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26/01/2017 | FRANCE | N°16PA02466

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 26 janvier 2017, 16PA02466


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2014 du ministre de l'intérieur ordonnant son expulsion du territoire national, l'arrêté du 9 janvier 2014 du préfet de Meurthe-et-Moselle le plaçant en rétention administrative pour une durée de cinq jours au centre de rétention administrative de Lille Lesquin et l'arrêté du 14 mai 2014 du préfet de la Martinique l'assignant à résidence dans le département de la Martinique sur le territoire de la commune du Mo

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Par un jugement n° 1411119/7-3 du 1er octobre 2015, le Tribunal adm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2014 du ministre de l'intérieur ordonnant son expulsion du territoire national, l'arrêté du 9 janvier 2014 du préfet de Meurthe-et-Moselle le plaçant en rétention administrative pour une durée de cinq jours au centre de rétention administrative de Lille Lesquin et l'arrêté du 14 mai 2014 du préfet de la Martinique l'assignant à résidence dans le département de la Martinique sur le territoire de la commune du Morne Rouge.

Par un jugement n° 1411119/7-3 du 1er octobre 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2016, M. A..., représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1411119/7-3 du 1er octobre 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2014 du ministre de l'intérieur ;

3°) d'annuler l'arrêté du 14 mai 2014 du préfet de la Martinique ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son avocat, Me C..., sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision d'expulsion :

- elle est fondée sur une note blanche qui n'est pas datée ;

- elle repose sur des faits matériellement inexacts ;

- le ministre de l'intérieur n'apporte aucune motivation probante quant à la menace qu'il représenterait et l'urgence à l'éloigner du territoire français ;

- elle est contraire à la décision de la Cour européenne des droits de l'homme et méconnaît ainsi l'article 55 de la Constitution ;

- elle est entachée de défaut de motivation ;

En ce qui concerne la décision de placement en rétention administrative :

- elle est insuffisamment motivée en droit et en fait ;

- elle est entachée d'incompétence de son auteur ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

- le caractère non suspensif du recours contre la décision de placement en rétention administrative méconnaît le droit au recours, tel que garanti par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les dispositions de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 et les stipulations de l'article 5§4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'il ne présentait pas des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite ;

En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en l'assignant à résidence alors qu'il n'existe pas de perspective raisonnable d'éloignement ;

- la privation de liberté qu'elle entraîne est contraire à la Constitution, à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à toute déclaration universelle concernant les droits de l'homme ;

- la décision litigieuse constitue une rétention et méconnait l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les articles 15-1 et 15-4 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2017, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable au regard de l'article R. 411-1 du code de justice administrative faute de motivation suffisante ;

- les conclusions présentées contre la mesure d'expulsion sont irrecevables pour tardiveté ;

- les conclusions dirigées contre la décision de placement en rétention sont irrecevables et en outre sans objet ;

- les moyens présentés par le requérant ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée au préfet de la Martinique, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Par une décision du 27 mai 2016, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris a rejeté la demande d'aide juridictionnelle de M. B...A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Notarianni,

- et les conclusions de M. Blanc, rapporteur public.

1. Considérant que M. B...A..., ressortissant marocain né le 30 juin 1976, qui soutient être entré en France en octobre 2009, a fait l'objet d'un mandat d'arrêt international émis par le Maroc le 21 décembre 2009 pour des faits de " constitution de bande criminelle pour préparer et commettre des actes terroristes dans le cadre d'une entreprise collective visant à porter gravement atteinte à l'ordre public, incitation d'autrui à perpétrer des actes terroristes, prestation d'assistance à auteurs terroristes " ; qu'à la suite d'une demande d'extradition des autorités marocaines reçue le 15 janvier 2010, le Premier ministre a autorisé, par décret du 11 juillet 2011, son extradition vers le Maroc, après avis favorable de la chambre d'instruction près la Cour d'appel de Metz ; que, par une décision n° 352952 du 22 mai 2012, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a rejeté le recours pour excès de pouvoir formé par l'intéressé contre ce décret ; que parallèlement à la procédure d'extradition, M. A...a formé une demande d'asile rejetée successivement par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 9 juin 2010 et par la Cour nationale du droit d'asile le 21 avril 2011 ; que par un arrêt n° 25393/10 du 30 mai 2013, la Cour européenne des droits de l'homme a considéré que la mise à exécution de la mesure d'extradition risquait d'exposer le requérant à un risque de torture ou de traitements inhumains et dégradants contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le 9 janvier 2014, la chambre d'instruction de la Cour d'appel de Metz a fait droit à la demande de mise en liberté de M.A... ; que par arrêté du 8 janvier 2014, le ministre de l'intérieur a pris à son encontre un arrêté d'expulsion en urgence absolue ; que, par un arrêté du 9 janvier 2014, M. A...a été placé en rétention administrative au centre de rétention administrative de Lille Lesquin, avant d'être assigné à résidence, par arrêté du 12 janvier 2014, dans le département de la Vendée sur le territoire de l'Ile d'Yeu, puis, par arrêté du 14 mai 2014, dans le département de la Martinique sur le territoire de la commune du Morne Rouge ; que M. A...relève appel du jugement du 1er octobre 2015, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 janvier 2014 du ministre de l'intérieur ordonnant son expulsion du territoire national, de l'arrêté du 9 janvier 2014 du préfet de Meurthe-et-Moselle le plaçant en rétention administrative et de l'arrêté du 14 mai 2014 du préfet de la Martinique l'assignant à résidence dans le département de la Martinique sur le territoire de la commune du Morne Rouge ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que si M. A...soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé, il n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'arrêté d'expulsion et la décision de placement en rétention administrative :

3. Considérant que le Tribunal administratif de Paris a, par le jugement attaqué, rejeté pour irrecevabilité les conclusions de M. A...tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 janvier 2014 du ministre de l'intérieur ordonnant son expulsion, au motif que les moyens dirigés contre cet arrêté ont été soulevés par l'intéressé après l'expiration du délai de deux mois suivant l'enregistrement de sa demande ; que le Tribunal administratif de Paris a également rejeté comme irrecevables les conclusions du requérant à fin d'annulation de l'arrêté du 9 janvier 2014 du préfet de Meurthe-et-Moselle ordonnant son placement en rétention administrative, au motif que cet arrêté n'était plus en vigueur à la date à laquelle l'intéressé a introduit sa requête ;

4. Considérant que M. A...ne conteste pas l'irrecevabilité ainsi opposée par les premiers juges à ses conclusions dirigées contre ces deux décisions ; que, dans ces conditions, l'ensemble des moyens par lesquels il conteste la légalité de l'arrêté d'expulsion du 8 janvier 2014 et de la décision de placement en rétention administrative du 9 janvier 2014 ne peuvent qu'être écartés comme inopérants ; que, par suite, ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté d'expulsion du 8 janvier 2014 et, à supposer qu'il ait entendu maintenir en appel ses conclusions à fin d'annulation de cette deuxième décision, la décision de placement en rétention administrative du 9 janvier 2014, ne peuvent qu'être rejetées ;

En ce qui concerne l'arrêté du 14 mai 2014 du préfet de la Martinique l'assignant à résidence dans le département de la Martinique sur le territoire de la commune du Morne Rouge :

5. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté du 14 mai 2014 par lequel le préfet de la Martinique a astreint M. A...à résider dans la commune du Morne Rouge ne constitue pas une mesure de rétention dès lors qu'il assigne à résidence M. A...dans un lieu ouvert ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des articles 15-1 et 15-4 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, lesquels concernent uniquement le placement et le maintien en rétention administrative, est inopérant ;

6. Considérant en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable : " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence(...) La décision d'assignation à résidence est motivée. Elle peut être prise pour une durée maximale de six mois, et renouvelée une fois ou plus dans la même limite de durée, par une décision également motivée. (...) L'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. L'étranger qui fait l'objet d'un arrêté d'expulsion ou d'une interdiction judiciaire ou administrative du territoire prononcés en tout point du territoire de la République peut, quel que soit l'endroit où il se trouve, être astreint à résider dans des lieux choisis par l'autorité administrative dans l'ensemble du territoire de la République. L'autorité administrative peut prescrire à l'étranger la remise de son passeport ou de tout document justificatif de son identité dans les conditions prévues à l'article L. 611-2. Si l'étranger présente une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public, l'autorité administrative peut le faire conduire par les services de police ou de gendarmerie jusqu'aux lieux d'assignation" ;

7. Considérant que la décision d'assignation à résidence du 14 mai 2014, prise sur le fondement notamment de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qui vise l'arrêt n°25393/10 du 30 mai 2013, par lequel la Cour européenne des droits de l'homme a considéré que la mise à exécution de la mesure d'extradition initialement présentée par le Maroc risquait d'exposer le requérant à un risque de torture ou de traitements inhumains et dégradants contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'arrêté ministériel d'expulsion du 8 janvier 2014, est motivée par l'impossibilité pour l'intéressé de quitter immédiatement le territoire français ; que, si M. A... fait valoir au soutien de sa demande d'annulation de cette décision qu'il n'existait pas de perspective raisonnable d'éloignement vers le Maroc, par suite de l'intervention de l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme, la seule circonstance qu'il ne puisse être éloigné vers son pays d'origine n'excluait en tout état de cause pas l'existence d'une perspective raisonnable pour l'administration de l'éloigner vers tout autre Etat dans lequel il se révélerait légalement admissible et de l'assigner à résidence sur le territoire français dans cette attente sur le fondement des dispositions de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ; qu'à cet égard, le requérant, dont il ressort au demeurant de l'instruction qu'il avait fait valoir devant les autorités judiciaires avoir eu l'intention de déposer une demande d'asile auprès des autorités suédoises, ne soutient pas qu'il n'existerait aucune perspective raisonnable d'exécution de l'arrêté d'expulsion vers un autre Etat que le Maroc ; que, dans ces conditions, le moyen par lequel M. A...soutient que le préfet de la Martinique aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en l'assignant à résidence en Martinique ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant, par ailleurs, que le moyen tiré de ce que la mesure d'assignation à résidence dont fait l'objet M. A...le prive de sa liberté et est ainsi " contraire à la Constitution, à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à toute déclaration universelle concernant les droits de l'homme " n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier la portée et le bien-fondé ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur à la requête d'appel de M.A..., que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Martinique.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Dalle, président assesseur,

- Mme Notarianni, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 26 janvier 2017.

Le rapporteur,

L. NOTARIANNILe président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA02466


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA02466
Date de la décision : 26/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-02 Étrangers. Expulsion.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Laurence NOTARIANNI
Rapporteur public ?: M. BLANC
Avocat(s) : SCP NOIRJEAN GIRARD BOUDIBA GANTOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-01-26;16pa02466 ?
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