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21/03/2017 | FRANCE | N°16PA03965

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 21 mars 2017, 16PA03965


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...A...a demandé au juge des référés du Tribunal administratif de Paris d'ordonner une expertise à l'effet de déterminer la nature et la cause des désordres affectant la chambre qui lui a été attribuée sur le site Balard du ministère de la défense à Paris, ainsi que leurs conséquences et de préconiser les solutions pour y remédier.

Par une ordonnance n° 153409 du 18 février 2016, le juge des référés du Tribunal administratif de Paris a ordonné l'expertise sollicitée et a désigné

M. C...F..., en qualité d'expert, à l'effet de :

- se rendre sur les lieux, n'importe quel j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...A...a demandé au juge des référés du Tribunal administratif de Paris d'ordonner une expertise à l'effet de déterminer la nature et la cause des désordres affectant la chambre qui lui a été attribuée sur le site Balard du ministère de la défense à Paris, ainsi que leurs conséquences et de préconiser les solutions pour y remédier.

Par une ordonnance n° 153409 du 18 février 2016, le juge des référés du Tribunal administratif de Paris a ordonné l'expertise sollicitée et a désigné M. C...F..., en qualité d'expert, à l'effet de :

- se rendre sur les lieux, n'importe quel jour et à toute heure ;

- visiter la chambre de l'intéressé, ainsi que tous locaux, accès divers, cheminements et installations techniques, auxquels il juge nécessaire d'accéder pour réaliser sa mission ;

- requérir des services du soutien compétents toute connaissance susceptible de le guider dans la démarche de diagnostic et d'acquérir une représentation juste des locaux, installations et structures de l'immeuble ;

- identifier le ou les foyers d'émission du bruit dans la chambre ;

- caractériser le bruit à la source en termes de pression acoustique, nature, composantes, modes de propagation et de diffusion dans le local ;

- dire les raisons pour lesquelles le bruit peut être perçu au bureau, assis ou couché sur le lit, au vu des caractéristiques physiques du bruit et du local ;

- caractériser ses effets sur la personne humaine en raison de sa durée, de son émergence, de son amplitude et de ses caractéristiques spectrales lors d'une exposition permanente découlant d'une occupation normale du local ;

- estimer l'impact physique, psychologique et moral de ces désordres sur la personne de l'intéressé, ainsi que les conséquences sous-jacentes du manque de diligence à les régler ;

- identifier les installations, appareillages et réseaux en cause, en dresser tous états descriptifs et qualitatifs ;

- dire si les installations présentent des malfaçons, désordres ou non conformités de nature à constituer une génération et une transmission de bruit ou vibrations parasites ;

- caractériser le comportement acoustique des locaux en terme de transmissions intérieures aérienne et solidienne, dire s'il est conforme à la norme applicable au bâtiment tel que rénové et s'il correspond aux qualités telles que spécifiées au cahier des charges de rénovation du bâtiment et à l'attestation de conformité dont la SD-BA fait mention dans son courrier du 17 avril 2014 ;

- caractériser les craquements parasites des cloisons de séparation avec les chambres adjacentes, qui peuvent se produire lors des ouvertures et fermetures des portes, dont l'intéressé a rendu compte dans son courrier du 28 octobre 2013 adressé à la SD-BA et en dire les causes ;

- dire, pour chaque poste de défaut constaté, quelles solutions peuvent être mises en place pour leur résolution définitive et quelle partie devrait, en 1'état du droit et des contrats en cours sur la période des faits, avoir la charge de les conduire ;

- s'adjoindre de toute personne informée et de tout sapiteur.

Procédure devant la Cour :

Le ministre de la défense a demandé à la Cour administrative d'appel de Paris d'annuler l'ordonnance susvisée du 18 février 2016 et de rejeter la demande présentée par M. A...devant le juge des référés du Tribunal administratif de Paris.

Par un arrêt n° 16PA00944-16PA00966 du 4 juillet 2016, la Cour administrative d'appel de Paris a annulé l'ordonnance susvisée et rejeté la demande M.A....

Procédure devant le Conseil d'Etat :

Par un pourvoi, enregistré le 5 septembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...a demandé l'annulation de cet arrêt.

Par une décision n° 403197 du 23 décembre 2016, enregistrée au greffe de la Cour

le 28 décembre 2016 sous le n° 16PA03965, le Conseil d'Etat a cassé l'arrêt précité et a renvoyé l'affaire devant la Cour.

Procédure devant la Cour :

Par un mémoire de reprise d'instance et par un mémoire en réponse au moyen d'ordre public communiqué par la Cour, enregistrés les 10 et 20 février 2017, M. A...conclut au rejet du recours du ministre de la défense et à la confirmation de l'ordonnance attaquée et demande à la Cour :

1°) d'enjoindre au ministre de la défense de mettre en place au profit de l'expert et de son sapiteur une carte d'accès et un droit d'accès permanent ainsi qu'à lui-même aux locaux objets de l'expertise et de leur communiquer les directives en vigueur relatives à l'accès au site ;

2°) de réformer la mission de l'expert sur les points précisés par l'exposant ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- l'expertise est utile ;

- aucune question de droit ne fait partie de la mission confiée à l'expert ;

- l'expert n'a pas entièrement réalisé sa mission ;

- il y a lieu de réformer la mission de l'expert afin de compléter les modalités de recherche des faits dommageables.

Par un mémoire de reprise d'instance et en réponse au moyen d'ordre public communiqué par la Cour, enregistré le 17 février 2017, le ministre de la défense conclut au rejet des conclusions incidentes de M. A...tendant au prononcé d'une injonction à son encontre et à l'extension de la mesure d'expertise et réitère les conclusions de son recours tendant à l'annulation de l'ordonnance du 18 février 2016 et au rejet de la demande présentée par l'intéressé devant le juge des référés du Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- les conclusions aux fins d'injonction, de réformation et d'extension de la mission d'expertise sont irrecevables ;

- l'expert s'est vu confier, par l'ordonnance attaquée, une mission comprenant des questions de droit ;

- en refusant les propositions de relogement qui lui ont été faites, l'intéressé a concouru par son comportement à la survenance du préjudice qu'il allègue, de sorte que l'expertise n'est pas utile ;

- le moyen par lequel l'intéressé conteste le contenu du rapport est inopérant.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de M. A...du 10 février 2017 tendant à l'extension de la mission de l'expert et à ce que soit prononcée une injonction au ministre de la défense comme nouvelles en cause d'appel.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dellevedove,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- et les observations de MeD....

1. Considérant que M.A..., qui bénéficie d'un logement situé dans un immeuble relevant du ministre de la défense, a saisi le juge des référés du Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à ce que soit prescrite une expertise en vue de déterminer la nature et les causes des désordres acoustiques qui affectent selon lui ce logement, ainsi que les moyens d'y remédier ; que, par l'ordonnance n° 153409 du 18 février 2016, dont le ministre de la défense relève appel, le juge des référés du Tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande et a prescrit l'expertise sollicitée dans les termes précités ; qu'il y a lieu, pour la Cour, de statuer à nouveau sur l'appel du ministre, après la cassation intervenue et le renvoi de l'affaire par le Conseil d'État, ainsi que sur les conclusions incidentes de M.A... ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n'est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais " ; qu'aux termes de l'article R. 532-1 du même code : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction (...) " ;

Sur l'appel principal du ministre :

En ce qui concerne la régularité de l'ordonnance attaquée :

3. Considérant que, en application des dispositions précitées, le juge des référés du Tribunal administratif de Paris a, en prescrivant à l'expert, au 14ème alinéa de l'article 1er de l'ordonnance attaquée, le soin de déterminer, pour chaque poste de défaut constaté, les solutions pouvant être mises en place pour leur résolution définitive, confié un élément de mission portant sur l'appréciation technique de constatations de fait ; qu'en revanche, en lui ordonnant de dire " quelle partie devrait, en 1'état du droit et des contrats en cours sur la période des faits, avoir la charge de les conduire ", le premier juge a confié à l'expert un élément de mission comportant une appréciation de sa part des conséquences juridiques à tirer de constatations de fait ; que, portant ainsi non sur des questions de fait mais sur des questions de droit, cet élément de mission n'est pas au nombre de ceux qu'un juge peut confier à un expert ; que, dès lors, le ministre de la défense est fondé à demander l'annulation de l'article 1er de l'ordonnance attaquée en tant que le premier juge y a inclus cet élément ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande tendant à prescrire cet élément de mission, de les rejeter pour les mêmes motifs et de statuer, par l'effet dévolutif de l'appel, sur les conclusions du recours du ministre de la défense portant sur le surplus des éléments de mission de l'expertise litigieuse ;

En ce qui concerne le fond :

4. Considérant que l'utilité d'une mesure d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher ; qu'à ce dernier titre, il ne peut faire droit à une demande d'expertise lorsque, en particulier, elle est formulée à l'appui de prétentions qui ne relèvent manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative, qui sont irrecevables ou qui se heurtent à la prescription ; que, de même, il ne peut faire droit à une demande d'expertise permettant d'évaluer un préjudice, en vue d'engager la responsabilité d'une personne publique, en l'absence manifeste de lien de causalité entre le préjudice à évaluer et la faute alléguée de cette personne ; qu'il ne lui appartient pas, en revanche, d'apprécier leur chance de succès ;

5. Considérant, en l'espèce, que le ministre de la défense n'est pas fondé à soutenir que l'expertise susvisée ne serait pas utile au motif qu'aucun recours contentieux ultérieur, notamment indemnitaire, ne pourrait être engagé avec succès ; que, contrairement à ce que soutient le ministre de la défense, la seule circonstance qu'il n'ait pas été tenu d'attribuer un logement à M. A...ne faisait pas obstacle à ce que la responsabilité de l'Etat pût être engagée à raison des désordres l'affectant ; que, dès lors, en tout état de cause, la triple circonstance invoquée à cet égard par le ministre que M. A...ne justifiait d'aucun droit à se voir attribuer un logement, que son maintien dans ce logement résultait de son choix et qu'il n'y était contraint par aucune obligation de service, ne saurait pas davantage faire regarder le surplus des éléments de mission de cette mesure d'expertise comme n'étant pas utile au sens de l'article R. 532-1 du code de justice administrative ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de la défense n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du Tribunal administratif de Paris a confié à l'expert ces éléments de mission ;

Sur les conclusions incidentes de M. A...:

7. Considérant que les conclusions de M. A...tendant à ce que soit prononcée une injonction au ministre de la défense, ainsi que ses conclusions à fin de réformation tendant essentiellement à l'extension de la mission de l'expert sont irrecevables comme nouvelles en cause d'appel ; qu'à supposer que M. A...ait entendu critiquer le déroulement de la mission d'expertise, un tel moyen est inopérant dans le cadre du présent litige ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : L'article 1er de l'ordonnance susvisée du juge des référés du Tribunal administratif de Paris du 18 février 2016 est annulé en tant qu'il a ordonné à l'expert de dire " quelle partie devrait, en 1'état du droit et des contrats en cours sur la période des faits, avoir la charge de les conduire ".

Article 2 : Les conclusions de la demande tendant à prescrire l'élément mission précisé à

l'article 1er du présent arrêt sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la défense et à M. E...A....

Délibéré après l'audience du 21 février 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président de chambre,

- Mme Hamon, président-assesseur,

- M. Dellevedove, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 mars 2017.

Le rapporteur,

E. DELLEVEDOVELe président,

B. EVEN

Le greffier,

S. GASPAR

La République mande et ordonne au ministre de la défense en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA03965


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA03965
Date de la décision : 21/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Ermès DELLEVEDOVE
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : ACHOUR

Origine de la décision
Date de l'import : 02/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-03-21;16pa03965 ?
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