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09/02/2017 | FRANCE | N°15PA03243

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 09 février 2017, 15PA03243


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société La Coccinelle a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 4 031 630,36 euros en réparation du préjudice qu'elle aurait subi du fait du dysfonctionnement du service public de la juridiction administrative.

Par un jugement n° 1410584 du 2 juillet 2015, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 août 2015, la société La Coccinelle, représentée par Me C.

.., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1410584 du 2 juillet 2015 du tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société La Coccinelle a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 4 031 630,36 euros en réparation du préjudice qu'elle aurait subi du fait du dysfonctionnement du service public de la juridiction administrative.

Par un jugement n° 1410584 du 2 juillet 2015, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 août 2015, la société La Coccinelle, représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1410584 du 2 juillet 2015 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 4 031 630,36 euros en réparation du préjudice subi du fait du dysfonctionnement de la justice administrative ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité de l'Etat du fait du fonctionnement défectueux de la justice administrative est engagée du fait de fautes lourdes dissociables du contenu de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles ;

- la cour administrative d'appel de Versailles a commis une faute lourde en écartant le rapport de l'expert nommé sous la responsabilité du tribunal administratif sans désigner pour autant un nouvel expert pour éclairer les débats et sans qu'ait été mise en oeuvre la procédure de récusation d'expert prévue par le code de justice administrative ;

- le dysfonctionnement de la justice administrative est attesté par la contradiction entre les deux arrêts de la cour administrative d'appel de Versailles du 8 décembre 2011 taxant les frais d'expertise, mis à sa charge, et donc reconnaissant la qualité du travail de l'expert, et du 18 avril 2013, écartant ce rapport pour fixer les sommes dues dans le cadre du règlement du marché ;

- la responsabilité de l'Etat est par ailleurs engagée du fait d'une méconnaissance manifeste des stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle a d'une part subi un préjudice financier lié à la prise en charge totale des frais de l'expertise ordonnée par le juge administratif et, d'autre part, perdu une chance d'être indemnisée des préjudices liés aux difficultés d'exécution du marché public dont elle était titulaire.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 décembre 2015, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Amat,

- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,

- et les observations de Me Schott, avocat de la société La Coccinelle.

1. Considérant que par un marché notifié le 25 juin 2002, le Syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne a confié à un groupement dont la société La Coccinelle était mandataire la réalisation d'une partie de la deuxième tranche du marché public de travaux de " la décharge de Pantin La Briche " ; qu'à la suite de l'interruption des travaux, M. B... a été désigné en qualité d'expert par ordonnance du 15 septembre 2005 du président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise pour notamment évaluer les prestations réalisées par chacun des membres du groupement, établir les comptes entre les parties et recueillir tous éléments permettant de déterminer les responsabilités et préjudices dans le cadre d'une éventuelle instance au fond ; que, par ordonnance du 12 octobre 2006, les frais et honoraires de l'expert ont été taxés et liquidés à hauteur de 93 225,36 euros ; que, par un arrêt du 8 décembre 2011, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté la requête de M. B...tendant à l'annulation du jugement n° 0614144 du 3 juin 2009 par lequel le tribunal administratif de Cergy Pontoise avait rejeté sa demande tendant à la réformation de l'ordonnance de taxation du 12 octobre 2006 ;

2. Considérant que, par un deuxième jugement n° 0605921 du 3 juin 2009, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné le Syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne à verser à la société La Coccinelle une indemnité de 100 000 euros assortie des intérêts légaux et de la capitalisation de ceux-ci en règlement du solde du marché public de travaux ; que, par un arrêt du 18 avril 2013, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 3 juin 2009 notamment en ce qu'il a condamné le Syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne à verser à la société La Coccinelle la somme de 100 000 euros et décidé que celle-ci ne pouvait prétendre à aucune indemnisation ; que, par ailleurs, la cour administrative d'appel de Versailles a, par la même décision, mis à la charge de la requérante les frais de l'expertise réalisée par M.B... ; que le 18 décembre 2013, le Conseil d'Etat, saisi par la société La Coccinelle, a refusé d'admettre le pourvoi formé par celle-ci contre l'arrêt rendu le 18 avril 2013 ; qu'enfin, la requête en rectification d'erreur matérielle de la décision de non admission du pourvoi en cassation, présentée par la même société, a été rejetée le 5 mai 2014 ; que le 10 juin 2014, le ministre de la justice a rejeté la demande d'indemnisation que la société La Coccinelle lui avait présentée en arguant de faute lourdes commises par le juge administratif ;

3. Considérant que la société La Coccinelle, qui recherche la responsabilité de l'Etat du fait des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des dysfonctionnements de la justice administrative à l'occasion des procédures rappelées aux points 1 et 2, relève appel du jugement du 2 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 4 031 630,36 euros à titre de dommages et intérêts ;

4. Considérant qu'en vertu des principes généraux régissant la responsabilité de la puissance publique, une faute lourde commise dans l'exercice de la fonction juridictionnelle par une juridiction administrative est susceptible d'ouvrir droit à indemnité ; que si l'autorité qui s'attache à la chose jugée s'oppose à la mise en jeu de cette responsabilité dans les cas où la faute lourde alléguée résulterait du contenu même de la décision juridictionnelle et où cette décision serait devenue définitive, la responsabilité de l'Etat peut cependant être engagée dans le cas où le contenu de la décision juridictionnelle est entaché d'une violation manifeste du droit communautaire ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers ;

5. Considérant, en premier lieu, que la société La Coccinelle soutient que la responsabilité de l'Etat est engagée en ce que, dans son arrêt précité du 18 avril 2013, la cour administrative d'appel de Versailles a écarté le rapport de M. B...compte tenu du manquement de celui-ci à son obligation d'impartialité et du caractère difficilement exploitable de ses conclusions sans toutefois respecter la procédure de récusation prévue par le code de justice administrative ni désigner un nouvel expert pour éclairer le juge ; que, les fautes ainsi alléguées résultent du contenu même de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 18 avril 2013 devenu définitif et ne peuvent dès lors être utilement invoquées par la société La Coccinelle pour engager la responsabilité de l'Etat ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que la société La Coccinelle fait valoir que le dysfonctionnement de la justice administrative est attesté par la circonstance que, dans son arrêt du 8 décembre 2011, la cour administrative d'appel de Versailles a confirmé le montant des honoraires de l'expert en estimant ainsi que celui-ci avait rempli sa mission alors que, dans son arrêt du 18 avril 2013, la même cour a écarté ce même rapport d'expertise ; que, toutefois, la faute ainsi alléguée, liée selon la requérante à la contradiction entre les arrêts des 8 décembre 2011 et 18 avril 2013, résulte du contenu même de ces décisions juridictionnelles définitives, et notamment de la seconde, et ne peut dès lors être utilement invoquée ;

7. Considérant, en dernier lieu, que la société La Coccinelle soutient que les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues faute pour le juge d'avoir ordonné une mesure d'instruction aux fins de désignation d'un nouvel expert ; que, ce faisant, la société La Coccinelle n'invoque pas la violation de dispositions du droit de l'Union européenne ayant pour objet de protéger les droits des particuliers ; qu'au demeurant, la société requérante indique avoir saisi la Cour européenne des droits de l'homme du litige qui l'oppose à l'Etat français ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société La Coccinelle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la réparation des préjudices qu'elle aurait subis du fait du dysfonctionnement de la justice administrative ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société La Coccinelle est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société La Coccinelle et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- Mme Amat, premier conseiller,

- Mme Nguyên Duy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 février 2017.

Le rapporteur,

N. AMATLa présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,

M. A...La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA03243


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15PA03243
Date de la décision : 09/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Juridictions administratives et judiciaires - Généralités - Décisions à caractère juridictionnel.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service de la justice.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Nathalie AMAT
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : PEISSE DUPICHOT LAGARDE BOTHOREL et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-02-09;15pa03243 ?
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