La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/04/2017 | FRANCE | N°16PA01761

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 06 avril 2017, 16PA01761


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 25 septembre 2013 par laquelle le préfet de police a refusé de lui accorder le bénéfice du regroupement familial, d'autre part, d'enjoindre au préfet de police de lui accorder le bénéfice du regroupement familial sollicité ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et enfin, de mettr

e à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article 37...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 25 septembre 2013 par laquelle le préfet de police a refusé de lui accorder le bénéfice du regroupement familial, d'autre part, d'enjoindre au préfet de police de lui accorder le bénéfice du regroupement familial sollicité ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1316775/3-1 du 13 mai 2014 le Tribunal administratif de Paris, faisant droit à la demande de M.A..., a annulé la décision du préfet de police du 25 septembre 2013, enjoint audit préfet d'autoriser le regroupement familial sollicité dans un délai de trois mois, et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le préfet de police a relevé appel de ce jugement. Par un arrêt n° 14PA03024 du

27 mars 2015 la Cour administrative d'appel de Paris a annulé les articles 1er à 3 dudit jugement et rejeté la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions d'appel.

Par une décision n° 392513 du 11 mai 2016 le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt n° 14PA03024 du 27 mars 2015 de la Cour administrative d'appel de Paris, et renvoyé l'affaire devant ladite Cour ;

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 juillet 2014 le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1316775/3-1 du 13 mai 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant ce tribunal.

Il soutient que :

- sa décision n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- en tout état de cause, rien ne s'oppose à ce que M.A... réitère sa demande de regroupement familial une fois qu'il aura satisfait aux conditions de ressources ou à ce qu'il retourne au Maroc auprès de son épouse, afin de poursuivre sa vie privée et familiale avec leur enfant ;

- pour les motifs exposés dans ses écritures de première instance, auquel il renvoie, les autres moyens invoqués par l'intéressé devant le tribunal ne sont pas fondés.

Par un premier mémoire en défense enregistré le 13 novembre 2014, puis un second mémoire enregistré le 28 septembre 2016, soit postérieurement à la décision du Conseil d'Etat,

M. A..., représenté par la SELARL Iroise avocats, conclut au rejet de la requête du préfet de police et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 12 janvier 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au

26 janvier 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ensemble le décret du 3 mai 1974 portant publication de la convention ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Appèche,

- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,

- et les observations de Me Botella, avocat de M. A....

1. Considérant que M.A..., ressortissant marocain, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 22 juin 2016, a demandé, le 18 octobre 2010, à ce que son épouse soit autorisée à le rejoindre en France au titre du regroupement familial ; que, par une décision du 3 août 2011, confirmée sur recours gracieux le 27 octobre 2011, le préfet de police a opposé un refus à cette demande ; que, par un jugement du 12 décembre 2012, le Tribunal administratif de Paris a annulé ces décisions et enjoint au préfet de police de réexaminer la demande de l'intéressé ; qu'à la suite de ce réexamen, le préfet de police a de nouveau refusé, par une décision du 25 septembre 2013, d'accorder le bénéfice du regroupement familial au motif que M. A...ne justifiait pas de ressources suffisantes ; que le Tribunal administratif de Paris, par un jugement n° 1316775/3-1 du 13 mai 2014, a annulé cette nouvelle décision, enjoint au préfet de police d'autoriser le regroupement familial sollicité et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ; que, par un arrêt n° 14PA03024 du

27 mars 2015, la Cour administrative d'appel de Paris, saisie par le préfet de police, a annulé ce jugement ; que M. A...s'étant pourvu en cassation, le Conseil d'Etat a annulé ledit arrêt et renvoyé l'affaire devant la Cour ;

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

3. Considérant que la demande de M. A...a été rejetée au motif que ses ressources étaient insuffisantes ; que si M.A..., titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 22 juin 2016, et qui réside habituellement en France depuis son arrivée sur le territoire en 1980, se prévaut des difficultés liées à son handicap, dont le taux est situé entre 50 % et 79 %, l'unique certificat médical qu'il présente, au demeurant établi le 7 février 2014, ne permet pas d'établir qu'il aurait besoin, au quotidien, de l'assistance d'une tierce personne ; que, par ailleurs, il dispose sur le territoire français de la présence d'une fille et de trois petits-enfants de nationalité française ; qu'ainsi, il ne justifie pas que la présence de son épouse auprès de lui serait indispensable, ni qu'il serait isolé sur le territoire français ; que, par ailleurs, il n'apporte aucun élément précis sur les relations qu'il entretient avec son épouse, de même nationalité que lui, non plus qu'avec avec son fils, prénommé Anis, né le 21 novembre 2011 de son mariage au Maroc, le 6 août 2010 ; que dans ces conditions, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A...serait dans l'impossibilité de rendre visite à son épouse et à son fils au Maroc et qu'il lui reste, en tout état de cause loisible, s'il le souhaite, de retourner vivre avec eux dans leur pays commun, la décision attaquée n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que c'est donc à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 25 septembre 2013 par laquelle le préfet de police a refusé d'accorder le bénéfice du regroupement familial au profit de l'épouse de M.A..., au motif que ce refus aurait méconnu les stipulations précitées ;

4. Considérant, toutefois, qu'il y a lieu pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M.A..., tant en première instance qu'en appel ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction résultant de la loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile, en vigueur à la date de la décision litigieuse :

" Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. (...) Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque la personne qui demande le regroupement familial est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale (...) " ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale : " Toute personne résidant sur le territoire métropolitain (...) ayant dépassé l'âge d'ouverture du droit à l'allocation prévue à l'article L. 541-1 et dont l'incapacité permanente est au moins égale à un pourcentage fixé par décret perçoit, dans les conditions prévues au présent titre, une allocation aux adultes handicapés (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 821-2 du même code : " L'allocation aux adultes handicapés est également versée à toute personne qui remplit l'ensemble des conditions suivantes : / 1° Son incapacité permanente, sans atteindre le pourcentage fixé par le décret prévu au premier alinéa de l'article L. 821-1, est supérieure ou égale à un pourcentage fixé par décret ; / 2° La commission mentionnée à l'article L. 146 9 du code de l'action sociale et des familles lui reconnaît, compte tenu de son handicap, une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi, précisée par décret (...) " ; qu'aux termes de l'article D. 821-1 dudit code : " Pour l'application de l'article L. 821-1, le taux d'incapacité permanente exigé pour l'attribution de l'allocation aux adultes handicapés est d'au moins 80 %. / Pour l'application de l'article L. 821-2, ce taux est de 50 % (...) " ;

7. Considérant que si les dispositions des articles L. 821-1 et L. 821-2 du code de la sécurité sociale prévoient des conditions différentes pour l'attribution de l'allocation aux adultes handicapés, elles n'instituent pas deux allocations distinctes ; que la loi du 20 novembre 2007, en modifiant l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a dispensé celui qui demande le bénéfice du regroupement familial de la condition tenant à l'existence de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille, dans le cas où il est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés ; que le législateur, en faisant alors référence au seul article L. 821-1 du code de la sécurité sociale, n'a pas entendu limiter le champ de la dérogation qu'il instituait aux seuls titulaires de l'allocation aux adultes handicapés qui en bénéficient au titre de l'article L. 821-1, mais a entendu viser l'ensemble des personnes titulaires de cette allocation ;

8. Considérant que M. A...soutient qu'il était titulaire depuis le 3 mai 2006 de l'allocation aux adultes handicapés en vertu de l'article L. 821-2 du code de la sécurité sociale ; qu'il ressort des pièces du dossier que la Caisse d'allocations familiales a notifié à l'intéressé une décision portant attribution de l'allocation aux adultes handicapés pour la période du 1er décembre 2012 au 30 novembre 2014, au motif qu'il rencontrait temporairement une restriction substantielle à l'emploi ; qu'à la date de l'arrêté préfectoral contesté, soit le 25 septembre 2013, M. A...était bien titulaire de ladite allocation en vertu de l'article L. 821-2 du code de la sécurité sociale ; que, par suite, les dispositions de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispensaient l'intéressé de justifier de la condition de ressources ; que le préfet de police a donc commis une erreur de droit en refusant d'autoriser le regroupement familial sollicité par M.A..., motif pris de l'insuffisance de ses ressources ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués tant devant le tribunal administratif que devant la Cour,

par M.A..., cette illégalité était de nature à entrainer l'annulation de l'arrêté litigieux ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a fait droit aux conclusions de la demande de M.A... ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M.A..., bénéficiaire de l'aide juridique, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi susvisée du

10 juillet 1991 ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. A...présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2017, où siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 6 avril 2017.

Le rapporteur,

S. APPECHELe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S.DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA01761


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA01761
Date de la décision : 06/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : IROISE AVOCATS SELARL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-04-06;16pa01761 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award