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30/03/2017 | FRANCE | N°15PA02665

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 30 mars 2017, 15PA02665


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Maguen David Adom France a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 14 mars 2014 par laquelle le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, s'est opposé à ce qu'elle accepte le legs de Mme A...B....

Par un jugement n° 1407838/7 du 4 mai 2015, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 6 juillet 2015 et un mémoire enregistré le 20 octobre 2016, l'association Ma

guen David Adom France, représentée par Me Bensimhon, demande à la Cour :

1°) d'annuler le ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Maguen David Adom France a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 14 mars 2014 par laquelle le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, s'est opposé à ce qu'elle accepte le legs de Mme A...B....

Par un jugement n° 1407838/7 du 4 mai 2015, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 6 juillet 2015 et un mémoire enregistré le 20 octobre 2016, l'association Maguen David Adom France, représentée par Me Bensimhon, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1407838/7 du 4 mai 2015 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 14 mars 2014 du préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris ;

3°) d'enjoindre au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris de l'autoriser à accepter le legs de MmeB..., ou à titre subsidiaire sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de réexaminer sa situation, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard et dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué a procédé d'office à une substitution de motifs qui n'a pas été demandée par l'administration ;

- la décision litigieuse est insuffisamment motivée ;

- elle procède d'une erreur d'appréciation du but de l'association tel que prévu par ses statuts et de la réalité de son fonctionnement.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 août 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le décret n° 2007-807 du 11 mai 2007 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Diémert,

- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,

- les observations de Me Bensimhon, avocat de l'association Maguen David Adom France.

1. Considérant que Mme A...B...ayant légué un quart de son patrimoine à l'association Maguen David Adom France, le notaire chargé du règlement de la succession a déclaré le legs au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, conformément aux dispositions de l'article 1er du décret du 11 mai 2007 relatif aux associations, fondations, congrégations et établissements publics du culte et portant application de l'article 910 du code civil ; que, par une décision du 14 mars 2014, le préfet s'est opposé à l'acceptation du legs ; que l'association Maguen David Adom France a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler cette décision et d'enjoindre sous astreinte au préfet de l'autoriser à accepter le legs de Mme B...ou, à défaut, de réexaminer sa situation ; que, par le jugement attaqué dont l'association relève appel, le tribunal a rejeté sa demande ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que l'association requérante soutient que les premiers juges ont, pour juger légale la décision litigieuse, procédé d'office et sans que l'administration ne le sollicite, à une substitution de motifs, en jugeant " qu'il apparaît que cette dernière réalise et consacre un part importante de son budget à des événements d'information et de sensibilisation du public, en particulier des concerts et galas " ; que, toutefois, le jugement n'a, sur ce point, qu'explicité le motif retenu par l'administration, fondé sur la part prépondérante des activités de sensibilisation et de collecte de fonds au sein de l'activité globale de l'association, alors même que cet argument était présenté dans les écritures du défendeur de première instance ; qu'il s'ensuit que l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient procédé, d'office, à une substitution de motifs irrégulière ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 910 du code civil dans sa rédaction applicable au litige : " (...) les dispositions entre vifs ou par testament au profit (...) des associations ayant la capacité à recevoir des libéralités (...) sont acceptées librement par celles-ci. / Si le représentant de l'Etat dans le département constate que l'organisme légataire ou donataire ne satisfait pas aux conditions légales exigées pour avoir la capacité juridique à recevoir des libéralités ou qu'il n'est pas apte à utiliser la libéralité conformément à son objet statutaire, il peut former opposition à la libéralité, dans des conditions précisées par décret, la privant ainsi d'effet " ; qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 6 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, dans sa version alors en vigueur : " Les associations déclarées qui ont pour but exclusif l'assistance, la bienfaisance, la recherche scientifique ou médicale peuvent accepter les libéralités entre vifs ou testamentaires dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État " ;

En ce qui concerne la légalité externe de la décision litigieuse :

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 2 du décret du 11 mai 2007 précité : " Lorsque le préfet envisage de faire usage de son droit d'opposition à l'acceptation des libéralités faites aux établissements et associations visés au deuxième alinéa de l'article 910 du code civil, il en informe l'association ou l'établissement et le cas échéant le notaire, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, et invite l'association ou l'établissement à présenter ses observations dans un délai de quinze jours. / À l'expiration du délai ainsi fixé, le préfet décide, au vu des observations éventuelles de l'association ou de l'établissement, de s'opposer ou non à l'acceptation. En cas d'opposition, il notifie sa décision dûment motivée, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'association ou à l'établissement et le cas échéant au notaire (...) " ;

5. Considérant que la décision attaquée se réfère au courrier recommandé adressé le 27 janvier 2014 à l'association requérante détaillant les raisons pour lesquelles le préfet envisageait de refuser le legs litigieux, indique le motif de cette opposition, à savoir que l'association ne remplit pas les conditions pour être qualifiée d'association poursuivant un but exclusif d'assistance, de bienfaisance, de recherche médicale ou scientifique en application des dispositions du cinquième alinéa de l'article 6 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, note que l'association n'a pas répondu au courrier recommandé et conclut en conséquence à l'opposition à l'acceptation du legs de Mme B... conformément aux dispositions du décret du 11 mai 2007 portant application de l'article 910 du code civil ; que le courrier invitant l'association Maguen David Adom France à présenter des observations sur le projet d'opposition, reçu le 29 janvier 2014 et auquel l'association Maguen David Adom France n'a pas répondu, précise l'ensemble des éléments de fait sur lesquels le préfet s'est fondé pour estimer qu'elle ne poursuit pas un but exclusif d'assistance, de bienfaisance, de recherche médicale ou scientifique ; que, dans ces conditions, la décision attaquée doit être regardée comme dûment motivée au sens des dispositions précitées du décret du 11 mai 2007 et de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision critiquée doit être écarté ;

En ce qui concerne la légalité interne de la décision litigieuse :

6. Considérant que pour apprécier si une association bénéficiaire d'un legs a pour but exclusif l'assistance, la bienfaisance ou la recherche scientifique ou médicale au sens des dispositions précitées de l'article 6 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, il y a lieu d'examiner non seulement son objet statutaire mais aussi la nature de son activité ; qu'à cet égard, les actions d'assistance et de bienfaisance s'entendent non seulement des actions tendant à porter secours ou améliorer les conditions de vie des personnes en situation précaire ou difficile mais également des actions d'information et de sensibilisation inhérentes à cet objectif ou y contribuant, notamment en permettant de recueillir les fonds nécessaires à cet effet ; que, toutefois, la part des ressources consacrée aux secours ou à l'amélioration des conditions de vie des personnes en situation précaire ou difficile doit demeurer prépondérante par rapport à celle des ressources consacrées aux autres actions, notamment aux actions d'information et de sensibilisation ;

7. Considérant que l'objet statutaire de l'association Maguen David Adom France est d'apporter une aide financière et médicale au Maguen David Adom (MDA) Israël, dont la mission est le service d'urgences médicales en Israël, par deux moyens : d'une part, " par la collecte de fonds en France qui lui permettront d'acquérir des équipements sanitaires, des ambulances, des instruments chirurgicaux ou autres matériels de secours, et de financer la formation d'infirmières, de laboratoires et d'assistantes sociales ", d'autre part, " par l'information en faveur de MDA Israël par la radio, la presse, les brochures, les conférences, tracts, galas artistiques, etc. " ; qu'il ressort des documents comptables produits au dossier que le montant des transferts au mouvement Maguen David Adom Israël des fonds collectés par tous moyens n'a représenté qu'une proportion variant de 29 à 51 % des ressources de l'association entre 2008 et 2012, alors qu'il apparaît que cette dernière consacre une part importante de son budget à des événements tels que des concerts et des galas, lesquels, seraient-ils des actions d'information et de sensibilisation du public, ne peuvent être regardés comme constituant des actions d'assistance ou de bienfaisance au sens des dispositions précitées de l'article 6 de la loi du 11 juillet 1901 ; que si l'association fait valoir qu'elle organise aussi en France des formations aux gestes de premiers secours et met à disposition du matériel de premiers secours, elle ne quantifie pas cette part de son activité ; que dès lors, et même en admettant que la collecte de fonds pour un autre établissement réalisant à l'étranger des actions d'assistance et de bienfaisance puisse en elle-même constituer une activité d'assistance et de bienfaisance, et bien que l'association Maguen David Adom France ait précédemment été autorisée à accepter de nombreux legs et ait un but non lucratif, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, aurait commis une erreur d'appréciation en s'opposant à l'acception du legs de Mme B... par cette association au motif qu'elle n'avait pas pour but exclusif l'assistance, la bienfaisance, la recherche scientifique ou médicale ;

8. Considérant, par suite, que la requête de l'association Maguen David Adom France doit être rejetée, y compris les conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'association Maguen David Adom France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Maguen David Adom France et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris.

Délibéré après l'audience du 2 mars 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Amat, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 30 mars 2017.

Le rapporteur,

S. DIÉMERTLa présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,

A. LOUNISLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA02665


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15PA02665
Date de la décision : 30/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Associations et fondations - Questions communes - Ressources.

Associations et fondations - Régime juridique des différentes associations - Associations reconnues d'utilité publique - Ressources - Origine - Dons et legs.

Dons et legs - Domaine et procédure de l'autorisation.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : BENSIMHON - ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-03-30;15pa02665 ?
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