Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...A...D...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler les décisions implicites des 24 septembre et 15 décembre 2014 ainsi que celles des 24 mars et 5 juillet 2015 par lesquelles le préfet du Val-de-Marne a refusé d'enregistrer sa demande de titre de séjour et de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 1410973/2 du 10 mars 2016, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistre le 12 avril 2016, Mme A...D..., représentée par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1410973/2 du 10 mars 2016 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite du préfet du Val-de-Marne du 5 juillet 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges n'ont pas bien répondu au moyen fondé sur l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ont soulevé un moyen d'office sans en avoir préalablement informé les parties, en méconnaissance de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;
- le préfet du Val-de-Marne a commis une erreur manifeste d'appréciation et a méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle justifie de motifs exceptionnels ;
- il a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il a méconnu les stipulations des articles 2 et 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale signée à New York le 26 janvier 1990, relative aux droits de l'enfant, publiée par décret du 8 octobre 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Par une décision du 12 mai 2016, le président de la chambre a décidé qu'il n'y avait pas lieu à instruction, en application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Mme Appèche a présenté son rapport au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme A...D..., née le 1er août 1966 au Brésil, pays dont elle a la nationalité, est entrée en France le 29 juillet 2013 ; qu'elle a fait l'objet, le même jour, d'une arrestation par les services douaniers pour importation de stupéfiants ; qu'après qu'elle eut été placée en détention provisoire le 2 août 2013, le Tribunal de grande instance de Bobigny a, par une ordonnance du 29 juillet 2014, refusé de prolonger sa détention et l'a placée sous contrôle judiciaire à compter du 2 août 2014 ; que, par courrier notifié au préfet du Val-de-Marne le 5 mars 2014, l'intéressée a sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; que, suite au silence gardé par l'autorité préfectorale est née une décision implicite de rejet le 5 juillet 2014 ; que Mme A...D...relève régulièrement appel du jugement
n° 1410973/2 du 10 mars 2016 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande dirigée contre cette décision ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant, d'une part, que contrairement à ce que soutient la requérante, les premiers juges ont bien répondu aux moyens qu'elle invoquait devant eux et notamment à celui fondé sur l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ainsi, si Mme A...D...a entendu soutenir, dans sa requête d'appel, que le jugement attaqué est irrégulier car entaché d'une omission à statuer, un tel moyen doit être écarté comme non fondé ; que d'autre part, si les premiers juges ont relevé, pour apprécier le bien-fondé de ce moyen, que l'ainée des enfants de Mme A...D...était majeure et qu'il n'était pas établi que ces derniers aient été obligés de rejoindre leur mère en France en raison de son placement sous contrôle judiciaire, ils n'ont, ce faisant pas statué sur un moyen qu'ils auraient soulevé d'office ; que par suite, Mme A...D...n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier ;
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A...D..., qui est entrée seule sur le territoire français le 29 juillet 2013 à l'âge de quarante-six ans, et est célibataire, se prévaut de ce que sa fille, née le 7 novembre 1997, n'était pas tout à fait majeure le 5 juillet 2015, date de la décision préfectorale contestée et de ce qu'elle a la garde exclusive de ses deux enfants ; que, toutefois, Mme A...D...a été interpellée par les services douaniers dès son entrée en France en possession de produits stupéfiants et fait l'objet de poursuites pénales pour ce motif ; que l'autorisation provisoire de séjour dont elle a bénéficié, valable du 24 mars au 23 juin 2015, ne lui a été délivrée qu'afin de lui permettre de se maintenir sur le territoire français le temps de la procédure judiciaire dont elle a fait l'objet ; qu'eu égard à l'ensemble de la situation de Mme A...D..., et notamment au motif et aux conditions de son séjour en France et alors même qu'elle fait l'objet d'un placement sous contrôle judiciaire, l'atteinte portée par la décision contestée à son droit au respect de sa vie privée et familiale n'est pas disproportionnée par rapport aux buts poursuivis par l'auteur de cette décision ; que, par suite, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
5. Considérant que, si Mme A...D...soutient que la décision, par laquelle le préfet du Val-de-Marne a implicitement rejeté sa demande d'admission au séjour, méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, un tel moyen est, en tout état de cause, inopérant à l'encontre d'une décision de refus d'admission au séjour qui, par elle-même, n'implique pas le retour de l'intéressée dans son pays d'origine ; que la circonstance que le refus de titre de séjour priverait la requérante de la possibilité de travailler et de subvenir aux besoins de ses enfants, ne saurait suffire à constituer un traitement inhumain et dégradant infligé à Mme A...D...par l'autorité administrative en violation de ces stipulations ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Les Etats parties s'engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la présente Convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans distinction aucune, indépendamment de toute considération de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou autre de l'enfant ou de ses parents ou représentants légaux, de leur origine nationale, ethnique ou sociale, de leur situation de fortune, de leur incapacité, de leur naissance ou de toute autre situation ; 2. Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour que l'enfant soit effectivement protégé contre toutes formes de discrimination ou de sanction motivées par la situation juridique, les activités, les opinions déclarées ou les convictions de ses parents, de ses représentants légaux ou des membres de sa famille. " ; que ces stipulations, qui créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés, ne peuvent être utilement être invoquées par Mme A...D... ;
7. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu' elles soient le fait d'institutions politiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ; que la circonstance que le refus de tire de séjour priverait la requérante de la possibilité de travailler et de subvenir aux besoins de ses enfants, ne saurait davantage suffire à démontrer, eu égard aux conditions de l'entrée et du séjour de la requérante en France que l'autorité administrative aurait méconnu les stipulations susénoncées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations ne peut qu'être écarté ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article
L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 " ; que, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ;
9. Considérant que, si Mme A...D...se prévaut de son placement sous contrôle judiciaire et de l'obligation qui lui incombe de se maintenir sur le territoire français, ces circonstances ne peuvent être regardées comme constituant des motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires au sens de l'article L. 313-14 précité de nature à faire regarder, comme entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, le refus du préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de cet article ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant à l'annulation du jugement et de l'arrêté attaqués doivent, dès lors, être rejetées ; que, par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter également ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...D....
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 14 décembre 2016, à laquelle siégeaient :
Mme Brotons, président de chambre,
Mme Appèche, président assesseur,
M. Magnard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 30 décembre 2016.
Le rapporteur,
S. APPECHELe président,
I. BROTONS
Le greffier,
P. LIMMOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA01260