Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour présentée le 5 septembre 2013, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1502887 du 7 octobre 2015, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision implicite attaquée, enjoint au préfet de police de délivrer à M. A...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par un recours enregistré le 6 novembre 2015 le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 octobre 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M.A....
Il soutient que le tribunal a à tort jugé que la décision contestée était entachée d'erreur manifeste d'appréciation alors que M. A...ne justifiait que d'une présence de deux ans en France, que la prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance ne crée pas de droit au séjour, qu'il ne pouvait être tenu compte des formations suivies postérieurement à l'intervention de la décision attaquée, qu'il a conservé des attaches dans son pays d'origine et peut de toutes façons rester en France du fait de l'obtention de son titre de séjour étudiant.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 décembre 2015, M. A...conclut au rejet de cette requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens du recours ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Labetoulle,
- et les observations de Me C...pour M.A....
1. Considérant que M. A..., ressortissant bangladais né le 8 mai 1995, entré en France le 24 décembre 2011 selon ses déclarations, a sollicité le 5 septembre 2013 la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et le 28 octobre 2013 la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " étudiant " ; qu'il s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire " étudiant " valable jusqu'au 27 octobre 2014, renouvelée le 16 décembre 2014 et valable jusqu'au 15 décembre 2015 ; que le requérant a entendu contester la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " présentée le 5 septembre 2013 ; que le Tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande et a annulé la décision implicite contestée par jugement du 7 octobre 2015 dont le préfet de police interjette appel par la présente requête ;
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...est célibataire et dépourvu d'attaches familiales en France où il allègue être arrivé le 24 décembre 2011, soit deux ans seulement avant l'intervention de la décision implicite contestée, née du silence gardé par l'administration sur sa demande présentée le 5 septembre 2013 ; que s'il justifie du décès de ses deux parents, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il n'aurait plus de contacts avec sa soeur demeurée dans son pays d'origine et qui selon ses propres allégations l'aurait aidé lors de son départ ; que s'il justifie avoir été confié par ordonnance du tribunal pour enfants du 12 juin 2012, aux services de l'aide sociale à l'enfance, puis avoir signé à sa majorité un contrat jeune majeur prolongé jusqu'au 30 décembre 2014 et avoir entrepris avec beaucoup de sérieux une formation de CAP de maintenance et hygiène des locaux, il ne peut en revanche se prévaloir utilement de son inscription en août 2014 en première année de bac professionnel hygiène propreté et stérilisation, cette circonstance étant postérieure à l'intervention de la décision attaquée ; que cette décision ne le contraint pas à interrompre ses études dès lors qu'à la date de son intervention il disposait déjà d'un titre de séjour étudiant valable jusqu'au 27 octobre 2014 et qui a d'ailleurs été ensuite renouvelé jusqu'au 15 décembre 2015 ; que le préfet de police est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif a annulé la décision litigieuse au motif qu'elle était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M. A... ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée alors en vigueur : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent ( ...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ; qu'aux termes de l'article 5 de cette loi : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués " ;
5. Considérant que M. A...ne justifiant pas avoir demandé communication des motifs de la décision implicite contestée conformément aux dispositions précitées, il n'est pas fondé à invoquer le défaut de motivation de ladite décision ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention "travailleur temporaire" peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé " ;
7. Considérant que ces dispositions ne font pas obligation à l'autorité administrative de délivrer un titre de séjour " salarié " ou " travailleur temporaire " à la personne qui satisfait aux conditions ainsi posées mais en ouvre seulement la possibilité " à titre exceptionnel " ; que l'administration a pu sans entacher sa décision d'erreur manifeste d'appréciation s'abstenir de délivrer au requérant un tel titre dès lors, d'une part qu'il ne justifie pas ne plus avoir d'attaches familiales dans son pays d'origine où, ainsi qu'il a été dit, vit sa soeur et d'où il s'est fait envoyer après son arrivée en France des documents nécessaires à l'établissement de son dossier et d'autre part qu'il dispose par ailleurs d'un titre de séjour en qualité d'étudiant lui permettant de suivre sa formation professionnelle sans avoir besoin de recourir à la faculté ouverte par l'article
L. 313-15 précité ; que s'il se prévaut par ailleurs de la circulaire n° INTK1229185C du 28 novembre 2012, celle-ci ne contient pas de lignes directrices dont il pourrait utilement se prévaloir devant le juge ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...)/7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;
9. Considérant qu'ainsi qu'il a déjà été dit, M. A...est célibataire et sans charge de famille sur le territoire français où il n'est arrivé que deux ans avant l'intervention de la décision attaquée et ne justifie pas ne plus avoir d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de seize ans ; que dès lors, nonobstant sa prise en charge par l'aide sociale à l'enfance, le sérieux de ses études et sa bonne intégration, et alors surtout qu'il disposait à la date d'intervention de la décision attaquée d'un titre de séjour étudiant, il n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs en vue desquels elle a été prise ni par suite qu'elle méconnaitrait les dispositions précitées ou qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
10. Considérant que pour les mêmes motifs le requérant n'est pas davantage fondé à soutenir que le refus de séjour contesté méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la décision implicite de rejet de la demande de titre de séjour présentée par M. A...le 5 septembre 2013 et lui a enjoint de délivrer à M. A...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trois mois ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement à M. A...de la somme qu'il demande sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1502887 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande de M A...présentée devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- Mme Labetoulle, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 décembre 2016.
Le rapporteur,
M-I. LABETOULLELe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
A-L. CHICHKOVSKY PASSUELLOLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
4
N° 15PA04045