La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/03/2017 | FRANCE | N°15PA03509

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 23 mars 2017, 15PA03509


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...B...ont demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008, ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1307373 du 25 juin 2015, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 septembre 2015, et un mémoire, enregistré le 3 mars 2017, M. et

MmeB..., représentés par Me D..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1307373 d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...B...ont demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008, ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1307373 du 25 juin 2015, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 septembre 2015, et un mémoire, enregistré le 3 mars 2017, M. et MmeB..., représentés par Me D..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1307373 du 25 juin 2015 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008, ainsi que des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la proposition de rectification du 23 novembre 2010 n'est pas suffisamment motivée ;

- les sommes de 18 000 euros et de 231 328 euros ne peuvent être regardées comme des revenus distribués par la société Change City ; le service a confondu bénéfice et chiffre d'affaires ; la somme de 256 931 euros, correspondant à la caisse occulte de la société, ne peut être regardée comme désinvestie et appréhendée dès lors qu'elle a été saisie ; l'administration n'établit pas que M. B... a appréhendé les sommes regardées comme distribuées par la société Change City ;

- les redressements notifiés à la société Change City à l'origine des impositions mises à leur charge ont été abandonnés par une décision du 17 mars 2014 de l'administration ;

- ils sont fondés à se prévaloir des termes de la réponse du 7 janvier 1954, faite à M. A..., député ;

- c'est à tort que l'administration a rattaché l'imposition de la somme de 231 328 euros en provenance de la société Change City à l'année 2008 ;

- l'administration n'établit pas le caractère délibéré des manquements qui leur sont reprochés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 janvier 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le livre des procédures fiscales et le code général des impôts ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Coiffet,

- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., pour M. et MmeB....

1. Considérant que M. et Mme B...font appel du jugement du 25 juin 2015, par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008, ainsi que des pénalités y afférentes ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article " ; qu'il résulte des dispositions précitées que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter, outre la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base des rectifications, ceux des motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées qui sont nécessaires pour permettre au contribuable de formuler ses observations de manière entièrement utile ;

3. Considérant que, dans la proposition de rectification du 23 novembre 2010, qu'il a adressée aux épouxB..., le vérificateur a informé les intéressés des modifications qu'il envisageait d'apporter à leurs bases d'impositions à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales au titre de l'année 2008, par l'intégration à leur revenu global, selon la procédure de taxation d'office, sur le fondement des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales, de crédits bancaires, dont il a précisé le montant, que les contribuables n'avaient pas été en mesure de justifier, et l'imposition, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement notamment du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, de sommes en provenance de la société Change City, que le service a regardées comme des revenus distribués par la société à M. et MmeB..., ses associés ; que, s'agissant des distributions occultes, il a rappelé que les rehaussements faisaient suite à la vérification de comptabilité de la société Change City portant sur la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008, et précisé la nature, les motifs et les montants des rectifications notifiées à la société par une proposition de rectification du 21 juillet 2010 dont il a repris certains éléments ; qu'il a, ainsi, relevé qu'une somme de 231 328 euros au 31 décembre 2008, constituée d'espèces, avait été retrouvée dans le coffre fort de la société et que des prélèvements d'un montant total de 18 000 euros, avaient été effectués, au cours de l'exercice clos en 2008, sur ces fonds occultes par M.B..., dont, par ailleurs, le compte courant ouvert dans les livres de la société présentait, au 31 décembre 2008, un solde débiteur de 11 454 euros ; que, contrairement à ce qu'ils soutiennent, les requérants pouvaient, en procédant au recoupement des différents éléments contenus dans la proposition de rectification qui leur avait été notifiée à titre personnel, déterminer le détail de la somme de 18 000 euros, constituée d'espèces, que les intéressés ont, pour la plus grande partie, directement encaissées sur leur compte bancaire ; que M. et Mme B..., qui disposaient ainsi des éléments d'information nécessaires pour contester utilement les impositions mises à leur charge, ne sont pas fondés à soutenir que la motivation de cette proposition de rectification ne répond pas aux exigences des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

Sur le bien-fondé des impositions :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (...) " ; que ces dispositions font obligation à l'administration, lorsqu'elle estime devoir imposer un associé qui, comme en l'espèce, n'a pas accepté le redressement de son imposition à l'impôt sur le revenu, d'apporter la preuve de l'appréhension par l'intéressé des sommes qu'elle a regardées comme distribuées par la société ainsi que de l'existence et du montant des distributions ;

5. Considérant, en premier lieu, que la circonstance alléguée que, par une décision du 17 mars 2014, le service a accordé à la société Change City, en raison des irrégularités entachant la procédure de vérification diligentée à son encontre, le dégrèvement des impositions mises à sa charge, à l'origine des rehaussements notifiés à M. B..., est sans incidence sur le bien-fondé des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales réclamées aux époux B...au titre de l'année 2008 ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que lors d'une perquisition effectuée dans les locaux de la société Change City, le 12 décembre 2009, le groupe d'intervention régional de Paris a découvert une somme de 256 931 euros dans le coffre fort et le fonds de caisse de l'entreprise ; que M. B... a reconnu devant les services de police, ainsi qu'il ressort des mentions non contestées du procès-verbal établi le 16 décembre 2009, retranscrivant les déclarations de l'intéressé au cours de son audition, que la somme de 231 328 euros, représentant la différence entre la somme de 256 931 euros, dissimulée dans le coffre-fort, et celle mentionnée sur l'état de caisse et du stock total de devises, correspond à des recettes non déclarées de la société issues de transactions réalisées en espèces depuis la fin de l'année 2008 ; qu'il résulte de l'instruction que M. B...était, durant les années d'imposition en litige, associé à plus de 90% de la société Change City et son gérant ; qu'il était titulaire de la signature sur les comptes bancaires de l'entreprise et signait les déclarations fiscales ; qu'il pouvait, ainsi, disposer librement des fonds sociaux et, notamment, de la totalité des fonds en espèces composant la caisse occulte, qu'il avait d'ailleurs lui-même constituée et placée dans le coffre fort de la société et dans laquelle il a, afin de couvrir ses dépenses personnelles, prélevé la somme totale de 18 000 euros au cours de l'année 2008, dont la plus grande partie a été encaissée sur son compte personnel ; que l'administration apporte ainsi la preuve que les sommes de 231 328 euros et de 18 000 euros ont été désinvesties de la société Change City et appréhendées par M.B... ; que la circonstance alléguée que la caisse occulte a été saisie par la police lors de la perquisition du 12 décembre 2009 est sans incidence sur la disponibilité des sommes en litige au 31 décembre 2008 ;

7. Considérant, en troisième lieu, que les requérants soutiennent que le service ne pouvait imposer l'intégralité de la somme de 231 328 euros en provenance de la société Change City au titre de l'année 2008 dès lors qu'une partie des transactions ayant permis de constituer la caisse occulte a été réalisée en 2009 et que les recettes correspondantes devaient, dès lors, être rattachées à l'exercice de la société clos en 2009 ; qu'il résulte, toutefois, de l'instruction, et en particulier des mentions du procès-verbal du 16 décembre 2012, que les fonds retrouvés dans le coffre fort de la société Change City proviennent de transactions réglées en espèces réalisées à partir de la fin de l'année 2008 ; que M. B... a déclaré auprès des services de police avoir effectué quatre opérations en 2008 d'un montant total de 150 000 euros ainsi que d'autres transactions s'élevant à 30 000 euros, 50 000 euros et 100 000 euros ; que le service disposait ainsi d'indices précis et concordants lui permettant de considérer que les sommes en litige se rattachaient à des opérations qui s'étaient déroulées en 2008 ; que les requérants, qui, notamment, ne donnent pas d'indication ni ne produisent d'éléments, qu'ils sont pourtant les seuls à pouvoir fournir, sur les dates précises auxquelles, selon eux, auraient été réalisées les transactions mentionnées dans le procès-verbal, ne sont pas fondés à soutenir que la somme de 231 328 euros ne serait pas imposable au titre de l'année 2008 ;

8. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que les requérants ne sont pas fondés à invoquer, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la réponse ministérielle du 7 janvier 1954, faite à M. A..., député, aux termes de laquelle " les bénéfices correspondant aux redressements opérés par l'administration ne constituent des revenus imposables que s'ils ont été distribués, c'est-à-dire dans la mesure où ils ne sont pas demeurés investis dans la société ", qui ne comporte pas d'interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt ;

Sur les pénalités :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration " ;

10. Considérant que, pour justifier l'application des pénalités pour manquement délibéré aux cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en litige, procédant de l'imposition des sommes réputées versées par la société Change City, l'administration s'est fondée sur la qualité d'associé et de gérant de M. B... de cette société et sur la circonstance que l'intéressé ne pouvait ignorer que la caisse occulte qu'il avait lui-même constituée, ainsi que les prélèvements qu'il avait effectués sur ces fonds pour, ainsi qu'il l'a reconnu lors de son audition du 16 décembre 2012 devant les services de police, couvrir ses dépenses personnelles, constituaient des revenus imposables qui devaient être déclarés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; qu'elle a également relevé l'importance d'un apport d'un montant de 107 358 euros réalisé le 16 mai 2005 sur le compte courant d'associé ouvert dans les livres de la société au nom de M.B..., dont ce dernier n'a pas été en mesure de justifier l'origine ; qu'en se fondant sur ces éléments, l'administration doit être regardée comme établissant l'intention délibérée de M. et Mme B...de minorer l'impôt dû et, par suite, le bien-fondé de la pénalité en litige ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande ; que, par suite, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...B...et au ministre de l'économie et des finances.

Copie en sera adressée au directeur général des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (Pôle fiscal parisien 1).

Délibéré après l'audience du 9 mars 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Coiffet, président assesseur,

- M. Platillero, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 23 mars 2017.

Le rapporteur,

V. COIFFETLe président,

S.-L. FORMERYLe greffier,

N. ADOUANE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA03509


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award