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13/12/2016 | FRANCE | N°15PA03456

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 13 décembre 2016, 15PA03456


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Radikal Pictures a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner la commune de Nouméa à lui verser une somme totale de 2 291 500 francs CFP en réparation des préjudices résultant de la résiliation de deux bons de commande.

Par un jugement n° 1400437 du 4 juin 2015, le Tribunal administratif de

Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 28 août 2015 et 25 février 201

6, la société Radikal Pictures, représentée par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Radikal Pictures a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner la commune de Nouméa à lui verser une somme totale de 2 291 500 francs CFP en réparation des préjudices résultant de la résiliation de deux bons de commande.

Par un jugement n° 1400437 du 4 juin 2015, le Tribunal administratif de

Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 28 août 2015 et 25 février 2016, la société Radikal Pictures, représentée par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie n° 1400437 du 4 juin 2015 ;

2°) de condamner la commune de Nouméa à lui verser la somme de 2 921 500 francs CFP ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Nouméa le versement de la somme de 300 000 francs CFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commune de Nouméa était compétente pour commander les prestations en cause malgré les compétences de la Province Sud ;

- la commune n'établit pas la nullité du contrat en cause en se bornant à faire état de prix excessifs sans l'établir ;

- les prestations objet du contrat ont été réalisées même si la commune a refusé leur livraison ;

- elle n'a elle-même commis aucune faute en concluant les contrats ;

- la commune est seule responsable de l'impossibilité alléguée d'honorer les contrats ;

- elle a droit sur le fondement de la responsabilité contractuelle à l'indemnisation de son entier préjudice, à savoir des pertes financières de 1 921 500 francs CFP et un préjudice d'image évalué à 1 000 000 francs CFP.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2016, la commune de Nouméa, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Radikal Pictures sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen tiré de ce que la commune était compétente pour conclure les marchés en cause est inopérant ;

- les prix étaient manifestement excessifs, entachant les contrats de nullité et faisant obstacle au règlement du litige sur le terrain contractuel ;

- en l'absence de livraison des prestations, la commune ne s'est pas enrichie et aucune dépense de la requérante ne lui a été utile ;

- le manque à gagner de la société Radikal est en tout état de cause inférieur à 80 000 francs CFP ;

- le préjudice d'image n'est pas établi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 relatives à la Nouvelle-Calédonie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hamon,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- et les observations de Me B...pour la commune de Nouméa.

1. Considérant que par deux bons de commande émis les 5 novembre et 13 décembre 2013, la commune de Nouméa a chargé la société Radikal Pictures de la fabrication de deux films promotionnels portant sur le tourisme et sur le sport dans la commune, pour des montants respectifs de 945 000 francs CFP et 976 500 francs CFP ; que, par un courrier daté du 25 juin 2014, la commune a informé cette société de sa décision d'annuler ces deux bons de commande ; que la société Radikal Pictures relève appel du jugement du 4 juin 2015 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, après avoir considéré que les contrats nés de ces bons de commande étaient entachés de nullité, a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Nouméa à l'indemniser des préjudices résultant de cette résiliation ;

Sur la responsabilité de la commune de Nouméa :

En ce qui concerne la nullité des contrats :

2. Considérant qu'il est constant que la société Radikal Pictures avait, précédemment, facturé à la commune de Nouméa des prix très inférieurs pour la réalisation de films courts, dont les caractéristiques étaient toutefois différentes de celles de ceux qui sont l'objet des contrats en litige ; que si le niveau élevé des prix pratiqués en 2013 justifie la résiliation des contrats pour un motif d'intérêt général tenant à la bonne utilisation des deniers publics, il ne suffit pas à faire regarder ces prix comme étant hors de proportion avec la consistance des prestations facturées et, de ce seul fait, alors qu'aucun vice du consentement n'est établi ni même allégué, comme entachant ces contrats de nullité ; que la société Radikal est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges, après avoir relevé cette nullité, ont écarté l'application des contrats pour statuer sur ses conclusions ;

3. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Radikal Pictures devant le tribunal et la Cour ;

En ce qui concerne la résiliation des contrats :

4. Considérant qu'en cas de résiliation d'un contrat pour un motif d'intérêt général, le cocontractant de la personne publique a droit à la réparation intégrale du préjudice résultant pour lui de cette résiliation ; qu'il n'en va différemment que dans le cas où soit le contrat en dispose autrement, soit il est établi que le cocontractant a concouru par son attitude à la survenance du préjudice dont il demande réparation ;

5. Considérant en l'espèce que les contrats dont la commune a prononcé la résiliation pour un motif d'intérêt général ne comportent aucune stipulation relative à l'indemnisation de l'entreprise en cas de résiliation ; qu'en outre, la commune de Nouméa n'établit pas que la société Radikal Pictures, avec laquelle elle avait déjà contracté à plusieurs reprises, aurait concouru à la survenance des préjudices dont elle demande réparation ; que, dans ces conditions, ladite société a droit à l'indemnisation intégrale des préjudices résultant pour elle de cette résiliation, sans que puisse lui être opposée l'absence de livraison des films objets des contrats résiliés ; qu'elle est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de

Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande ;

Sur l'évaluation des préjudices :

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Radikal Pictures n'a pas livré les films commandés et ne précise pas leur état d'achèvement à la date de la résiliation en litige ; qu'elle n'est dès lors pas fondée à réclamer une indemnité de 1 925 250 francs CFP correspondant au montant total des deux bons de commande ; qu'il résulte toutefois de l'instruction qu'elle établit avoir engagé, pour la réalisation de ces deux films, des dépenses correspondant à des prestations sous-traitées à M. A...et à la société Contre Plongée, pour un montant total, non sérieusement contesté, de 1 203 250 francs CFP, déduction faite d'une facture de restauration dont le lien avec les prestations objet du présent litige n'est pas établi ; qu'enfin, si la société requérante soutient qu'elle a également subi un préjudice d'atteinte à son image commerciale, elle ne l'établit pas en se bornant à faire état de la circulation rapide des informations relatives à la vie des affaires dans la région de Nouméa ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Radikal Pictures, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Nouméa demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune de Nouméa une somme de 200 000 francs CFP à verser à la société Radikal Pictures sur le fondement des mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie n° 1400437 du 4 juin 2015 est annulé.

Article 2 : La commune de Nouméa est condamnée à verser à la société Radikal Pictures la somme de 1 203 250 francs CFP.

Article 3 : La commune de Nouméa versera à la société Radikal Pictures une somme de 200 000 francs CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Nouméa présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Radikal Pictures et à la commune de Nouméa.

Délibéré après l'audience du 29 novembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- M. Dellevedove, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 décembre 2016.

Le rapporteur,

P. HAMONLe président,

B. EVENLe greffier,

I. BEDRLa République mande et ordonne au Haut commissaire de la République en Nouvelle Calédonie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA03456


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA03456
Date de la décision : 13/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : CABINET SEBAN et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-12-13;15pa03456 ?
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