Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A...B...ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la réduction de la cotisation à l'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2012.
Par un jugement n° 1407896 du 9 mars 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 avril 2015 et 15 mars 2016, M. et MmeB..., représentés par la SELARL Les colonnes de Saint-Vincent, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1407896 du 9 mars 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la réduction de la cotisation à l'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que les rémunérations ou perspectives de rémunération étaient bien réelles ;
- MmeB..., en sa qualité de dirigeante de la société Italmar, est fondée à opérer la déduction des sommes versées en exécution de ses engagements de caution, lesquels ne sont pas hors de proportion avec les rémunérations qu'elle pouvait escompter ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que les actes effectués par Mme B...au sein de la SARL Italmob s'analysaient comme de simples actes d'administration, alors qu'elle a exercé une gérance de fait ;
- ils sont fondés à demander le bénéfice de la documentation administrative référencée 5-F-2543 et l'instruction administrative portant la référence BOI-RSA-BASE 30-50-30-40, n° 160.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Larsonnier,
- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.
1. Considérant que, par des actes sous-seing privé, la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Île de France a consenti à la société Italmar, représentée par sa gérante, MmeB..., un prêt de 250 000 euros le 26 octobre 2007 puis, le 19 février 2008, a accordé à la société Italmob, représentée par son gérant, M.B..., deux prêts de 350 000 euros et 68 600 euros ; que Mme B... s'est portée caution solidaire de ces prêts à hauteur d'une somme maximale, dans le premier cas, de 325 000 euros et, dans le second, de 450 000 et 89 180 euros ; qu'à la suite
de la liquidation judiciaire de ces sociétés, prononcées respectivement par des jugements des
15 juin 2009 et 15 septembre 2009, M. et Mme B... ont, par un protocole d'accord signé avec la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Île de France le 12 mars 2012, accepté de solder la dette relative à la société Italmar et de réduire celle de la société Italmob en clôturant les contrats d'assurance vie qu'ils avaient souscrits à la Caisse d'épargne en 2006 et 2007, ainsi que de rembourser la dette restante en exécution d'un échéancier ; que M. et Mme B...ont été imposés à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2012 conformément à leur déclaration de revenus ; que, par une réclamation en date du 20 février 2014, ils ont contesté l'imposition, qui a été mise en recouvrement le 31 juillet 2013 pour un montant de 45 320 euros, au motif que les sommes afférentes à leurs engagements de caution de dirigeants avaient été portées à tort dans la rubrique " déductions diverses " des revenus de MmeB..., alors qu'elles auraient dû être imputées sur le revenu catégoriel de Mme B...pour un montant de 414 598 euros sur la ligne 1BK frais réels comme indiqué dans leur déclaration de revenus rectificative ; que, par une décision d'admission partielle notifiée le 13 mars 2014, le service a admis la déduction au titre de frais réels de la somme de 7 413 euros correspondant aux sommes versées par Mme B...
dans l'intérêt de l'exploitation de la société Italmar dont elle était la dirigeante ; que M. et
Mme B...font appel du jugement du 9 mars 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la réduction de la cotisation à l'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que les requérants soutiennent que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que les perspectives de rémunération de Mme B...étaient réelles et que, par suite, celle-ci était fondée à déduire les sommes versées en exécution de ses engagements de caution ; qu'il ressort des termes du jugement attaqué que, d'une part, le tribunal a estimé que Mme B...ne pouvant être regardée comme ayant été gérante de fait de la société Italmob, les sommes versées en exécution des engagements de caution qu'elle avait souscrits au profit de cette société ne constituaient pas des dépenses déductibles des revenus de M. et Mme B...; que la première condition des trois conditions cumulatives pour que les sommes versées par un dirigeant de société en exécution d'engagements de caution puissent donner lieu à déduction n'étant pas remplie, le tribunal n'avait pas à se prononcer sur la condition tenant à ce que ces engagements ne sont pas hors de proportion avec les rémunérations allouées à Mme B...ou avec celles qu'elle pouvait escompter au moment où elle les a contractés ; que, d'autre part, le tribunal, qui a retenu que Mme B...avait perçu un revenu de 2 471 euros en 2008 en sa qualité de gérante de la société Italmar, n'avait pas non plus à se prononcer sur les perspectives de rémunération de l'intéressée ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué ne peut qu'être écarté ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
S'agissant de la déduction des sommes afférentes aux engagements de caution souscrits par Mme B...en garantie des prêts accordés à la SARL Italmob dont M. B...était le gérant ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 13 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu. / 2. Le revenu global net annuel servant de base à l'impôt sur le revenu est déterminé en totalisant les bénéfices ou revenus nets visés aux I à VII bis de la 1ère sous-section de la présente section, compte tenu, le cas échéant, du montant des déficits visés aux I et I bis de l'article 156, des charges énumérées au II dudit article et de l'abattement prévu à l'article 157 bis. / 3. Le bénéfice ou revenu net de chacune des catégories de revenus visées au 2 est déterminé distinctement suivant les règles propres à chacune d'elles (...) " ; qu'aux termes de l'article 83 du même code, relatif à l'imposition du revenu dans la catégorie des traitements et salaires : " Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés : / (...) 3° Les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales (...) " ; qu'enfin, le I de l'article 156 du même code autorise, sous certaines conditions, que soit déduit du revenu global d'un contribuable le " déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus ", tandis que le II de l'article 156 énumère les charges qui sont déductibles du revenu global " lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories " ;
4. Considérant qu'en vertu des dispositions précitées, les sommes qu'un salarié qui, s'étant rendu caution d'une obligation souscrite par la société dont il est le dirigeant de droit ou de fait, a dû payer au créancier de cette dernière, sont déductibles de son revenu imposable de l'année au cours de laquelle le paiement a été effectué, à condition toutefois que son engagement comme caution se rattache directement à sa qualité de dirigeant, qu'il ait été pris en vue de servir les intérêts de l'entreprise et qu'il n'ait pas été hors de proportion avec les rémunérations allouées à l'intéressé ou qu'il pouvait escompter au moment où il l'a contracté ; qu'il résulte également des dispositions précitées des articles 13, 83 et 156 du code général des impôts que les frais résultant de l'engagement pris par l'un des membres du foyer fiscal ne peuvent être regardés comme inhérents à la fonction ou à l'emploi de l'autre et déduits à ce titre des revenus salariaux de ce dernier ; qu'ainsi, ces dispositions font obstacle à ce qu'une caution donnée par l'un des époux, lui-même actionnaire non salarié d'une société, puisse être regardée comme consentie pour la conservation des revenus salariaux de l'autre époux, et à ce que les sommes payées à ce titre puissent être déductibles des revenus imposables ; que le régime matrimonial des conjoints et la solidarité entre époux est sans incidence sur le principe résultant ainsi de la combinaison des articles 13, 83 et 156 du code général des impôts ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme B...détenaient chacun 1% du capital de la société Italmob, dont M. B...était le gérant statutaire, les 98% du capital restant étant détenu par la SA Bobine, créée en 1995 et dont les époux B...détiennent 60% des parts ; que les pièces versées aux débats ne permettent pas d'établir, comme le soutient
MmeB..., qu'elle ait personnellement accompli des actes caractérisant l'activité d'un gérant de fait de la société Italmob ; qu'en particulier, il ressort des termes du contrat de prêt bancaire à la société Italmob du 19 février 2008 que celui-ci a été conclu avec M.B..., en sa qualité de gérant statutaire, et que Mme B...n'y est mentionnée qu'au titre de caution ; que le protocole d'accord du 12 mars 2012, conclu avec la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France, a été signé par M. et Mme B...en leur qualité respective de gérant statutaire des sociétés Italmob et Italmar ; que si Mme B...a signé, le 2 avril 2006, un contrat de franchise pour le compte de la société Italmob avant que celle-ci n'ait d'existence légale, une lettre de résiliation d'un contrat de transport en date du 9 décembre 2009 ainsi que les courriers des 2 février et 30 mars 2009 afférents à la procédure de licenciement de deux salariés, il n'est pas établi que ces pouvoirs aient été utilisés par la requérante à des fins autres que de simple administration et l'aient, par suite, conduite à exercer un contrôle effectif et constant sur l'ensemble de la gestion de la société ; que dans ses conditions, Mme B...ne peut être regardée comme ayant été gérante de fait de la société Italmob ; qu'elle ne peut ainsi déduire de son revenu catégoriel les sommes versées en exécution des engagements de caution qu'elle a souscrits au profit de la société Italmob ; qu'elles ne peuvent donc être admises en déduction, dans la catégorie des traitements et salaires, pour la détermination des bases de l'impôt sur le revenu dû par M. et Mme B... ;
S'agissant de la déduction de la somme afférente à l'engagement de caution souscrit par Mme B...en garantie du prêt accordé à la SARL Italmar dont elle était la gérante ;
6. Considérant que l'engagement souscrit par Mme B..., en se portant caution de la société Italmar, se rattachait directement à sa qualité de gérante de cette société et avait été pris en considération de l'intérêt de celle-ci ; que les requérants ne peuvent utilement soutenir que les perspectives de rémunération, découlant notamment du très bon emplacement des espaces commerciaux et du contrat de franchise signé avec la société Poltronesofa, auraient dû être prises en considération, alors qu'il résulte de l'instruction que Mme B...a déclaré avoir perçu une rémunération de 2 471 euros en 2008 ; que, par suite, l'administration était fondée à limiter le montant de la somme déductible au titre de l'engagement de caution souscrit par Mme B...à trois fois le montant annuel des salaires qu'elle a perçus en 2008, soit 7 413 euros ;
7. Considérant, par suite, que M. et Mme B... ne sont pas fondés à demander, sur le terrain de la loi fiscale, la déduction, pour un montant de 407 185 euros, des sommes versées en exécution des engagements de caution que Mme B...a souscrits envers la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Île de France ;
En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. " ;
9. Considérant que si les requérants invoquent la documentation administrative référencée 5-F-2543 et l'instruction administrative portant la référence BOI-RSA-BASE 30-50-30-40, n° 160, qui énoncent toutes deux les conditions dans lesquelles peuvent s'effectuer la déduction des sommes versées en exécution d'engagements de caution dans la catégorie des traitements et salaires, celles-ci ne comportent pas d'interprétation des dispositions législatives précitées différente de celles dont il est fait application ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...B...et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris (pôle fiscal Paris centre et services spécialisés).
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Formery , président de chambre,
- Mme Coiffet, président assesseur,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 décembre 2016.
Le rapporteur,
V. LARSONNIERLe président,
S.-L. FORMERY Le greffier,
S. JUSTINE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°15PA01731 2