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30/12/2016 | FRANCE | N°15PA00267

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 30 décembre 2016, 15PA00267


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la lettre du 13 juillet 2010 par laquelle le président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a refusé de lui communiquer les informations le concernant figurant dans le traitement automatisé de données de la direction centrale du renseignement intérieur, ainsi que la décision implicite du ministre de l'intérieur s'opposant à sa demande que la décision du président de la CNIL révèle. Il a également demandé

au tribunal d'enjoindre au ministre de l'intérieur, sous astreinte de 1 000 e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la lettre du 13 juillet 2010 par laquelle le président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a refusé de lui communiquer les informations le concernant figurant dans le traitement automatisé de données de la direction centrale du renseignement intérieur, ainsi que la décision implicite du ministre de l'intérieur s'opposant à sa demande que la décision du président de la CNIL révèle. Il a également demandé au tribunal d'enjoindre au ministre de l'intérieur, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, de l'autoriser à obtenir la communication, l'accès et la rectification des informations contenues le concernant dans le fichier en cause.

Par un jugement n° 1411658/6-1 du 21 novembre 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 janvier 2015 et 11 février 2016, M.B..., représenté par Me Guemiah, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1411658/6-1 du Tribunal administratif de Paris du 21 novembre 2014 ;

2°) d'annuler la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant sa demande tendant à obtenir la communication, l'accès et la rectification des informations le concernant contenues dans le fichier de renseignements du ministère de l'intérieur ;

3°) d'annuler la lettre du président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés en date du 13 juillet 2010 lui indiquant que les vérifications portant sur le fichier de renseignements du ministère de l'intérieur ont été effectuées et ne permettent pas de lui apporter de plus amples informations ;

4°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, de l'autoriser à obtenir la communication, l'accès et la rectification des informations le concernant contenues dans le fichier en cause ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 15 250 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- les auteurs des décisions contestées n'étaient pas compétents pour les signer ;

- les décisions contestées, en particulier, celle de la CNIL, chargée de procéder aux vérifications portant sur les fichiers, ne sont pas motivées ;

- aucune des décisions contestées n'a été prise contradictoirement ;

- le refus opposé à sa demande de communication, d'accès et de rectification des informations contenues dans le fichier de renseignements du ministère de l'intérieur a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978 ; il n'est pas établi que la communication des informations le concernant contenues dans ce fichier serait de nature à porter atteinte à la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique ;

- les mentions figurant dans ce fichier, auxquelles il demande à avoir accès et dont il demande la rectification, ont un caractère discriminatoire, le privent de la possibilité de postuler à des emplois publics ou privés et lui causent un préjudice de carrière ;

- la décision litigieuse est entachée d'une erreur de fait, dès lors qu'elle repose sur des motifs hypothétiques, procédant d'une pure spéculation, fondée sur les croyances religieuses du requérant, alors que son casier judiciaire est vierge ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il a d'ores et déjà été soumis à des enquêtes et des contrôles de police entre 1998 et 2006 et qu'il ne constitue pas une menace pour la sûreté de l'Etat, ni pour la sécurité aéroportuaire ;

- les conséquences de la mesure contestée sur sa situation personnelle sont excessives, dès lors qu'il est seul en mesure de pourvoir aux besoins de sa famille et qu'il est privé de la possibilité de travailler.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2015, le président de la CNIL conclut au rejet de la requête de M.B....

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête de M.B....

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.

Par un arrêt avant dire droit du 31 mars 2016, la Cour a rejeté les conclusions de la requête de M. B...relatives à la lettre du 13 juillet 2010 du président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et ordonné un supplément d'instruction non contradictoire tendant à la production par le ministre de l'intérieur de tous éléments utiles à la solution du litige et relatifs aux informations concernant M. B...inscrites, à la date de la décision attaquée, dans le fichier de la direction centrale du renseignement intérieur.

Par ordonnance du 30 août 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 septembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- le décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stoltz-Valette,

- les conclusions de M. Blanc, rapporteur public,

- et les observations de Me Guemiah, avocat de M. B...et de M. A..., pour le ministre de l'intérieur.

Une note en délibéré, enregistrée le 15 décembre 2016, a été présentée par le ministre de l'intérieur.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

1. Considérant qu'aux termes de l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés : " Par dérogation aux articles 39 et 40, lorsqu'un traitement intéresse la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique, le droit d'accès s'exerce dans les conditions prévues par le présent article pour l'ensemble des informations qu'il contient. / La demande est adressée à la commission qui désigne l'un de ses membres appartenant ou ayant appartenu au Conseil d'Etat, à la Cour de cassation ou à la Cour des comptes pour mener les investigations utiles et faire procéder aux modifications nécessaires. Celui-ci peut se faire assister d'un agent de la commission. Il est notifié au requérant qu'il a été procédé aux vérifications. / Lorsque la commission constate, en accord avec le responsable du traitement, que la communication des données qui y sont contenues ne met pas en cause ses finalités, la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique, ces données peuvent être communiquées au requérant (...) " ; qu'aux termes de l'article 88 du décret du 20 octobre 2005 pris pour l'application de cette loi : " Aux termes de ses investigations, la commission constate, en accord avec le responsable du traitement, celles des informations susceptibles d'être communiquées au demandeur dès lors que leur communication ne met pas en cause les finalités du traitement, la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique. Elle transmet au demandeur ces informations (...) / Lorsque le responsable du traitement s'oppose à la communication au demandeur de tout ou partie des informations le concernant, la commission l'informe qu'il a été procédé aux vérifications nécessaires. / La commission peut constater, en accord avec le responsable du traitement, que les informations concernant le demandeur doivent être rectifiées ou supprimées et qu'il y a lieu de l'en informer. En cas d'opposition du responsable du traitement, la commission se borne à informer le demandeur qu'il a été procédé aux vérifications nécessaires. / Lorsque le traitement ne contient aucune information concernant le demandeur, la commission informe celui-ci, avec l'accord du responsable du traitement. / En cas d'opposition du responsable du traitement, la commission se borne à informer le demandeur qu'il a été procédé aux vérifications nécessaires. / La réponse de la commission mentionne les voies et délais de recours ouverts au demandeur " ;

2. Considérant qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de conclusions dirigées contre le refus de communiquer les données relatives à une personne qui allègue être mentionnée dans un fichier intéressant la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique, de vérifier, au vu des éléments qui lui ont été communiqués hors la procédure contradictoire et dans la limite des secrets qui lui sont opposables, si le requérant figure ou non dans le fichier litigieux ; que, dans l'affirmative, il lui appartient d'apprécier si les données y figurant sont pertinentes au regard des finalités poursuivies par ce fichier, adéquates et proportionnées ; que lorsqu'il apparaît soit que le requérant n'est pas mentionné dans le fichier litigieux, soit que les données à caractère personnel le concernant qui y figurent ne sont entachées d'aucune illégalité, le juge rejette les conclusions du requérant sans autre précision ; que dans le cas où des informations relatives au requérant figurent dans le fichier litigieux et apparaissent entachées d'illégalité soit que les données à caractère personnel soient inexactes, incomplètes ou périmées, soit que leur collecte, leur utilisation, leur communication ou leur conservation soit interdite, cette circonstance, le cas échéant relevée d'office par le juge, implique nécessairement que l'autorité gestionnaire du fichier rétablisse la légalité en effaçant ou en rectifiant, dans la mesure du nécessaire, les données litigieuses ; qu'il s'ensuit, dans pareil cas, que doit être annulée la décision implicite refusant de procéder à un tel effacement ou à une telle rectification ;

3. Considérant que, par son arrêt avant dire droit du 31 mars 2016, la Cour a ordonné au ministre de l'intérieur de lui communiquer, dans un délai d'un mois, tous éléments relatifs aux informations concernant M. B...contenues dans le fichier de la direction centrale du renseignement intérieur ; qu'il est constant qu'en réponse à cet arrêt avant dire droit le ministre n'a produit avant la clôture de l'instruction aucun élément relatif aux informations concernant M. B... contenues dans ce fichier et qu'il n'invoque aucune circonstance justifiant qu'il n'aurait pas été en mesure de le faire ; que la seule communication au cours de l'instruction, avant l'arrêt avant dire droit, d'une notice succincte établie par l'unité de coordination de lutte antiterroriste (UCLAT) concernant M. B...n'est de nature à justifier ni le refus qui lui a été opposé de lui communiquer les informations le concernant, éventuellement contenues dans le fichier de renseignements dont le ministre de l'intérieur a la responsabilité, ni que les données figurant dans le fichier de la direction centrale du renseignement intérieur sont pertinentes au regard des finalités poursuivies par ce fichier ; que, dans ces conditions, M. B...est fondé à soutenir que le ministre de l'intérieur, en refusant de faire droit à sa demande relative aux informations le concernant figurant au fichier de la direction centrale du renseignement intérieur, a méconnu les dispositions de l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978 et de l'article 88 du décret du 20 octobre 2005 pris pour l'application de cette loi ; que le requérant est fondé à demander l'annulation de la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant sa demande tendant à obtenir la communication, l'accès et la rectification des informations le concernant contenues dans ce fichier ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris n'a pas fait droit à ses conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant sa demande tendant à obtenir la communication, l'accès et la rectification des informations le concernant contenues dans le fichier de renseignements du ministère de l'intérieur ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Considérant que, compte tenu du motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique nécessairement que soient supprimées du fichier de la direction centrale du renseignement intérieur les informations concernant M. B... ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au ministre de procéder à cette suppression dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1411658/6-1 du 21 novembre 2014 du Tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. B...tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur.

Article 2 : La décision par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de communiquer à M. B...les informations le concernant et figurant dans le fichier de la direction centrale du renseignement intérieur est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de supprimer les informations concernant M. B... et figurant dans le fichier de la direction centrale du renseignement intérieur dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. B...la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au ministre de l'intérieur et à la commission nationale de l'informatique et des libertés.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Dalle, président assesseur,

- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 30 décembre 2016.

Le rapporteur,

A. STOLTZ-VALETTELe président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA00267


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA00267
Date de la décision : 30/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-07-05-02-05 Droits civils et individuels.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Philippe BLANC
Rapporteur public ?: M. BLANC
Avocat(s) : GUEMIAH

Origine de la décision
Date de l'import : 17/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-12-30;15pa00267 ?
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