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16/12/2016 | FRANCE | N°14PA00715

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 16 décembre 2016, 14PA00715


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SNC Yack Energie a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner solidairement, d'une part, la société Electricité de France et la société Electricité réseau distribution France à lui verser la somme de 49 438 454,65 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi à la suite du refus de la société Electricité de France de conclure un contrat d'achat de l'électricité produite par l'installation photovoltaïque qu'elle se proposait d'exploiter sur le parc d'activité de Signes (Var) et d

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SNC Yack Energie a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner solidairement, d'une part, la société Electricité de France et la société Electricité réseau distribution France à lui verser la somme de 49 438 454,65 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi à la suite du refus de la société Electricité de France de conclure un contrat d'achat de l'électricité produite par l'installation photovoltaïque qu'elle se proposait d'exploiter sur le parc d'activité de Signes (Var) et du retard mis par la société Electricité réseau distribution France pour lui communiquer une proposition technique et financière concernant le raccordement au réseau de distribution de son installation et, d'autre part, la société Electricité de France et la société Electricité réseau distribution France à lui verser la somme de 360 000 euros en garantie de la condamnation prononcée à son encontre par le Tribunal de commerce de Paris le 31 janvier 2012.

Par un jugement n° 1201702/2-1 du 17 décembre 2013, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, admis l'intervention de la société Axa Corporate Solutions et, d'autre part, rejeté la demande de la société Yack Energie.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 février 2014, la SNC Yack Energie, représentée par

MeC..., demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1201702/2-1 du 17 décembre 2013 en tant que le Tribunal administratif de Paris a admis l'intervention de la société Axa Corporate Solutions ;

2°) de condamner solidairement la société Electricité de France SA et, à titre subsidiaire, la société Axa Corporate Solutions à lui verser la somme de 49 438 454,65 euros, à parfaire, en réparation des préjudices subis ;

3°) de condamner solidairement la société Electricité de France SA et, à titre subsidiaire, la société Axa Corporate Solutions à lui verser la somme de 360 000 euros en garantie de la condamnation prononcée à son encontre par le Tribunal de commerce de Paris le 31 janvier 2012 ;

4°) de surseoir à statuer dans l'attente de la décision à intervenir dans le cadre de l'instance en cours à l'encontre de la société Electricité réseau distribution France devant le Tribunal de commerce de Paris ;

5°) de mettre à la charge de la société Electricité de France SA, de la société Electricité réseau distribution France et de la société Axa Corporate Solutions la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- l'intervention de la société Axa Corporate Solutions est irrecevable ;

- Electricité de France était tenue de répondre à sa demande de contrat d'achat d'électricité dans les conditions et tarifs en vigueur au 30 décembre 2009 ;

- Electricité de France a commis une faute en attendant la publication des arrêtés des

12 janvier et 16 mars 2010 pour répondre à sa demande et en refusant de la faire bénéficier des tarifs prévus par l'arrêté du 10 juillet 2006 ;

- le préjudice subi, soit le manque à gagner sur une période de 20 ans, est évalué à la somme de 45 683 852,75 euros à parfaire ;

- le préjudice subi résultant des sommes investies en pure perte s'élève à la somme de 3 754 601,90 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2014, la SA Electricité de France, représentée par Mes Guillaume et Coudray, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la SNC Yack Energie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mai 2014, la SA Electricité Réseau Distribution France, représentée par Mes Guénaire et Bergès, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la SNC Yack Energie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître du litige l'opposant à la SNC Yack Energie ;

- elle ne peut être tenue aux dépens et aux frais irrépétibles liés à la présente instance.

Par un mémoire, enregistré le 25 juin 2014, la SA Axa Corporate Solutions assurances, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la SNC Yack Energie.

Elle soutient que :

- elle est recevable à intervenir ;

- il appartient à la Cour d'apprécier si elle est compétente pour examiner le présent litige ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2000-108 du 10 février 2000,

- le décret n° 2001-410 du 10 mai 2001,

- le code de l'énergie,

- l'arrêté du 10 juillet 2006 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000,

- l'arrêté du 12 janvier 2010 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 modifié par l'arrêté du 15 janvier 2010,

- l'arrêté du 12 janvier 2010 portant abrogation de l'arrêté du 10 juillet 2006 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000,

- l'arrêté du 16 mars 2010 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000,

- l'arrêté du 16 mars 2010 relatif aux conditions d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bonneau-Mathelot,

- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,

- les observations de Me Coudray, avocat de la SA Electricité de France,

- et les observations de MeA..., substituant Mes Guénaire et Bergès, avocat de la SA Electricité Réseau Distribution France.

Considérant ce qui suit :

1. La SNC Yack Energie, qui exploite une installation photovoltaïque d'une puissance de 3 500 kWc, sise sur le parc d'activités de Signes dans le département du Var, a, par une demande du 21 décembre 2009, reçue le 29 décembre suivant, sollicité de la SA " Electricité de France " (EDF), sur le fondement de l'arrêté du 10 juillet 2006, la souscription d'un contrat d'achat de l'électricité. Par un courrier du 8 avril 2010, la SA EDF a avisé la société intéressée qu'elle ne pouvait prétendre à l'application des tarifs de l'arrêté du 10 juillet 2006 depuis l'entrée en vigueur des arrêtés des

12 janvier et 16 mars 2010 fixant de nouvelles conditions tarifaires, sauf si elle pouvait justifier avoir accepté la proposition technique et financière faite par la SA " Electricité Réseau Distribution France " (ERDF) et versé, en conséquence, le premier acompte demandé avant le 11 janvier 2010. A défaut de remplir ces deux conditions, la proposition technique et financière ne lui ayant été transmise que par courrier du 30 mars 2010, la SNC Yack Energie n'a pu être admise au bénéfice des anciennes conditions tarifaires de l'arrêté du 10 juillet 2006 et souscrire, sur ce fondement, un contrat d'achat de l'électricité. Par un jugement du 17 décembre 2013, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, admis l'intervention de la société Axa Corporate Solutions et, d'autre part, rejeté la demande de la société Yack Energie. La SNC Yack Energie relève appel dudit jugement.

Sur l'exception d'incompétence de la juridiction administrative soulevée par la SA ERDF :

2. Les contrats conclus entre personnes privées sont en principe des contrats de droit privé, hormis le cas où l'une des parties agit pour le compte d'une personne publique ou celui dans lequel ils constituent l'accessoire d'un contrat de droit public. D'une part, par le contrat de raccordement d'une installation de production d'électricité d'origine photovoltaïque au réseau de transport et de distribution de l'électricité en vue de l'achat par la SA EDF de l'énergie produite, conclu entre un producteur indépendant et la SA ERDF, cette dernière n'exerce aucune mission pour le compte d'une personne publique. D'autre part, si ce raccordement constitue un préalable technique à la délivrance de l'électricité à la SA EDF et si l'article 5 du décret susvisé n° 2001-410 du 10 mai 2001 dispose que " la prise d'effet du contrat d'achat est subordonnée au raccordement de l'installation au réseau ", il n'en résulte pas que le contrat de raccordement soit l'accessoire du contrat d'achat de sorte que la qualification de contrat administratif conférée à ce dernier par l'article L. 314-7 du code de l'énergie tel qu'il résulte de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 ne s'étend pas au premier.

3. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le litige opposant la SNC Yack Energie à la SA ERDF, aux droits de laquelle est venue son assureur, la SA Axa Corporate Solutions assurances, dans le cadre du présent appel, constitue un litige distinct de celui dont a été saisi le juge administratif et opposant la société requérante à la SA EDF, lequel ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Sur la recevabilité de l'intervention de la SA Axa Corporate Solutions assurances devant le Tribunal administratif de Paris :

4. Est recevable à former une intervention devant le juge du fond, toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige.

5. Contrairement à ce que soutient la SNC Yack Energie, la SA Axa Corporate Solutions assurances, assureur de la SA ERDF, justifie, par le seul fait qu'elle est susceptible de la garantir des condamnations qui seraient prononcées à son encontre, d'un intérêt suffisant pour être recevable à intervenir. La circonstance que le contrat conclu entre la SA ERDF et son assureur ne couvrirait pas les faits litigieux n'est pas suffisante pour écarter l'intervention de ce dernier. Dans ces conditions, la SNC Yack Energie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont admis la recevabilité de l'intervention de la SA Axa Corporate Solutions assurances.

Sur la responsabilité de la SA EDF :

6. En application de l'article 10 de la loi susvisée du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, codifiées depuis à l'article L. 314-1 du code de l'énergie, EDF, notamment, est tenue, lorsque les installations de production sont raccordées aux réseaux publics de distribution qu'ils exploitent, de conclure, lorsque les producteurs en font la demande, un contrat d'achat de l'électricité produite sur le territoire national par les installations utilisant des énergies renouvelables dont l'énergie radiative. D'après l'article 5 du décret précité du 10 mai 2001, la prise d'effet du contrat est subordonnée au raccordement de l'installation au réseau.

7. D'une part, il résulte de l'instruction que la SNC Yack Energie a, par une demande du

21 décembre 2009, reçue le 29 décembre suivant, sollicité de la SA EDF, sur le fondement de l'arrêté du 10 juillet 2006, la souscription d'un contrat d'achat de l'électricité. Contrairement à ce que la société appelante soutient, il ne peut être reproché aux premiers juges de ne pas avoir tenu compte de sa demande initiale du 20 novembre 2009 alors que c'est seulement, ainsi que le reconnaît la société requérante, le 29 décembre 2009 qu'elle a adressé à la SA EDF une demande complète, étant observé, par ailleurs, qu'à cette date la SNC Yack Energie avait apporté des modifications à son projet initial. Dans ces conditions, à la date d'entrée en vigueur des arrêtés du 12 janvier 2010, il ne pouvait être fait grief à la SA EDF de ne pas avoir conclu de contrat d'achat dans le délai de quinze jours suivant la date de réception de la demande de souscription alors qu'elle était seulement tenue de respecter un délai raisonnable dans l'instruction des demandes de souscription de contrat d'achat d'électricité en l'absence de délai imparti par les textes. En tout état de cause, même en retenant la date du

20 novembre 2009, soit celle de sa demande initiale, il ne pourrait davantage être reproché à la SA EDF d'avoir commis une faute de nature à engager sa responsabilité eu égard à son inertie alléguée.

8. D'autre part, l'entrée en vigueur des arrêtés du 12 janvier 2010 faisait obstacle à ce que la SA EDF puisse conclure un contrat d'achat avec la SNC Yack Energie dans les conditions fixées par l'arrêté du 10 juillet 2006. Si, toutefois, les tarifs résultant dudit arrêté étaient susceptibles de s'appliquer à certaines situations définies par l'un des arrêté du 12 janvier 2010 pour les " contrats d'achat en cours " à sa date de publication et par l'un des arrêtés du 16 mars 2010 pour certaines installations non mises en service avant le 15 janvier 2010 correspondant à 5 catégories d'installation compte tenu de l'avancement du projet, de leur petite taille ou de leur caractère agricole et pour lesquelles le producteur avait accepté la proposition technique et financière et versé, avant le 11 janvier 2010, le premier acompte, il ne résulte pas de l'instruction que les conditions fixées par ce dernier arrêté aient été respectées, la société appelante n'ayant conclu aucun contrat d'achat en cours. En effet, ce n'est que par un courrier du 30 mars 2010 que la SA ERDF lui a transmis la proposition technique et financière, étant observé que la SA EDF a été contrainte de réclamer, par deux fois, à la SNC Yack Energie les documents nécessaires à l'instruction de sa demande.

9. La société requérante ne peut, en tout état de cause, se prévaloir de l'état d'avancement de son projet au regard de la procédure suivie et des démarches entreprises ou des difficultés rencontrées avec la SA ERDF. Elle ne peut davantage utilement invoquer les pratiques anticoncurrentielles de la SA EDF telles que constatées par l'Autorité de la concurrence, sa condamnation pour abus de position dominante sur le marché du solaire photovoltaïque et l'absence de traitement diligent des demandes des producteurs indépendants d'électricité.

10. Il résulte de ce qui précède que la SNC Yack Energie n'est pas fondée à soutenir que la SA EDF aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

11. Il y a lieu, par voie de conséquence de ce qui vient d'être dit, et sans qu'il soit besoin d'examiner sa recevabilité, de rejeter la requête de la SNC Yack Energie. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la SA EDF, la SA ERDF et la SA Axa Corporate Solutions assurances sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SNC Yack Energie est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la SA Electricité de France, de la SA Electricité Réseau Distribution France et de la SA Axa Corporate Solutions assurances présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SNC Yack Energie, à SA Electricité de France, à la SA Electricité Réseau Distribution France et à la SA Axa Corporate Solutions assurances.

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Luben, président,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,

- Mme Bernard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 décembre 2016.

Le rapporteur,

S. BONNEAU-MATHELOTLe président,

I. LUBEN

Le greffier,

A. CLEMENTLa République mande et ordonne à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 14PA00715


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA00715
Date de la décision : 16/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Energie.

Energie - Marché de l'énergie - Tarification - Electricité.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : AARPI GIDE-LOYRETTE-NOUEL

Origine de la décision
Date de l'import : 03/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-12-16;14pa00715 ?
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