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31/01/2017 | FRANCE | N°16PA01825

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 31 janvier 2017, 16PA01825


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2015 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de l'admettre au séjour au titre de l'asile, et d'enjoindre au préfet de l'admettre au séjour durant l'examen de sa demande.

Par un jugement n° 1516331/3-2 du 31 mars 2016, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 28 septembre 2015, a enjoint au préfet de police de réexaminer la demande de M. B...et a mis à la charge de l'État une so

mme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2015 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de l'admettre au séjour au titre de l'asile, et d'enjoindre au préfet de l'admettre au séjour durant l'examen de sa demande.

Par un jugement n° 1516331/3-2 du 31 mars 2016, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 28 septembre 2015, a enjoint au préfet de police de réexaminer la demande de M. B...et a mis à la charge de l'État une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 6 juin 2016, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 30 mars 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M.B....

Il soutient que :

- s'il est vrai que le guide d'information des demandeurs d'asile n'a pas été remis à M. B..., les deux brochures A et B issues du règlement d'exécution n° 604/2013

du 26 juin 2013 lui ont été remises, la première comportant un chapitre consacré aux demandeurs d'asile dans l'attente de la détermination du pays responsable de sa demande ;

- M. B...a dès lors bénéficié de conditions d'information équivalentes à celles relatives à une demande d'asile ;

- M. B...ne conteste pas avoir sollicité l'asile en Bulgarie, sous une identité différente, puis en Allemagne ;

- compte tenu du caractère frauduleux de la demande de M.B..., l'annulation de l'arrêté litigieux n'est pas fondée.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 juillet 2016, M. B...demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) d'enjoindre au préfet de police, sous astreinte, de lui délivrer une attestation de demande d'asile ou un récépissé constatant le dépôt d'une telle demande, ou de réexaminer sa situation, dans un délai de 15 jours à compter de la notification du présent arrêt ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, en faveur de son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi

du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que :

- la requête est irrecevable pour tardiveté ;

- il ne s'est pas vu remettre les documents d'information destinés aux demandeurs d'asile ;

- sa demande d'asile ne reposant sur aucune fraude, puisqu'il n'a pas utilisé d'identités différentes, et ne constituant pas un recours abusif aux procédures d'asile, puisqu'il n'a pas dissimulé d'informations sur son état-civil, le préfet ne pouvait légalement mettre en oeuvre l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Privesse a été entendu au cours de l'audience publique

du 17 janvier 2017.

1. Considérant que M. A...B..., ressortissant malien, né le 22 octobre 1990, a sollicité l'asile, le 15 avril 2015, auprès des services de la préfecture de police, cette demande ayant fait l'objet d'un enregistrement en préfecture antérieurement à la date fixée pour l'application de la loi n° 2015 - 925 du 29 juillet 2015 ; qu'une consultation du fichier Eurodac ayant révélé qu'il avait précédemment demandé l'asile en Bulgarie et en Allemagne, le préfet de police a sollicité, le 6 mai 2015, sa prise en charge par les autorités de ce premier Etat ; qu'après le refus des autorités bulgares, le 6 juillet 2015, de reprendre en charge l'intéressé, le préfet de police a de nouveau reçu M. B...le 25 août 2015, puis a refusé par un arrêté du 28 septembre 2015 son admission au séjour au titre de l'asile, et a décidé le traitement de sa demande en priorité par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) conformément aux dispositions de l'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur ; que par le jugement attaqué du 31 mars 2016, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 28 septembre 2015 et a enjoint au préfet de réexaminer la demande de M. B... dans les trois mois suivant la notification de ce jugement ; que le préfet de police relève appel de ce jugement ;

Sur la fin de recevabilité de la requête :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1 (...) " ; qu'aux termes de l'article 751-4-1 de ce code : " (...) la décision peut être notifiée par le moyen de l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1 aux administrations de l'Etat, aux personnes morales de droit public et aux organismes de droit privé chargés de la gestion d'un service public qui sont inscrits dans cette application. / Ces parties sont réputées avoir reçu la notification à la date de première consultation de la décision, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique, ou, à défaut de consultation dans un délai de huit jours à compter de la date de mise à disposition de la décision dans l'application, à l'issue de ce délai. Sauf demande contraire de leur part, les parties sont alertées de la notification par un message électronique envoyé à l'adresse choisie par elles (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement du tribunal administratif du 30 mars 2016 a été notifié au préfet de police le 5 avril 2016 ; qu'en conséquence la requête du préfet de police, présentée le 6 juin 2016 devant la Cour n'est pas tardive ;

Sur le bien fondé du jugement :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable à l'espèce : " Lorsqu'un étranger, se trouvant à l'intérieur du territoire français, demande à bénéficier de l'asile, l'examen de sa demande d'admission au séjour relève de l'autorité administrative compétente. " ; qu'aux termes de l'article R. 741-2 du même code : " (...) L'indication des pièces à fournir par l'étranger qui sollicite son admission au séjour au titre de l'asile en application du présent article est portée à sa connaissance par les services de la préfecture. Ces derniers remettent alors à l'étranger un document d'information sur ses droits et sur les obligations qu'il doit respecter eu égard aux conditions d'accueil des demandeurs d'asile, ainsi que sur les organisations qui assurent une assistance juridique spécifique et celles susceptibles de l'aider ou de l'informer sur les conditions d'accueil dont il peut bénéficier, y compris les soins médicaux. Cette information se fait dans une langue dont il est raisonnable de penser que le demandeur d'asile la comprend " ; qu'aux termes de l'article L. 741-4 du même code : " (...) l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : 1° L'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil

du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile (...) 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente (...). Les dispositions du présent article ne font pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne qui se trouverait néanmoins dans l'un des cas mentionnés aux 1° à 4° " ; qu'aux termes de l'article L. 723-1 du même code : " L'office statue par priorité sur les demandes émanant de personnes auxquelles le document provisoire de séjour prévu à l'article L. 742-1 a été refusé ou retiré pour l'un des motifs mentionnés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 (...) ;

5. Considérant qu'en vertu de ces dispositions, adoptées pour assurer la transposition en droit interne des objectifs fixés par l'article 10 de la directive 2005/85/CE du Conseil

du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres, l'étranger présent sur le territoire français qui, n'étant pas déjà admis à séjourner en France, sollicite son admission au séjour au titre de l'asile, est informé par les services de la préfecture des pièces à fournir en vue de cette admission et doit se voir remettre un document d'information sur ses droits et sur les obligations qu'il doit respecter, ainsi que sur les organisations susceptibles de lui procurer une assistance juridique, de l'aider ou de l'informer sur les conditions d'accueil offertes aux demandeurs d'asile ; que cette information doit être faite dans une langue dont il est raisonnable de penser que l'intéressé la comprend ;

6. Considérant qu'eu égard à l'objet de ce document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, sur les organisations susceptibles de leur procurer une assistance juridique, de les aider ou de les informer sur les conditions d'accueil qui peuvent leur être proposées, la remise de ce document doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile, ainsi que le prévoit l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, dans le respect notamment des délais prévus ; que l'obligation de remise à l'intéressé du document d'information prévu au dernier alinéa de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est constitutive d'une garantie ; que, par suite, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un tel moyen à l'appui de conclusions dirigées contre un refus d'admission au séjour au titre de l'asile, d'apprécier si l'intéressé a été, en l'espèce, privé de cette garantie ou, à défaut, si cette irrégularité a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...s'est vu remettre le 5 mai 2015 les brochures " A " et " B ", contenant les informations sur la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen des demandes d'asile prévues par l'article 4 du règlement susvisé du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, dit " Dublin III " ; que si ces brochures " A " et " B " ne comportent pas, s'agissant notamment des droits sociaux, des informations aussi complètes que celles figurant dans le " guide du demandeur d'asile en France " destiné aux étrangers présentant leur première demande d'asile en France, elles informent l'étranger sur les modalités d'instruction de sa demande d'asile selon la procédure dite " Dublin " conduisant à la détermination de l'Etat responsable de sa demande, sur ses droits dans cette attente et sur les obligations qu'il doit respecter ; qu'elles précisent qu'il a " le droit de bénéficier de conditions d'accueil matérielles par exemple hébergement nourriture etc... ainsi que des soins médicaux de base et d'une aide médicale d'urgence " ; que la brochure " A " indique les coordonnées d'associations qui assurent une assistance juridique ou un soutien aux réfugiés ; que ces indications satisfont aux prescriptions des dispositions précitées de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que ces brochures " A" et " B " ont été remises à M. B...dans une langue qu'il comprend ; que par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en s'abstenant de lui remettre " le guide du demandeur d'asile " le préfet de police aurait méconnu les dispositions précitées de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et l'aurait privé d'une garantie ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés, pour annuler la décision en litige, sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

9. Considérant, toutefois, qu'il y a lieu pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance et en appel par M. B... ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., dont la date d'entrée en France n'est pas établie, a présenté une demande d'asile le 15 avril 2015 en France sans mentionner avoir précédemment déposé une telle demande en Bulgarie, en déclarant une autre date de naissance ; qu'alors qu'il avait été informé le 15 avril 2015 que sa demande d'asile était susceptible de relever des autorités bulgares, il a complété le 5 mai suivant sa demande d'asile en France, en déclarant en avoir également déposé une en Allemagne, en 2014 ; que, par suite, c'est à bon droit et sans entacher sa décision d'erreur de fait que le préfet a considéré que sa demande d'asile présentait un caractère dilatoire et abusif au sens du 4° des dispositions de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

11. Considérant en outre, que si M. B...soutient également que le préfet de police a entaché la décision contestée du 28 septembre 2015 d'une erreur manifeste d'appréciation, il n'établit pas qu'il était à la date de cette décision présent en France depuis plus de six mois, ni y être arrivé avec sa compagne et un enfant de 4 ans, non plus que la situation régulière de sa compagne en France ; que ce moyen doit donc être également écarté ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté contesté du 28 septembre 2015 ; que, par voie de conséquence, les conclusions de M. B... à fin d'injonction, et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1516331/3-2 du 31 mars 2016 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...B....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 17 janvier 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Hamon, présidente,

- M. Privesse, premier conseiller,

- M. Dellevedove, premier conseiller,

Lu en audience publique le 31 janvier 2017.

Le rapporteur,

J-C. PRIVESSE

Le président assesseur,

En application de l'article R. 222-26 du code

de justice administrative

P. HAMON

Le greffier,

S. GASPAR

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA01825


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA01825
Date de la décision : 31/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme HAMON
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PRIVESSE
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : KOENIG

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-01-31;16pa01825 ?
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