Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société DLW et Associés a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution du crédit d'impôt en faveur des métiers d'art dont elle soutient pouvoir bénéficier au titre des années 2010, 2011 et 2012.
Par un jugement n° 1503968/1-1 du 6 avril 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 25 avril 2016 et
17 février 2017, la société DLW et Associés, représentée par Me Cloris, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1503968/1-1 du 6 avril 2016 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la restitution de la somme de 111 365 euros correspondant au crédit d'impôt en faveur des métiers d'art au titre de l'impôt sur les sociétés à raison des dépenses qu'elle a exposées durant les années 2010, 2011 et 2012 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le Tribunal a commis une erreur de droit en ce qu'en retenant l'absence d'effort d'innovation particulier et d'évolution substantielle pour apprécier si les objets graphiques réalisés par la société se distinguaient des objets industriels ou artisanaux existants ou de séries ou collections précédentes, il a ajouté une condition non prévue par les textes, seule l'appréciation des caractéristiques du produit et non l'appréciation du processus de réalisation du produit devant être prise en compte ;
- le Tribunal a commis une erreur de droit dans l'application dans le temps des dispositions de l'article 244 quater O du code général des impôts applicables au litige s'agissant de
l'année 2012 ; le bulletin officiel des impôts BOI-BIC-RICI-10-100-20140318 prévoit que le dispositif résultant de l'article 35 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 modifiant les dispositions de l'article 244 quater O du code général des impôts s'applique à compter du 1er janvier 2013 ;
- les conditions d'éligibilité au dispositif du crédit d'impôt en faveur des métiers d'art sont remplies ; les réalisations qu'elle a produites démontrent non seulement l'important travail de conception original qui préside à la réalisation des produits mais également d'une singularité évidente par rapport aux produits déjà existants sur le marché et une originalité indéniable ; elle ne suit aucun cahier des charges, le client n'intervenant pas dans la création ;
- les conditions relatives à l'exercice du métier d'art par les salariés dont les charges ont été retenues pour le calcul du crédit d'impôt sont remplies ; c'est la fonction réellement exercée par les salariés qui doit être prise en compte et non l'intitulé du poste ; seules les dépenses strictement afférentes aux charges et salaires des salariés exerçant un métier d'art ont été prises en compte.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 novembre 2016, le ministre de l'économie et des finances, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- s'agissant des années 2010 et 2011, la société n'a pas justifié que ses salariés disposaient de la qualification professionnelle leur permettant d'exercer l'un des métiers mentionnés sur la liste limitative des métiers de l'artisanat d'art fixé par l'arrêté du 12 décembre 2003 ; qu'à supposer justifiée la qualification d'infographiste ou de maquettiste de l'un de ses salariés, M.A..., il apparaît qu'il n'exerce pas uniquement l'un de ces métiers d'art, justifiant que les dépenses de personnel le concernant soient retenues pour leur montant total ;
- en ce qui concerne les produits, au titre de l'année 2012, en application des nouvelles dispositions de l'article 244 quater O du code général des impôts applicable au 31 décembre 2012, les produits réalisés ne sont pas des ouvrages uniques, réalisés en un exemplaire ou en petite série ne figurant pas à l'identique dans les réalisations précédentes de l'entreprise, dès lors que les emballages réalisés concernent des produits de grande consommation et que les caractéristiques du packaging de chaque marque ont été conservés ; aucun des emballages concernés n'est réellement nouveau ; les emballages destinés à être reproduits de manière industrielle ne sont pas voués à constituer une petite série ;
- en ce qui concerne les produits, au titre des années 2010 et 2011, les travaux réalisés ne permettent pas de qualifier ceux-ci de nouveaux produits ;
- en ce qui concerne les autres dépenses de fonctionnement, elles ne peuvent être retenues au titre de l'année 2012, par application des nouvelles dispositions de l'article 244 quater O du code général des impôts ;
- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu :
- la demande préalable ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 ;
- l'arrêté du 12 décembre 2003 fixant la liste des métiers de l'artisanat d'art ;
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mosser,
- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,
- et les observations de Me Cloris, avocat de la société DLW et Associés.
1. Considérant que la société DLW et Associés, qui exerce une activité d'agence de publicité spécialisée dans la conception d'emballages, a sollicité, le 7 novembre 2014, la restitution du crédit d'impôt en faveur des métiers d'art pour les années 2010, 2011 et 2012 pour des montants respectifs de 35 136 euros, 36 520 euros et 39 709 euros ; que, par une décision du 20 janvier 2015, l'administration fiscale a rejeté sa demande ; qu'elle relève appel du jugement en date du
6 avril 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur la demande de restitution du crédit d'impôt :
2. Considérant que la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 qui a modifié, en son article 35, les dispositions de l'article 244 quater O du code général des impôts a été publiée au journal officiel de la République française le 30 décembre 2012 ; qu'il résulte de l'article 1er du code civil que cette loi est entrée en vigueur le lendemain de sa publication, soit le 31 décembre 2012, à défaut de précision sur la date de son entrée en vigueur ; que dans ses dispositions en vigueur au 31 décembre 2012, l'article VIII de l'article 244 quater O du code général des impôts prévoit que : " Le présent article s'applique aux crédits d'impôt calculés au titre des dépenses exposées par les entreprises mentionnées au III jusqu'au 31 décembre 2016 " ; que toutefois, dès lors, d'une part, que le VIII de l'article 244 quater O du code général des impôts en vigueur avant sa modification par l'article 35 de la loi du 29 décembre 2012, prévoyait expressément que les règles qu'il définissait étaient applicables aux crédits d'impôt calculés au titre des dépenses exposées jusqu'au 31 décembre 2012 et d'autre part, que l'article 35 de la loi du
29 décembre 2012, n'envisage pas d'application rétroactive du nouveau régime légal aux dépenses réalisées au cours de l'année 2012, c'est sur la base du dispositif en vigueur jusqu'au
30 décembre 2012 que doit être calculé le crédit d'impôt correspondant aux dépenses exposées en 2012 par les entreprises exerçant des métiers d'art qui sont prises en compte par année civile pour le calcul du crédit d'impôt ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen soulevé en ce qui concerne la détermination des dispositions applicables à sa demande, la société DLW et Associés est fondée à soutenir que pour les dépenses engagées avant le 31 décembre 2012, le bénéfice du crédit d'impôt relève des dispositions de l'article 244 quater O dans sa version en vigueur avant cette date ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 244 quater O du code général des impôts dans sa version en vigueur pour les années en litige : " I.-Les entreprises mentionnées au III et imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt égal à 10 % de la somme : /1° Des salaires et charges sociales afférents aux salariés directement chargés de la conception de nouveaux produits dans un des secteurs ou métiers mentionnés au III et aux ingénieurs et techniciens de production chargés de la réalisation de prototypes ou d'échantillons non vendus ; (...)/5° Des autres dépenses de fonctionnement exposées à raison des opérations de conception de nouveaux produits et à la réalisation de prototypes ; ces dépenses sont fixées forfaitairement à 75 % des dépenses de personnel mentionnées au 1° ; (...) /III.-Les entreprises pouvant bénéficier du crédit d'impôt mentionné au I sont :/1° Les entreprises dont les charges de personnel afférentes aux salariés qui exercent un des métiers d'art énumérés dans un arrêté du ministre chargé des petites et moyennes entreprises représentent au moins 30 % de la masse salariale totale ; (...)//IV.-Quelle que soit la date de clôture des exercices et quelle que soit leur durée, le crédit d'impôt mentionné au I est calculé par année civile. (...) / VIII.-Le présent article s'applique aux crédits d'impôt calculés au titre des dépenses exposées par les entreprises mentionnées au III jusqu'au 31 décembre 2012. " ; qu'aux termes de l'article 49 septies ZL de l'annexe III du même code dans sa version alors en vigueur : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater O du code général des impôts, les opérations de conception de nouveaux produits s'entendent des travaux portant sur la mise au point de produits ou gamme de produits qui, par leur apparence caractérisée en particulier par leurs lignes, contours, couleurs, matériaux, forme, texture, ou par leur fonctionnalité, se distinguent des objets industriels ou artisanaux existants ou des séries ou collections précédentes " ;
4. Considérant que l'activité de la société DLW et Associés consiste principalement en la conception d'épreuves et la production de maquettes et de prototypes de produits d'emballage (packaging) afin de mettre en valeur un message, une marque ou une information ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, et plus précisément des exemples de produits réalisés par la société au titre de la période en litige, que les salariés avaient pour mission, pour la réalisation des produits publicitaires, de créer des produits totalement originaux, distincts des produits déjà existants sur le marché et distincts, pour l'essentiel, des créations antérieurement réalisées ; que notamment pour les étuis Daniel Hechter, la société indique elle-même que sa marge de manoeuvre était limitée et que ses travaux de conception ont porté uniquement sur la forme de la découpe et sur la nuance de bleu ; que pour les étuis Rémy Martin, le client l'avait chargée de trouver le meilleur impact visuel de leurs étuis ; que, pour le client Email Diamant, la société précise que le client souhaitait que l'on respecte scrupuleusement sa charte graphique et que son travail a consisté à définir un bon mélange colorimétrique pour restituer la charge graphique ; que, pour le client L'Oréal Paris, le travail de la société s'est limité à réaliser des prototypes permettant d'ajuster les couleurs afin de s'assurer d'un bon rendu colorimétrique par les imprimeurs ; que pour le sachet Bonduelle la société, qui précise qu'aucun travail de conception n'a été nécessaire, a exécuté un travail de chromie pour que le logo de la marque soit conforme au niveau de la couleur de la charte graphique du client, de travail sur les blancs de soutien pour faire ressortir les parties métallisées souhaitées par le client ; que pour les étuis Marina de Bourbon-Royal Marina, la société indique que le client l'a chargée de concevoir un packaging mettant en valeur l'intensité de la couleur ; que pour le packaging Esprit Man, le client a souhaité que la société apporte son concours à la définition de ce packaging en concevant la partie couleurs et textures ; que pour le sachet Mini Bâton de Berger, le client a demandé à la société de faire des propositions de couleurs ; que pour les étuis 1881 Sport de Cerruti, la problématique du client était uniquement le choix des couleurs, matières et textures ; que pour les boites et sachets Microlax, la problématique du client était le choix des couleurs et des textures ; que pour le fourreau Dim Up Teint de Soleil, la forme graphique était déjà réalisée, le client ayant uniquement chargé la société de créer des effets de dorure ; que pour l'atomiseur Garnier Men Minéral, la société a uniquement travaillé sur les couleurs et les matières ; qu'ainsi, la société n'établit pas que ses compositions graphiques sont le produit, pour chacune d'entre elles, d'un travail de création original et créatif ; que le travail réalisé par la société constitue, pour l'essentiel, une seule adaptation d'un produit existant sur le marché ou d'une création déjà réalisée ; que, par suite, la société ne peut être regardée comme réalisant une oeuvre graphique se distinguant par ses lignes, contours, couleurs matériaux, forme, texture, ou par sa fonctionnalité, des objets industriels ou artisanaux existants ou des séries ou collections précédentes, ni par suite comme contribuant à la conception de nouveaux produits au sens des dispositions précitées du code général des impôts et de l'annexe III à ce code ; que l'administration était dès lors fondée, pour le seul motif tiré de l'absence de nouveauté des produits de la société DLW et Associés, à lui refuser la restitution du crédit d'impôt en faveur des métiers d'art qu'elle sollicitait au titre des années 2010, 2011 et 2012 ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société DLW et Associés n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société DLW et Associés est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société DLW et Associés et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 3 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- Mme Mosser, président assesseur,
- M. Boissy, premier conseiller.
Lu en audience publique le 21 mars 2017.
Le rapporteur,
G. MOSSER
Le président,
M. HEERSLe greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA01414