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18/04/2017 | FRANCE | N°16PA02320

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 18 avril 2017, 16PA02320


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...A...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler les arrêtés des 6 et 7 mai 2010 par lesquels, d'une part, le maire de la commune d'Ivry-sur-Seine a ordonné son hospitalisation d'office à titre provisoire, et d'autre part, le préfet du Val-de-Marne a prononcé cette même hospitalisation d'office jusqu'au 6 juin 2010, d'enjoindre à l'administration de supprimer le contenu de son dossier médical relatif à cette même hospitalisation, d'engager la responsabilité de l'Etat à raison de cett

e intervention du préfet, et de mettre à la charge de l'Etat les frais irrép...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...A...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler les arrêtés des 6 et 7 mai 2010 par lesquels, d'une part, le maire de la commune d'Ivry-sur-Seine a ordonné son hospitalisation d'office à titre provisoire, et d'autre part, le préfet du Val-de-Marne a prononcé cette même hospitalisation d'office jusqu'au 6 juin 2010, d'enjoindre à l'administration de supprimer le contenu de son dossier médical relatif à cette même hospitalisation, d'engager la responsabilité de l'Etat à raison de cette intervention du préfet, et de mettre à la charge de l'Etat les frais irrépétibles.

Par un jugement n° 1103353/2 du 4 février 2016, le Tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté préfectoral du 7 mai 2010, et rejeté le surplus des conclusions de la demande de

MmeA....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2016, MmeA..., représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler partiellement le jugement du Tribunal administratif de Melun du 4 février 2016 en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté municipal du 6 mai 2010 ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire d'Ivry-sur-Seine du 6 mai 2010 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et du maire de la commune d'Ivry-sur-Seine une somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi modifiée du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Mme A...soutient que :

- le jugement est irrégulier car le tribunal a omis de statuer sur son moyen tiré de ce que l'administration l'a privée de l'accès à un avocat en méconnaissance de l'article L. 3211-3-3° du code de la santé publique ;

- le maire était incompétent pour prendre une telle décision ;

- il n'a pas joint le certificat médical à son arrêté, et ne s'en est pas approprié les termes ;

- elle ne se trouvait pas sur le territoire de la commune lorsque le maire d'Ivry-sur-Seine a pris son arrêté ;

- le danger imminent pour la sûreté des personnes n'était pas caractérisé, ni l'existence d'une urgence absolue ;

- aucun médecin ne l'a examinée avant son transport à l'hôpital.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 décembre 2016, la commune d'Ivry-sur-Seine, en la personne de son maire en exercice, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête de Mme A..., et à ce que soit mise à la charge de cette dernière une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

La commune d'Ivry-sur-Seine soutient que :

- la demande de première instance était irrecevable pour tardiveté ;

- la circonstance que l'intéressée n'ait pas été informée de son droit à avoir recours à un avocat, et qu'elle n'a pu avoir un recours effectif à celui-ci, est sans influence sur la légalité de l'arrêté litigieux ;

- l'intéressée résidant dans la commune, le danger qu'elle pouvait représenter était bien caractérisé sur le territoire de cette même commune ;

- les dispositions de l'article L. 3213-2 du code de la santé publique ne visent que le cas d'une urgence simple, ce qui était le cas en l'espèce ;

- le certificat médical du 6 mai 2010, joint à l'arrêté, justifiait l'existence d'un danger imminent ;

- le moyen selon lequel le certificat médical serait irrégulier est inopérant.

Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, par une décision du 13 mai 2016 intervenue à la suite de sa demande du 16 mars 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de la santé publique ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Privesse,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- et les observations de Me Delescluse, avocat de la commune d'Ivry-sur-Seine.

Un mémoire, enregistré le 13 mars 2017, a été présenté pour MmeA....

1. Considérant que, par un arrêté du 6 mai 2010, le maire d'Ivry-sur-Seine a, sur le fondement de l'article L. 3213-2 du code de la santé publique, décidé l'hospitalisation à titre provisoire, pour une durée maximum de 48 heures, de Mme D...A...au Centre hospitalier universitaire Paul Brousse de Villejuif ; que l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 7 mai 2010 prolongeant son maintien en hospitalisation d'office a été annulé par le jugement du Tribunal administratif de Melun du 4 février 2016 ; que le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Créteil a ordonné, le 28 septembre 2010, la mainlevée de la mesure d'hospitalisation d'office de Mme A... ; que cette dernière relève appel du jugement du Tribunal administratif de Melun du 4 février 2016 en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande d'annulation de l'arrêté du maire d'Ivry-sur-Seine du 6 mai 2010 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3211-3 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsqu'une personne atteinte de troubles mentaux est hospitalisée sans son consentement en application des dispositions des chapitres II et III du présent titre ou est transportée en vue de cette hospitalisation, les restrictions à l'exercice de ses libertés individuelles doivent être limitées à celles nécessitées par son état de santé et la mise en oeuvre de son traitement. (...) Elle doit être informée dès l'admission et par la suite, à sa demande, de sa situation juridique et de ses droits. En tout état de cause, elle dispose du droit :(...) 3° De prendre conseil d'un médecin ou d'un avocat de son choix " ;

3. Considérant que Mme A...fait valoir que les premiers juges n'ont pas répondu à son moyen tiré de ce que l'administration, en privilégiant l'accès à l'autorité médicale, l'aurait délibérément privée de l'accès à un avocat, tant avant qu'après l'édiction de l'arrêté litigieux, en méconnaissance des dispositions susrappelées de l'article L. 3211-3 du code de la santé publique ; que, cependant, les premiers juges ont relevé que si ces dispositions légales impliquent qu'une personne hospitalisée sans son consentement doive, dès son admission dans l'établissement de santé d'accueil, être informée de son droit d'avoir recours à un avocat ou à un médecin, l'accomplissement de cette obligation, portant sur l'exécution de la mesure d'hospitalisation d'office, n'avait néanmoins pas à en précéder l'édiction ; que, par suite, les premiers juges ont estimé que l'absence de consultation d'un avocat, avant que le maire d'Ivry-sur-Seine ne prenne l'arrêté litigieux du 6 mai 2010, était sans incidence sur sa légalité ; qu'en statuant ainsi, ils ont répondu suffisamment au moyen soulevé sans commettre une omission à statuer ;

Sur la légalité de l'arrêté du maire de la commune d'Ivry sur Seine du 6 mai 2011 :

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction alors applicable : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 6° Le soin de prendre provisoirement les mesures nécessaires contre les personnes atteintes de troubles mentaux dont l'état pourrait compromettre la morale publique, la sécurité des personnes ou la conservation des propriétés ; qu'aux termes de l'article L. 3213-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable : " En cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical ou, à défaut, par la notoriété publique, le maire et, à Paris, les commissaires de police arrêtent, à l'égard des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes, toutes les mesures provisoires nécessaires, à charge d'en référer dans les vingt-quatre heures au représentant de l'Etat dans le département qui statue sans délai et prononce, s'il y a lieu, un arrêté d'hospitalisation d'office dans les formes prévues à l'article L. 3213-1. Faute de décision du représentant de l'Etat, ces mesures provisoires sont caduques au terme d'une durée de quarante-huit heures. " ; qu'il ressort des pièces du dossier que le maire d'Ivry-sur-Seine a, au vu du certificat médical dont il disposait, qui faisait état d'un risque pour la sécurité de la requérante, laquelle réside dans cette commune, pu adopter la mesure d'hospitalisation d'office provisoire litigieuse en application des dispositions précitées ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cette mesure aurait été édictée par une autorité incompétente ne peut qu'être écarté ;

5. Considérant, en second lieu, qu'en vertu de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 alors applicable : " (...) doivent être motivées les décisions qui : / -restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) " ; que, selon l'article 3 de la même loi, la motivation ainsi exigée " doit (...) comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ; qu'aux termes de l'article 4 du même texte : " Lorsque l'urgence absolue a empêché qu'une décision soit motivée, le défaut de motivation n'entache pas d'irrégularité cette décision. (...) " ; que les mesures provisoires prises sur le fondement des dispositions susmentionnées de l'article L. 3213-2 du code de la santé publique sont au nombre des mesures de police qui doivent être motivées en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que, par suite, l'autorité administrative, lorsqu'elle prononce une mesure d'hospitalisation d'office à titre provisoire, doit indiquer dans sa décision les éléments de droit et de fait qui justifient cette mesure, sauf lorsque l'urgence absolue a empêché qu'une telle décision soit motivée ; que, si elle peut satisfaire à cette exigence de motivation en se référant à un avis médical, c'est à la condition de s'en approprier le contenu et de joindre cet avis à la décision ;

6. Considérant, en l'espèce, que l'arrêté du maire d'Ivry-sur-Seine du 6 mai 2010 ordonnant l'hospitalisation d'office de Mme A... vise les dispositions applicables et reprend in extenso le contenu du certificat médical établi après examen de la requérante, qui mentionnait : " Expression d'un riche délire de persécution (...), Délire bien systématisé, Adhésion totale aux idées délirantes exprimées, Anosognosie, Refus de soins (...) " ; qu'ainsi, sans qu'il soit tenu de le joindre, le maire doit être regardé comme s'étant approprié le contenu de ce certificat médical ; que, par suite, son arrêté est suffisamment motivé ;

7. Considérant, enfin, qu'en reprenant les termes du certificat médical qui relevait que les troubles dont souffrait alors l'intéressée imposaient des soins immédiats, assortis d'une surveillance en milieu hospitalier, sans qu'il soit possible de recueillir un consentement éclairé, le maire a suffisamment caractérisé l'existence d'un danger imminent au sens des dispositions précitées de l'article L. 3213-2 du code de la santé publique ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par la commune tirée de la tardiveté de la demande présentée par Mme A... devant le tribunal, que celle-ci n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire d'Ivry-sur-Seine du 6 mai 2010 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions fondées sur l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune présentées sur le fondement des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune d'Ivry-sur-Seine tendant à l'application des dispositions énoncées par l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...A...et au maire d'Ivry-sur-Seine.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président de chambre,

- M. Privesse, premier conseiller.

- M. Dellevedove, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 avril 2017.

Le rapporteur,

J.-C. PRIVESSELe président,

B. EVEN

Le greffier,

I. BEDR

La République mande et ordonne au maire d'Ivry-sur-Seine en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA02320


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA02320
Date de la décision : 18/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PRIVESSE
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : CABINET SEBAN et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-04-18;16pa02320 ?
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