celui-ci, par tout autre médecin, et au vu de tout examen qu'il jugera utile de prescrire, le médecin agréé ou le médecin praticien hospitalier mentionné à l'article 1er établit un rapport précisant le diagnostic des pathologies en cours, le traitement suivi et sa durée prévisible ainsi que les perspectives d'évolution " et, à son article 6, que : " A Paris, le médecin agréé ou le médecin praticien hospitalier visé à l'article 1er adresse son rapport médical, sous pli confidentiel, au médecin désigné par le préfet de police. Celui-ci émet l'avis comportant l'ensemble des précisions mentionnées à l'article 4 ci-dessus et le transmet au préfet de police " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le médecin chef du service médical de la préfecture de police a fait connaître au préfet de police, le 17 février 2015, qu'il ne pouvait se prononcer sur l'état de santé de MmeA..., en l'absence de certificats médicaux émanant d'un médecin agréé ou d'un médecin praticien hospitalier ; que, par un arrêté du

8 décembre 2015, le préfet de police a refusé de renouveler le titre de séjour de Mme A...au motif qu'elle ne remplissait pas les conditions prévues par le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français, en fixant le pays de destination ;

5. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées précédemment citées, que dans le cas où le médecin chargé d'émettre un avis destiné au préfet auquel a été adressée une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, n'est pas à même de se prononcer sur l'état de santé du demandeur, faute d'avoir reçu, de la part du médecin agréé choisi par le demandeur, le rapport médical que celui-ci doit établir ou les pièces complémentaires à ce rapport qui lui ont été réclamées, il appartient au médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, au médecin chef du service médical de la préfecture de police d'en informer l'autorité préfectorale ; que cette information faite à destination du préfet ne revêt pas la nature d'un avis médical ; qu'il incombe alors au préfet de porter cet élément, qui fait obstacle à la poursuite de l'instruction de la demande de séjour, à la connaissance de l'étranger afin de le mettre à même soit d'obtenir du médecin agréé qu'il a choisi qu'il accomplisse les diligences nécessaires soit, le cas échéant, de choisir un autre médecin agréé ;

6. Considérant que le préfet de police soutient que Mme A...a été reçue en préfecture le 17 avril 2015, date à laquelle elle a été informée que la procédure médicale n'avait pu aboutir au motif ci-dessus indiqué, et qu'elle devait se rapprocher d'un médecin agréé ou d'un médecin praticien hospitalier ; qu'en raison des manquements de l'intéressée, qui n'a pas fait les diligences nécessaires, un refus de séjour lui a été opposé ; que, toutefois, Mme A...fait valoir de manière constante, qu'elle n'a jamais reçu d'information ni orale, ni écrite, selon laquelle le médecin chef de la préfecture ne disposait pas des certificats médicaux requis nécessaires à l'établissement de son avis médical ; qu'aucune pièce du dossier ne vient en outre étayer les dires du préfet de police, ni établir qu'une demande formelle de complément de dossier, notamment par l'envoi d'un rapport émanant d'un médecin agréé ou d'un médecin praticien hospitalier, ait été adressée à l'intéressée ; que le préfet de police n'a donc pas mis à même Mme A...d'accomplir les diligences nécessaires pour compléter son dossier ; qu'au demeurant, une telle invitation à produire formulée par le préfet à la demande du médecin chef du service médical, n'est pas de nature à porter atteinte aux prérogatives de ce dernier, ni à méconnaître les règles de déontologie médicale ou le secret médical ; que cette irrégularité de procédure a privé l'intéressée d'une garantie ;

7. Considérant qu'en rejetant la demande de titre de séjour au motif que Mme A...n'appartient pas à la catégorie des algériens visés par les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968, alors que le médecin chef du service médical de la préfecture de police n'avait émis aucun avis au vu du dossier médical de l'intéressée, le préfet de police a commis une irrégularité de procédure ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de la requête de MmeA..., que celle-ci est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 décembre 2015 par lequel le préfet de police de Paris lui a refusé le renouvellement de son certificat de résidence, l'a obligée de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et a fixé le pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Considérant que le présent arrêt n'implique pas nécessairement que l'administration prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé, mais seulement que le préfet de police réexamine la demande de MmeA..., après avis du médecin - chef du service médical de la préfecture de police de Paris, dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte, et qu'il lui délivre, pendant ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour ; que les conclusions de la requérante tendant à ce que lui soit délivré un titre de séjour doivent en revanche être rejetées ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

10. Considérant que Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Noirel renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat aux missions d'aide juridictionnelle qui lui ont été confiées, de mettre à la charge de l'Etat le versement en sa faveur de la somme de 1 300 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1600362/6-3 du 12 mai 2016 et l'arrêté du préfet de police du 8 décembre 2015 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la demande de certificat de résidence présentée par Mme A..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer durant ce réexamen une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à Me Noirel, avocat de MmeA..., la somme de 1 300 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat aux missions d'aide juridictionnelle qui lui ont été confiées.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...épouse A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président de chambre,

- M. Privesse, premier conseiller,

- M. Dellevedove, premier conseiller.

Lu en audience publique l8 avril 2017.

Le rapporteur,Le président,J-C. PRIVESSEB. EVENLe greffier,

I. BEDR

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne et a tous huissiers de justice a ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA03354


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA03354
Date de la décision : 18/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PRIVESSE
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : NOIREL

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-04-18;16pa03354 ?
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