La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/12/2016 | FRANCE | N°15PA01889

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 15 décembre 2016, 15PA01889


Vu les autres pièces du dossier, y compris celles visées par l'arrêt de la Cour du 2 juin 2016.

Un mémoire, enregistré le 22 novembre 2016, a été produit pour Mme C...A....

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français ;

- la délibération de l'assemblée territoriale de la Polynésie française n° 74-22 du

14 février 1974 modifiée instituant un régime d'assurance maladie invalidité au profit des travailleur

s salariés ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l...

Vu les autres pièces du dossier, y compris celles visées par l'arrêt de la Cour du 2 juin 2016.

Un mémoire, enregistré le 22 novembre 2016, a été produit pour Mme C...A....

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français ;

- la délibération de l'assemblée territoriale de la Polynésie française n° 74-22 du

14 février 1974 modifiée instituant un régime d'assurance maladie invalidité au profit des travailleurs salariés ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dellevedove,

- les conclusions de MmeB...,

- les observations de Me Baraduc, avocat de la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française,

- et les observations de Me Labrunie, avocat de Mme C...A....

Sur l'appel principal de la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française :

1. Considérant que la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française, se prévalant de la qualité de subrogée dans les droits de la victime, demande à la Cour de condamner l'Etat à lui rembourser le montant des frais médicaux exposés pour le traitement de la maladie de M. A..., ainsi que les indemnités journalières versées à celui-ci, et d'enjoindre à l'Etat de saisir le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) pour qu'il procède à l'évaluation de ses préjudices en tenant compte de ses débours ; que le ministre de la défense soutient que cette action subrogatoire de la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française n'est pas recevable ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale :

" Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre. Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel " ; qu'aux termes de l'article 42 de la délibération susvisée de l'assemblée territoriale de la Polynésie française du 14 février 1974 modifiée instituant un régime d'assurance maladie invalidité au profit des travailleurs salariés : " Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, l'accident ou la blessure dont l'assuré est victime est imputable à un tiers, l'organisme de gestion est subrogé de plein droit à l'intéressé ou à ses ayants droit dans leur action contre le tiers responsable pour le remboursement des dépenses que lui occasionne l'accident ou la blessure. (...) " ;

3. Considérant que les recours des tiers payeurs ayant versé des prestations à la victime d'un dommage corporel, organisés par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale s'agissant des caisses de sécurité sociale et par la délibération du 14 février 1974 de l'assemblée territoriale de la Polynésie française s'agissant des organismes de sécurité sociale de cette collectivité, s'exercent à l'encontre des auteurs responsables du dommage dont souffre la victime ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 5 janvier 2010 modifiée relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français : " Toute personne souffrant d'une maladie radio-induite résultant d'une exposition à des rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et inscrite sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat conformément aux travaux reconnus par la communauté scientifique internationale peut obtenir réparation intégrale de son préjudice dans les conditions prévues par la présente loi. Si la personne est décédée, la demande de réparation peut être présentée par ses ayants droit " ; que l'article 2 de cette même loi définit les conditions de temps et de lieu de séjour ou de résidence que le demandeur doit remplir ; qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi, que le législateur, prenant acte de ce que la mise en oeuvre des différents régimes de responsabilité n'avait pas permis d'assurer une indemnisation satisfaisante des victimes des essais nucléaires français, a entendu faciliter l'indemnisation des personnes souffrant d'une maladie radio-induite en raison de leur exposition aux rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français ;

5. Considérant que la loi du 5 janvier 2010 a chargé le Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN), qui a le statut d'autorité administrative indépendante depuis la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013, d'instruire les demandes d'indemnisation reçues au titre de la loi ; qu'en vertu du V de l'article 4 de cette loi modifiée : " Ce comité examine si les conditions de l'indemnisation sont réunies. Lorsqu'elles le sont, l'intéressé bénéficie d'une présomption de causalité à moins qu'au regard de la nature de la maladie et des conditions de son exposition le risque attribuable aux essais nucléaires puisse être considéré comme négligeable. Le comité le justifie auprès de l'intéressé (...) " ; que le III du même article dispose que : " Les crédits nécessaires à l'accomplissement des missions du comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires sont inscrits au budget des services généraux du Premier ministre " ; que l'article 6 de la loi du 5 janvier 2010 précise que : " L'acceptation de l'offre d'indemnisation vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil et désistement de toute action juridictionnelle en cours. Elle rend irrecevable toute autre action juridictionnelle visant à la réparation des mêmes préjudices " ; que l'étude d'impact du projet de loi indique que : " La création d'un tel dispositif devrait induire une réduction du nombre des contentieux, notamment les recours en responsabilité dirigés contre l'Etat " ;

6. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'en confiant au CIVEN la mission d'indemniser, selon une procédure amiable exclusive de toute recherche de responsabilité, les dommages subis par les victimes de ces essais, le législateur a institué un dispositif assurant l'indemnisation des victimes concernées au titre de la solidarité nationale ; que le contentieux relatif à la mise en oeuvre de ce régime d'indemnisation relève exclusivement du plein contentieux ;

7. Considérant que l'indemnisation qui incombe sous certaines conditions au CIVEN, en vertu des dispositions de la loi du 5 janvier 2010 modifiée, a pour objet d'assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation du dommage subi par les victimes des essais nucléaires français, et non de reconnaître que l'Etat, représenté par le CIVEN, aurait la qualité d'" auteur responsable " ou de " tiers responsable " des dommages ; que, par suite, les recours des tiers payeurs ayant versé des prestations à la victime d'un dommage corporel, organisés par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale s'agissant des caisses de sécurité sociale et par la délibération du 14 février 1974 de l'assemblée territoriale de la Polynésie française s'agissant des organismes de sécurité sociale de cette collectivité, ne peuvent être exercés sur le fondement de la loi du 5 janvier 2010 ;

8. Considérant que ces recours peuvent en revanche être exercés par les organismes de sécurité sociale à l'encontre de l'Etat dans les conditions de droit commun d'engagement de la responsabilité administrative ; que cette responsabilité de l'Etat ne peut être retenue que dans l'hypothèse où cet organisme établit, notamment, l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre les préjudices subis par la victime directe et les faits incriminés ; qu'en l'espèce, l'existence d'un lien entre le cancer dont a souffert M.A..., la victime directe, qui peut avoir des causes multifactorielles, et les conséquences sanitaires des essais nucléaires pratiqués plusieurs années auparavant en Polynésie française, n'est pas établie ; que, dès lors, la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française n'est, en tout état de cause, pas fondée à demander que l'Etat soit condamné à lui rembourser les frais médicaux exposés pour le traitement de la maladie de M A..., ainsi que les indemnités journalières qui lui ont été versées ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande ;

Sur l'appel provoqué du ministre de la défense :

10. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que l'appel principal de la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française, dirigé contre l'article 4 du jugement attaqué rejetant ses conclusions, est rejeté par le présent arrêt ; que, par suite, la situation de l'État n'étant pas aggravée, l'appel provoqué du ministre de la défense, présenté après l'expiration du délai d'appel, ne peut qu'être rejeté ;

Sur les dépens :

11. Considérant que, la présente instance ne comportant pas de dépens, les conclusions y afférentes de Mme C...ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, une partie perdante à l'égard de la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française, le versement d'une somme au titre des frais exposés par cette caisse ;

13. Considérant que les conclusions de Mme C...tendant à ce que soit mise à la charge du CIVEN une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être regardées comme dirigées contre l'État ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme C...;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française est rejetée.

Article 2 : L'appel provoqué du ministre de la défense est rejeté.

Article 3 : L'Etat versera à Mme C...une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de Mme C...relatives aux dépens sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française, à Mme D...C..., veuveA..., au ministre de la défense et au Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN).

Délibéré après l'audience du 29 novembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- M. Dellevedove, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 décembre 2016.

Le rapporteur,

E. DELLEVEDOVELe président,

B. EVEN

Le greffier,

I. BEDR

La République mande et ordonne au ministre de la défense en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA01889


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award