Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'école supérieure de physique et de chimie industrielles de la ville de Paris (ESPCI) à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité du rejet de sa candidature au titre de professeur émérite, et de mettre à la charge de l'ESPCI une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1404780/2-1 du 26 mai 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande, ainsi que les conclusions présentées par l'ESPCI sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 27 juillet 2015, 13 juin 2016 et 12 décembre 2016, Mme A...représentée par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n°1404780/2-1 du 26 mai 2015 ;
2°) de condamner l'ESPCI à lui verser une somme de 20 000 euros, assortie des intérêts au taux légal, capitalisés, en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité du rejet de sa candidature à l'éméritat ;
3°) de mettre à la charge de l'ESPCI une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement méconnaît l'article R. 741-7 du code de justice administrative puisqu'il n'a pas été signé ;
- le jugement méconnaît l'article R. 741-2 du code de justice administrative dans la mesure où il ne vise pas les mémoires produits au nom de la requérante les 10 mars et 30 avril 2015, qui contenaient pourtant des éléments nouveaux ;
- la décision rejetant la candidature de Mme A...à l'éméritat est entachée d'un vice de procédure puisque le comité de direction qui l'a examinée n'était pas exclusivement composé de professeurs ;
- la décision rejetant la candidature de Mme A...à l'éméritat repose sur un motif erroné en droit ;
- la décision rejetant la candidature de Mme A...à l'éméritat est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'illégalité de cette décision est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'ESPCI, à hauteur de 20 000 euros, puisqu'elle a causé un préjudice moral à l'intéressée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2016, l'ESPCI représentée par la SCP Foussard-Froger, conclut au rejet de la requête de Mme A...et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à sa charge sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 relatif au statut des enseignants chercheurs de l'enseignement supérieur ;
- le décret n° 94-415 du 24 mai 1994 portant dispositions statutaires relatives aux personnels des administrations parisiennes ;
- la délibération n° D 2130-1° modifiée des 10 et 11 décembre 1990 portant fixation du statut particulier applicable au corps des professeurs de l'Ecole supérieure de physique et chimie industrielles de la Ville de Paris ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme d'Argenlieu,
- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,
- les observations de Me Crusoe, avocat de MmeA...,
- et les observations de Me Froger, avocat de l'ESPCI.
Une note en délibéré, présentée pour MmeA..., a été enregistrée le 6 février 2017.
1. Considérant que Mme A...a été recrutée, en 1968, comme assistante puis maître assistante par l'Ecole supérieure de physique et de chimie industrielles de la ville de Paris (ESPCI), avant d'être nommée professeure de deuxième classe en 1993, puis professeure de première classe en 1997 ; qu'elle a ensuite postulé, sans succès, notamment en 2007, 2008, 2009 et 2010, à la classe exceptionnelle du corps des professeurs de l'ESPCI ; qu'elle a été admise à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er septembre 2012 ; que, par une lettre du 19 juin 2012, Mme A...a adressé à l'ESPCI un dossier de candidature en vue d'obtenir le titre de professeur émérite ; que, par une lettre non datée, le directeur de l'ESPCI l'a informée de ce que le comité de direction de l'école avait décidé d'écarter sa candidature à l'éméritat " au vu des conditions votées au conseil d'administration le 15 décembre 2011 ainsi que des contingences de places dans les laboratoires " ; que, par un courrier du 28 novembre 2013, Mme A...a saisi l'ESPCI d'une demande tendant à ce que l'école l'indemnise du préjudice résultant pour elle de l'illégalité du refus de lui accorder le titre de professeur émérite ; qu'en l'absence de réponse expresse à cette demande, Mme A...a saisi le Tribunal administratif afin qu'il condamne l'ESPCI à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait de ce refus ; que, par un jugement du 26 mai 2015, dont Mme A...relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant, en premier lieu, que la minute du jugement attaqué comporte, conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, la signature du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience ;
3. Considérant, en second lieu, que la circonstance que les mémoires des 10 mars et 30 avril 2015 produits par Mme A...en première instance, n'ont pas été visés par le jugement attaqué n'est pas en elle-même de nature à vicier sa régularité dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que ces écritures n'apportaient aucun élément nouveau auquel il n'aurait pas été répondu dans les motifs ;
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la responsabilité :
S'agissant de la faute invoquée résultant de l'irrégularité de la procédure d'attribution de l'éméritat :
4. Considérant que la garantie de l'indépendance des professeurs de l'enseignement supérieur constitue un principe fondamental reconnu par les lois de la République ; que cette indépendance impose notamment, sous la seule réserve des prérogatives inhérentes à l'autorité investie du pouvoir de nomination, que, dans le cadre du déroulement de leur carrière et pour l'obtention de l'éméritat, l'appréciation portée sur les titres et mérites de ces enseignants ne puisse émaner que d'organismes où les intéressés disposent d'une représentation propre et authentique impliquant qu'ils ne puissent être jugés que par leurs pairs ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le comité de direction de l'ESPCI qui a examiné la candidature de Mme A...n'était pas exclusivement composé de pairs dès lors qu'il comprenait, notamment, un administrateur d'administrations parisiennes hors classes ; que l'irrégularité de cette procédure au terme de laquelle a été prise la décision de rejet de la candidature de Mme A...à l'éméritat constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'ESPCI ;
S'agissant des fautes invoquées résultant de l'évaluation de la candidature de Mme A...à l'éméritat
6. Considérant qu'aux termes de la délibération n° 4 du 15 décembre 2011 du conseil d'administration de l'école relative à l'attribution du titre de professeur émérite à " l'ESPCI Paris Tech ", l'évaluation de la candidature à l'éméritat " doit aussi porter sur le projet de recherche présenté par le candidat à l'éméritat et sur la façon dont ce projet s'inscrit dans l'activité du laboratoire " ; qu'il s'ensuit que le projet poursuivi par un candidat à l'éméritat ne saurait être envisagé en dehors d'un laboratoire ; qu'ainsi, l'ESPCI pouvait légalement refuser de faire droit à la demande de Mme A...tendant à obtenir le titre de professeur émérite au motif tiré, notamment, de l'existence de " contingences de places dans les laboratoires " ;
7. Considérant qu'aux termes de cette même communication : " L'éméritat est accordé pour une durée de cinq ans renouvelable, après interclassement et avis de différents instances (...), selon les critères suivants : - le premier critère est lié à la carrière scientifique de l'intéressé : le chercheur doit être un directeur de recherche ayant eu une carrière exceptionnelle. - le second critère est lié à l'excellence de l'activité de recherche du candidat. Cette évaluation doit porter sur les activités réalisées dans les trois années précédant la demande d'éméritat et prendre en compte l'ensemble des critères utilisés pour évaluer l'excellence de la production scientifique (les publications, notamment dans les revues de rang A, mais aussi les activités et responsabilités d'animation scientifique de niveau national ou international, l'encadrement, la participation à des projets de valorisation ou de diffusion de la culture scientifique et technique). (...) En outre, pour bien souligner le caractère sélectif que doit conserver l'attribution de l'éméritat, la proportion des directeurs de recherche partant à la retraite auxquels est attribué l'éméritat a vocation à ne pas dépasser 20 % " ; qu'il résulte de l'instruction que si la qualité du travail fourni par Mme A...durant, notamment, ses dernières années de carrière ne saurait être remise en cause, ainsi que l'illustrent ses notations prononcées au titre des années 2007, 2008 et 2009 qui décrivent une " bonne activité de recherche ", des " cours (...) appréciés des étudiants ", une " recherche de qualité " et un enseignement enthousiaste et rigoureux, de telles appréciations ne sauraient caractériser l'exceptionnalité de carrière requise pour bénéficier de l'éméritat, dont l'attribution est au surplus contingentée, alors par ailleurs que les partenariats, industriels notamment, dont l'intéressée entend se prévaloir, pour prestigieux qu'ils aient été, ne présentaient qu'un intérêt indirect pour l'école ; qu'à l'inverse, les projets poursuivis par les deux autres candidats admis à l'éméritat en 2012, qui présentaient une carrière exceptionnelle, et dont l'un notamment continuait à représenter l'ESPCI au sein de certaines institutions pédagogiques, offraient un intérêt plus direct pour l'établissement ; que, par suite, c'est sans erreur manifeste d'appréciation que l'école a refusé de faire droit à la demande d'éméritat de MmeA... ;
En ce qui concerne le préjudice :
8. Considérant, ainsi qu'il a été vu au point 5, que Mme A...ne disposait pas d'une chance sérieuse d'obtenir le titre de professeur émérite ; que, par suite, le préjudice moral dont l'intéressée entend se prévaloir consistant à avoir été privée de cette promotion, ne trouve pas sa cause directe dans la faute commise par l'ESPCI à avoir conduit une procédure en méconnaissance du principe fondamental reconnu par les lois de la République d'indépendance des professeurs de l'enseignement supérieur ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à ce que l'ESPCI soit condamnée à l'indemniser du préjudice moral qu'elle affirme avoir subi du fait du rejet illégal de sa candidature à l'éméritat ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que l'ESPCI n'étant pas la partie perdante dans le cadre de la présente instance, l'article L. 761-1 du code de justice administrative fait obstacle à ce qu'une somme soit mise à sa charge sur le fondement de ces dispositions ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de l'ESPCI présentées sur ce même fondement ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'ESPCI sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3: Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et à l'école supérieure de physique et chimie industrielles de la ville de Paris (ESPCI).
Délibéré après l'audience du 31 janvier 2017 à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président-assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 février 2017.
Le rapporteur,
L. d'ARGENLIEULe président,
B. EVEN
Le greffier,
I. BEDR
La République mande et ordonne au ministre chargé de l'enseignement supérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA02955