Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du
6 octobre 2014 par lequel le préfet de police lui a infligé un blâme et d'enjoindre à ce dernier de lui restituer la totalité des heures supplémentaires qu'il a accomplies et de créditer ces heures sur son compte épargne temps.
Par un jugement n° 1500810 du 24 septembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police du 6 octobre 2014 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M.A....
Procédure devant la Cour :
Par un recours, enregistré le 26 novembre 2015, le ministre de l'intérieur demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1500810 du 24 septembre 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- le jugement du Tribunal administratif de Paris est irrégulier, dès lors que le litige en cause relevait d'un juge statuant seul et non d'une formation collégiale ;
- les heures supplémentaires en litige n'ont pas été réalisées à la demande de la hiérarchie de M. A..., ni avec son autorisation, ainsi que l'exigent pourtant les articles 4 et 7 du décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 ;
- il n'appartenait pas à l'administration de prouver que M. A...avait indument imputé sur son compte épargne temps des heures supplémentaires ;
- M. A...n'a pas réalisé les heures supplémentaires dont il se prévaut.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 février 2016, M. A...conclut au rejet du recours du ministre de l'intérieur.
Il soutient que :
- le recours du ministre est tardif et, par suite, irrecevable ;
- les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés ;
- la sanction prononcée par le préfet de police est entachée d'un détournement de procédure ;
- ses droits de la défense et le principe de la présomption d'innocence ont été méconnus dès lors que les justificatifs qu'il a produits lors de son audition dans le cadre de la procédure administrative ne figuraient pas dans son dossier lorsqu'il l'a consulté ;
- il a subi des faits de harcèlement moral.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- le décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Coiffet,
- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.
1. Considérant que M.A..., major de police, responsable d'unité locale de police, adjoint au commandant du bureau de coordination opérationnelle du commissariat du 15ème arrondissement de Paris, chargé du secrétariat judiciaire et de recherche, a fait l'objet d'un arrêté du 6 octobre 2014 par lequel le préfet de police lui a infligé un blâme au motif qu'il aurait " eu un comportement intolérable et contraire à celui attendu d'un gradé gestionnaire d'un groupe " et " manqué à son devoir de probité et de loyauté envers sa hiérarchie, perdant la confiance de
celle-ci ", en imputant des heures supplémentaires non justifiées sur son compte épargne temps au titre de l'année 2013, à hauteur de 23 h 47 ; que, par un jugement du 24 septembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a, à la demande de M.A..., annulé l'arrêté du 6 octobre 2014 du préfet de police et rejeté le surplus des conclusions de sa demande ; que le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé l'arrêté du préfet de police ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-19 alinéa 2 du code de justice administrative : " Dans les cas mentionnés à l'article R. 222-13, le président du tribunal ou le magistrat désigné pour statuer peuvent, de leur propre initiative ou sur proposition du rapporteur public décider d'inscrire l'affaire au rôle d'une formation collégiale de la chambre ou de l'une des formations de jugement mentionnées à l'alinéa précédent. " ;
3. Considérant que le ministre de l'intérieur soutient qu'en application des dispositions du 2° de l'article R. 222-13 du code de justice administrative, le jugement attaqué, qui est relatif au prononcé d'une sanction disciplinaire ne nécessitant pas l'intervention d'un organe disciplinaire collégial, aurait dû être rendu par un juge statuant seul et non par une formation collégiale du Tribunal administratif de Paris ; que le renvoi devant une formation collégiale d'une affaire relevant d'un magistrat statuant seul en application de l'article R. 222-13 du code de justice administrative constitue, en vertu de l'article R. 222-19 alinéa 2 précité, une faculté ouverte au président du tribunal ou au magistrat désigné pour statuer ; que, dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure devant le Tribunal administratif ne peut qu'être écarté ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. " ; qu'aux termes de l'article 66 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : - l'avertissement ; - le blâme (...). Parmi les sanctions du premier groupe, seul le blâme est inscrit au dossier du fonctionnaire. Il est effacé automatiquement du dossier au bout de trois ans si aucune sanction n'est intervenue pendant cette période (...) " ; qu'aux termes des articles 4 et 7 du décret susvisé du 14 janvier 2002 : " 4/ Pour l'application du présent décret et conformément aux dispositions du décret du 25 août 2000 susvisé, sont considérées comme heures supplémentaires les heures effectuées à la demande du chef de service dès qu'il y a dépassement des bornes horaires définies par le cycle de travail. Le travail supplémentaire, tel que défini ci-dessus, accompli entre 22 heures et 7 heures est considéré comme travail supplémentaire de nuit. (...) 7/ A défaut de compensation sous la forme d'un repos compensateur, les heures supplémentaires accomplies sont indemnisées dans les conditions ci-dessous. " ;
5. Considérant qu'en l'absence de disposition législative contraire, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire, à laquelle il incombe d'établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen ;
6. Considérant que, pour contester le bien-fondé du motif retenu par les premiers juges pour annuler l'arrêté en litige du 6 octobre 2014 du préfet de police infligeant un blâme à M.A..., le ministre de l'intérieur fait valoir que les heures supplémentaires accomplies par l'intéressé n'étaient pas justifiées et qu'elles n'avaient pas été autorisées par la hiérarchie de M.A..., qui aurait pris seul l'initiative de les effectuer ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, qu'au cours de l'année 2013, M. A...a été sollicité à de nombreuses reprises par ses supérieurs hiérarchiques pour réaliser, dans des délais contraints, des travaux de synthèses, de rapports ou d'états statistiques et qu'il a dû traiter, dans l'urgence, les demandes que lui adressait le 9ème bureau du service des étrangers algériens ; que sa hiérarchie lui a également confié, pour la première fois, la préparation des évaluations et des entretiens professionnels des cinq fonctionnaires de son unité en sus de l'accomplissement de ses autres tâches administratives ; qu'au regard de la multiplicité et de la complexité des missions dévolues à M.A..., ainsi que des impératifs de délais auxquels celui-ci était soumis, le ministre de l'intérieur, qui n'établit pas que les tâches susdécrites pouvaient être réalisées dans le temps de travail réglementaire imparti à M.A..., alors que celui-ci a, au surplus, été contraint, à plusieurs reprises, en l'absence de son adjoint, d'effectuer ces tâches seul, n'est pas fondé à soutenir que l'intéressé aurait indument crédité son compte épargne temps des heures supplémentaires consacrées à la réalisation desdites missions ; que, par ailleurs, M. A...soutient, sans être contredit, qu'en ce qui concerne la préparation des entretiens d'évaluation, il " avait été convenu avec le commandant " qu'il " travaillerai(t) le midi pour respecter les délais " ; que le ministre n'établit pas davantage que l'imputation sur ce même compte d'1h25 à la suite, non pas d'un exercice d'évacuation, mais du déclanchement de l'alarme incendie le 8 février 2013, pendant l'heure du repas, procèderait de la part de M.A..., qui s'est maintenu dans les locaux afin d'assurer une présence dans le service et l'évacuation des bureaux encore occupés, d'un comportement abusif et déloyal ; qu'enfin, si M. A... n'a versé au dossier aucune pièce susceptible de prouver qu'il se serait rendu aux cérémonies de voeux aux corps constitués le 15 janvier et le 17 janvier 2013 sur ordre de sa hiérarchie, il ne résulte pas de l'instruction que le préfet de police aurait, pour ce seul motif, considéré que M. A...aurait, ainsi qu'il est mentionné dans la décision en litige, manqué à son devoir de probité et de loyauté envers sa hiérarchie, et commis une faute de nature à justifier une sanction ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 6 octobre 2014 du préfet de police infligeant un blâme à M.A... ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par M.A..., que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police du 6 octobre 2014 prononçant un blâme à l'encontre de M. A... ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du ministre de l'intérieur est rejeté.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M.A....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Coiffet, président assesseur,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 avril 2017.
Le rapporteur,
V. COIFFETLe président,
S.-L. FORMERY Le greffier,
C. BUOTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA04280