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26/01/2017 | FRANCE | N°15PA04354

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 26 janvier 2017, 15PA04354


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2004, 2005 et 2006 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1014392/1-3 du 27 avril 2012 le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 12PA02761 du 27 mars 2014, rectifié pour erreur matérielle par un arrêt n° 14PA02545 du 31 décembre 2014, la Cour

administrative d'appel de Paris, faisant partiellement droit à l'appel formé par M. D...cont...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2004, 2005 et 2006 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1014392/1-3 du 27 avril 2012 le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 12PA02761 du 27 mars 2014, rectifié pour erreur matérielle par un arrêt n° 14PA02545 du 31 décembre 2014, la Cour administrative d'appel de Paris, faisant partiellement droit à l'appel formé par M. D...contre ce jugement, a retranché 700 000 euros de la base d'imposition à l'impôt sur le revenu de M. D...au titre de l'année 2004, réduit en conséquence les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales au titre de l'année 2004 et rejeté le surplus de ses conclusions d'appel.

Par une décision n° 380817 du 25 novembre 2015, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, sur le pourvoi du ministre des finances et des comptes publics, annulé l'arrêt n° 12PA02761 du 27 mars 2014 de la Cour administrative d'appel de Paris en tant seulement " qu'il a statué sur l'imposition de l'indemnité de 700 000 euros perçue en 2004 par M. et MmeD... " et renvoyé dans cette mesure cette affaire devant la même Cour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 27 juin 2012, 28 janvier 2013 et 4 juillet 2013 et, après renvoi de l'affaire à la Cour, les 28 janvier 2016 et 21 avril 2016, M. D...représenté par Me B..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1014392/1-3 du 27 avril 2012 et de " confirmer l'arrêt de la Cour administrative d'appel du 27 mars 2014 " ;

2°) de " reconnaître le caractère non imposable la somme de 700 000 euros " et de prononcer la décharge des impositions supplémentaires correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

- en adressant au contribuable une proposition de rectification avant l'expiration du délai de soixante jours dont il disposait pour répondre à la demande de justifications qui lui avait été adressée en application des articles L. 10 et L. 16 du livre des procédures fiscales, l'administration a méconnu la garantie de procédure prévue à l'article L. 16 A du livre des procédures fiscales ; elle l'a effectivement privé de la possibilité de produire des justificatifs en temps utile dès lors que la proposition de rectification lui a été adressée avant réception de la partie des justificatifs reçue par l'administration le 22 décembre 2007 ; ce faisant, l'administration n'a pas respecté le caractère contradictoire de la procédure d'examen de situation fiscale personnelle ;

- le recours à la procédure prévue aux articles L. 10 et L. 16 du livre des procédures fiscales était irrégulier dès lors que l'administration avait déjà connaissance de la nature, de l'origine et du classement catégoriel du crédit bancaire de 700 000 euros ; il est à cet égard sans incidence que le contribuable n'ait pas fait l'objet d'une taxation d'office ;

- l'administration n'a pas respecté l'obligation d'information mise à sa charge par l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales dès lors qu'il résulte de la chronologie de la procédure qu'elle a obtenu par voie de communication auprès de tiers le protocole transactionnel fondant les rehaussements sans l'informer de l'origine de ces renseignements ; que ce n'est qu'au cours de la première instance que M. D...a été informé que le protocole avait été initialement obtenu auprès de son cocontractant alors que l'administration était tenue de l'en informer avant la mise en recouvrement des impositions ; la connaissance du document par le contribuable est sans incidence sur l'obligation d'information prévue à l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ; ce faisant, l'administration a en outre méconnu la doctrine administrative 13 L. 6-06 n° 8 du 21 septembre 2006 qui pose la même règle ;

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

- contrairement à ce qu'a jugé le Conseil d'Etat dans sa décision du 25 novembre 2015, la promesse de vente signée le 8 juillet 2004 avait un caractère synallagmatique et non unilatéral ; par ailleurs, l'indemnité litigieuse de 700 000 euros ne rémunérait pas un service rendu au cocontractant du contribuable mais avait pour objet la réparation des préjudices subis par ce dernier en contrepartie de sa renonciation à son droit d'agir en justice pour obtenir l'exécution forcée de la vente, les frais qu'il a supportés et la perte de chance de céder les parts à un tiers ; cette indemnité n'avait dès lors pas la nature d'un bénéfice imposable sur le fondement du 1 de l'article 92 du code général des impôts ; cette somme ne compense aucune perte de revenus, la promesse de vente ayant porté sur des biens privés et non sur un actif professionnel ; il ressort de la jurisprudence communautaire et nationale en matière de taxe sur la valeur ajoutée, transposable à l'impôt sur le revenu en raison de l'identité des critères, qu'une telle indemnité ne rémunère pas une prestation de service et n'est dès lors pas imposable ; la même règle résulte de la doctrine administrative résultant de la décision de rescrit du 10 avril 2012 n° 2012/26 TCA en matière de taxe sur la valeur ajoutée qui est transposable ; à titre subsidiaire, il s'agissait d'une promesse synallagmatique avec faculté de dédit or le dédit ou l'indemnité versée à un particulier agissant à titre privé en dehors de tout cadre professionnel générateur de revenus n'est pas imposable ;

- l'imposition de l'indemnité litigieuse sur le fondement de l'article 92 du code général des impôts est contraire à la doctrine fiscale 5 G 1144 n° 2 selon laquelle cet article implique une source de profit pérenne ;

- en tout état de cause, la qualification de synallagmatique ou unilatérale de la promesse de cession est sans incidence sur le caractère imposable de l'indemnité dès lors qu'elle a été perçue en application du protocole transactionnel du 20 décembre 2004 et non de la promesse de vente du 8 juillet 2004 et que cette transaction emportait novation des obligations contractées dans le cadre de la promesse par changement d'objet ;

- à titre très subsidiaire, le différentiel de 100 000 euros avec l'indemnité prévue dans la promesse de vente n'est pas imposable car il n'a été perçu qu'en application du protocole transactionnel du 22 décembre 2004 à titre de dommages et intérêts.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 6 décembre 2012, le 22 mai 2013 et le 6 avril 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête et à ce que la Cour rétablisse les impositions dont la décharge a été prononcée par l'arrêt n° 12PA02761 du 27 mars 2014.

Il soutient que :

- un dégrèvement de 471 953 euros a été prononcé le 4 juillet 2014 en exécution de l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 27 mars 2014 ;

- les moyens soulevés par M. D...ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office pris de l'autorité de la chose jugée de la décision du 25 novembre 2015 du Conseil d'Etat.

Par un mémoire, enregistré le 4 janvier 2017, M. D...a présenté des observations en réponse à la communication de ce moyen.

Un mémoire présenté pour le ministre de l'économie et des finances a été enregistré le 10 janvier 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Notarianni,

- les conclusions de M.C...,

- et les observations de Me B...pour M.D....

1. Considérant que par acte du 8 juillet 2004, M. et Mme A...D...et leurs enfants ont conclu avec la société Saint-Christophe une promesse de vente portant sur des parts dont ils étaient propriétaires dans trois sociétés civiles immobilières ; que cette promesse prévoyait qu'une " indemnité compensatrice forfaitaire et irréductible " d'un montant de 600 000 euros serait versée par la société Saint-Christophe aux consorts D...au cas où cette société renoncerait à l'acquisition ; que la société Saint-Christophe, après avoir renoncé à l'acquisition, a versé aux consortsD..., en vertu d'un protocole transactionnel du 20 décembre 2004, une somme de 700 000 euros en réparation " du préjudice certain, réellement subi par les consorts D..." ; que M. D...et Mme D...n'ont pas déclaré cette somme dans leurs revenus imposables de l'année 2004 ; que, lors de l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle ayant porté sur les années 2004 à 2006, l'administration a notamment estimé que cette somme avait la nature d'une indemnité d'immobilisation imposable à l'impôt sur le revenu sur le fondement de l'article 92 du code général des impôts ; qu'elle a par ailleurs rehaussé les revenus fonciers qu'ils avaient déclarés au titre des années 2004 à 2006 ; que M. D...a relevé appel du jugement du 27 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été en conséquence assujetti au titre des années 2004 à 2006 ; que, par un arrêt du 27 mars 2014, rectifié par un arrêt du 31 décembre 2014, la Cour, faisant partiellement droit à l'appel de M.D..., a prononcé la décharge des cotisations résultant de l'imposition dans la catégorie des bénéfices non commerciaux de l'indemnité d'un montant de 700 000 euros que lui avait versée en 2004 la société Saint-Christophe et a rejeté le surplus de ses conclusions ;

2. Considérant que, saisi d'un pourvoi partiel par le ministre des finances et des comptes publics et d'un pourvoi incident partiel par M.D..., le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, par une décision du 25 novembre 2015, d'une part, rejeté le pourvoi incident de M. D... et, d'autre part, fait droit au pourvoi du ministre en annulant l'arrêt du 27 mars 2014 en tant qu'il avait statué sur l'imposition de l'indemnité de 700 000 euros perçue en 2004 par M. et Mme D...puis en renvoyant dans cette seule mesure l'affaire à la Cour ; que, dans ces conditions, la Cour n'est saisie de la requête par laquelle M. D...demandait l'annulation du jugement du 27 avril 2012 du Tribunal administratif de Paris et la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et pénalités mis à sa charge au titre des années 2004 à 2006 qu'en ce qui concerne les compléments d'imposition et pénalités mis à sa charge au titre de l'année 2004 à raison de l'imposition de la somme de 700 000 euros versée en 2004 par la société Saint-Christophe ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. (...) A cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 16 du même livre : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. Elle peut, en outre, lui demander des justifications au sujet de sa situation et de ses charges de famille, des charges retranchées du revenu net global ou ouvrant droit à une réduction d'impôt sur le revenu en application des articles 156 et 199 septies du code général des impôts, ainsi que des avoirs ou revenus d'avoirs à l'étranger (...) " ; qu'aux termes enfin de l'article L. 16 A du livre des procédures fiscales : " Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite " ;

4. Considérant, d'une part, que si l'administration fiscale doit attendre l'expiration d'un délai de deux mois lorsqu'elle souhaite mettre en oeuvre la procédure de taxation d'office, elle n'est pas tenue d'attendre l'expiration de ce délai dès lors qu'elle se borne à mettre en oeuvre la procédure de redressement contradictoire permettant au contribuable d'engager un dialogue et de présenter ses observations ; qu'en l'espèce, les rehaussements en litige ne sont pas fondés sur l'absence de justification du crédit bancaire de 700 000 euros mais sur la nature et le classement catégoriel de ce crédit résultant du protocole transactionnel produit par le contribuable ; qu'enfin, et en tout état de cause, les justificatifs complémentaires qu'il a adressés à l'administration postérieurement à l'envoi de la proposition de rectification et antérieurement à la fin du délai de réponse ne concernaient pas le crédit bancaire de 700 000 euros ;

5. Considérant, d'autre part, que si l'administration commet un détournement de procédure lorsqu'elle utilise la procédure de demande de justification à peine de taxation d'office pour redresser des revenus dont elle n'ignore, à la date de sa demande, ni la nature ni par suite, le classement catégoriel, il ne résulte pas de l'instruction, et en particulier du fait que la proposition de rectification a été établie et adressée au requérant le jour même de la réception par le service vérificateur de la réponse du contribuable par laquelle il a produit les éléments sur lesquels l'administration s'est fondée pour imposer l'indemnité litigieuse, que l'administration connaissait à la date de la demande de justifications la nature et le classement catégoriel du crédit bancaire de 700 000 euros ;

6. Considérant, enfin, que si le requérant soutient que l'administration n'aurait pas respecté le caractère contradictoire de la procédure d'examen de la situation fiscale personnelle, il n'assortit ce moyen d'aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le Tribunal administratif de Paris et écartée à bon droit par celui-ci ; qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, de rejeter ce moyen ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande " ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration avait, avant de lui adresser la proposition de rectification du 21 décembre 2004, effectivement reçu de M. D... le protocole transactionnel sur l'analyse duquel elle s'est fondée pour établir l'imposition de la somme de 700 000 euros en litige, sans qu'il importe à cet égard que ce soit le jour même ; que, dans ces conditions, l'imposition doit être regardée pour l'application de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales comme fondée sur le document produit par le requérant ; qu'à cet égard, le fait que, comme le soutient le requérant, l'administration aurait antérieurement obtenu communication auprès d'un tiers du même document, à le supposer même établi, est sans incidence ;

En ce qui concerne le bénéfice de la doctrine fiscale :

9. Considérant que le requérant ne peut utilement se prévaloir des termes de la doctrine de l'administration fiscale contenue dans l'instruction fiscale 13 L. 6-06 n° 8 du 21 septembre 2006 qu'il invoque qui, étant relative à la procédure d'imposition, ne peut être regardée comme comportant une interprétation de la loi fiscale opposable à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne l'étendue de l'autorité de la chose jugée par le Conseil d'Etat :

10. Considérant que, par sa décision du 25 novembre 2015, le Conseil d'Etat a jugé que la Cour avait dénaturé les faits en jugeant que la convention du 8 juillet 2004 avait la nature d'une promesse synallagmatique de vente et qu'elle avait par suite inexactement qualifié l'indemnité d'immobilisation reçue par M. et Mme D...en jugeant qu'elle ne faisait qu'indemniser le vendeur du préjudice subi alors que cette indemnité rémunérait au moins à hauteur de 600 000 euros le service rendu par M. et Mme D...à la société Saint-Christophe en immobilisant les parts sociales et lui en réservant la possibilité de les acquérir et était à ce titre imposable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux et a en conséquence annulé l'arrêt du 27 mars 2014 en tant qu'il avait statué sur l'imposition de l'indemnité de 700 000 euros perçue en 2004 par M. et Mme D...; que la juridiction saisie sur renvoi après cassation par le Conseil d'Etat est tenue par l'autorité de chose jugée découlant de la décision rendue en cassation ; qu'à cet égard, si elle retrouve sa plénitude de juridiction et peut modifier les appréciations qu'elle avait précédemment portées, en se prononçant sur un moyen que le juge de cassation n'a pas eu à examiner, ou au vu des pièces et moyens nouveaux que les parties peuvent lui présenter au soutien de leurs conclusions, elle est en revanche tenue de se conformer à la décision prise par le juge de cassation sur des questions de droit, lesquelles sont définitivement résolues dans le litige qui se poursuit devant elle ; qu'il s'ensuit que les divers moyens soulevés devant la Cour postérieurement à la décision du juge de cassation et par lesquels le requérant conteste le bien-fondé de la décision du Conseil d'Etat sur les points de droit définitivement tranchés par la décision du 25 novembre 2015 et demande à la Cour de confirmer l'arrêt censuré ne peuvent qu'être écartés comme méconnaissant l'autorité de chose jugée de la décision du juge de cassation ;

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

11. Considérant, d'une part, qu'aux termes du 1 de l'article 92 du code général des impôts : " Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus... " ;

En ce qui concerne la somme de 600 000 euros :

12. Considérant que par la décision susmentionnée du 25 novembre 2015, le Conseil d'Etat a jugé, après analyse des stipulations contractuelles de la promesse signée le 8 décembre 2004 qu'" en relevant que la convention du 8 juillet 2004 constitue une promesse synallagmatique de vente, alors qu'il résulte clairement de ses stipulations, en dépit de l'intitulé de " promesse synallagmatique " que lui ont donné les parties, qu'elle ne peut s'analyser que comme une promesse unilatérale de vente, la cour en a dénaturé les termes " et que la Cour " a, par suite, inexactement qualifié l'indemnité d'immobilisation reçue par M. et Mme D...en jugeant qu'elle ne faisait qu'indemniser le vendeur du préjudice subi du fait de la renonciation par le bénéficiaire de la promesse à acquérir le bien en cause, alors que cette indemnité, qui rémunère au moins à hauteur de 600 000 euros le service rendu par M. et Mme D...à la société Saint-Christophe en immobilisant les parts sociales et lui en réservant la possibilité de les acquérir, est, à ce titre et pour ce montant, imposable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux " ;

13. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 10 les moyens soulevés par M. D...par lesquels il persiste après la décision du juge de cassation à contester le caractère synallagmatique de la promesse de vente et, à hauteur de la somme de 600 000 euros, les moyens tirés de l'application de la loi fiscale pour contester la nature d'indemnité d'immobilisation imposable à l'impôt sur le revenu sur le fondement du 1 de l'article 92 du code général des impôts de l'indemnité litigieuse méconnaissent l'autorité de la chose jugée par la décision du juge de cassation du 25 novembre 2015 ; qu'il en est de même du moyen par lequel il soutient que l'indemnité versée par le protocole transactionnel aurait eu un objet distinct de celui de la promesse de vente à laquelle ce protocole se serait substitué par novation, dès lors que le Conseil d'Etat a examiné ce moyen, qui lui avait été soumis par M.D..., et l'a implicitement écarté en relevant que la somme de 700 000 euros versée en exécution du protocole transactionnel rémunérait au moins à hauteur de 600 000 euros le service rendu par M. et Mme D...à la société Saint-Christophe par la promesse unilatérale de vente ;

En ce qui concerne la somme de 100 000 euros :

14. Considérant que M. D...soutient, à titre subsidiaire, que la différence de 100 000 euros entre l'indemnité prévue par la promesse de vente du 8 juillet et la somme de 700 000 euros versée aux consorts D...par la société Saint-Christophe en exécution du protocole transactionnel du 20 décembre 2004 correspondrait à une indemnité distincte de l'indemnité d'immobilisation prévue par la promesse de vente et qui aurait eu pour objet d'indemniser les consorts D...des divers préjudices résultant pour eux de la renonciation à leur droit d'agir en justice aux fins d'obtenir la réalisation forcée de la vente des parts objet de la promesse de vente ;

15. Considérant, toutefois, d'une part, que si le protocole transactionnel du 20 décembre 2004 précise qu'" en vue d'éviter une réalisation forcée de la cession, les parties se sont rapprochées et la société Saint-Christophe verse ce jour à M. D...qui accepte la somme forfaitaire, transactionnelle et définitive de sept cent mille euros (700 000 euros) [...] à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice certain, réellement subi par les consortsD... ", le même protocole rappelle au préalable expressément que la société Saint-Christophe avait accepté la promesse de vente " sans toutefois prendre l'engagement d'acquérir, ayant toujours la possibilité de se délier de cet engagement en abandonnant l'indemnité d'immobilisation versée par elle [...] " ; qu'il ressort ainsi de l'instruction que la société Saint-Christophe a accepté de verser une indemnité supérieure à celle initialement prévue par la promesse unilatérale de vente pour échapper aux menaces de poursuites en vue d'une cession forcée émises par les consorts D...alors qu'il ressort des termes exprès du protocole transactionnel que cette société n'avait pris aucun engagement d'acquérir le bien mais seulement d'abandonner l'indemnité d'immobilisation qu'elle avait versée au cas où elle ne l'acquerrait pas ; que, dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'indemnité transactionnelle complémentaire de 100 000 euros aurait été versée aux fins d'indemniser les consorts D...d'un préjudice résultant de la renonciation de leur droit à poursuivre la vente forcée ;

16. Considérant, d'autre part, que les requérants ne se prévalent d'aucun autre préjudice imputable au comportement de la société Saint-Christophe ; que, notamment, il ne résulte pas de l'instruction et particulièrement des termes du protocole, et il n'est au demeurant pas soutenu, que la société Saint-Christophe aurait refusé de payer l'indemnité d'immobilisation convenue dans la promesse ; qu'il résulte au contraire des termes mêmes de la promesse de vente qu'à la date de la conclusion de cette promesse, la société avait déposé la somme de 600 000 euros en un billet à ordre auprès d'un séquestre amiable désigné par les parties pour garantir le paiement de l'indemnité et des termes du protocole transactionnel que l'indemnité avait été " versée " par la société ; qu'en outre, le protocole transactionnel a été conclu dès le 20 décembre 2004, antérieurement à l'expiration du délai fixée par la promesse pour la réalisation de la vente ;

17. Considérant que, dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que la somme supplémentaire de 100 000 euros en cause aurait été versée par la société Saint-Christophe aux fins d'indemniser les consorts D...d'un quelconque préjudice ni qu'elle aurait eu un objet et une nature distincts de ceux de la part de cette indemnité correspondant au montant de l'indemnité d'immobilisation initiale de 600 000 euros que la société Saint-Christophe s'était engagée à abandonner aux promettants aux fins de se délier de ses engagements résultant de la promesse de vente dans l'hypothèse où elle renoncerait à acquérir les parts sociales ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce que précède que l'indemnité de 700 000 euros versée à M. et Mme D...en exécution du protocole transactionnel du 20 décembre était en totalité imposable à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux sur le fondement du 1 de l'article 92 du code général des impôts ;

S'agissant du bénéfice de la doctrine :

19. Considérant, d'une part, que si les dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales instituent une garantie contre les changements de doctrine de l'administration, qui permet aux contribuables d'opposer à cette dernière les énonciations contenues dans les notes ou instructions publiées qui ajoutent à la loi ou la contredisent, c'est à la condition que les intéressés entrent dans les prévisions de la doctrine, appliquée littéralement, résultant de l'ensemble des énonciations de cette doctrine ; que le requérant ne peut en tout état de cause utilement se prévaloir de la doctrine administrative résultant de la décision de rescrit du 10 avril 2012 n° 2012/26 TCA qui est intervenue en matière de taxe sur la valeur ajoutée, au surplus postérieurement à l'expiration du délai de déclaration des revenus imposables de l'année 2004 ;

20. Considérant, d'autre part, que le requérant n'est pas fondé à se prévaloir de la doctrine fiscale 5 G 1144 n° 2 selon laquelle les revenus non dénommés pouvant être imposés sur le fondement du 1 de l'article 92 du code général des impôts sont ceux dont " la source de ces profits ou revenus [est] susceptible de renouvellement ", dès lors que, la vente n'ayant pas eu lieu, le profit résultant de l'encaissement d'une indemnité d'immobilisation identique ne peut être regardé comme non susceptible de se renouveler ;

21. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

22. Considérant, enfin, que dès lors que l'arrêt initial de la Cour n° 12PA02761 du 27 mars 2014 a été cassé par le Conseil d'Etat, les impositions dont cet arrêt avait prononcé la décharge doivent être regardées comme n'ayant jamais cessé d'être à la charge de M. et MmeD... ; que, dans ces conditions, à supposer même que le ministre ait entendu saisir la Cour de conclusions reconventionnelles en ce qu'il demande que les compléments d'imposition et les pénalités dont l'arrêt de la Cour avait initialement prononcé la décharge soit remis à la charge de M. et MmeD..., de telles conclusions seraient sans objet ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et au ministre de l'économie et des finances.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division du contentieux est).

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Dalle, président assesseur,

- Mme Notarianni, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 26 janvier 2017.

Le rapporteur,

L. NOTARIANNI

Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA04354


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA04354
Date de la décision : 26/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-05-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices non commerciaux. Personnes, profits, activités imposables.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Laurence NOTARIANNI
Rapporteur public ?: M. BLANC
Avocat(s) : STEHLIN ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 07/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-01-26;15pa04354 ?
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