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08/12/2016 | FRANCE | N°15PA01445

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 08 décembre 2016, 15PA01445


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 3 décembre 2013, par laquelle le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle prévue à l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983.

Par un jugement n° 1400015 du 29 janvier 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 avr

il 2015 et 18 novembre 2016,

M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400015 du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 3 décembre 2013, par laquelle le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle prévue à l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983.

Par un jugement n° 1400015 du 29 janvier 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 avril 2015 et 18 novembre 2016,

M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400015 du 29 janvier 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 3 décembre 2013 du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle prévue à l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983.

Il soutient que :

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'elle méconnaît le principe des droits de la défense ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'il n'avait pas été victime de harcèlement moral de la part de ses supérieurs hiérarchiques et qu'il ne rentrait pas ainsi dans le champ d'application de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ;

- le refus de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle constitue une sanction déguisée ;

- une sanction lui a été infligée le 20 juillet 2016 sans la communication des pièces mentionnées en annexe du rapport établi le 13 juin 2016 relatif à une demande de sanction disciplinaire à son encontre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2015, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision du 3 décembre 2013 et de l'irrégularité de la procédure sont des moyens de légalité externe relevant d'une cause juridique distincte des moyens soulevés en première instance et sont par suite irrecevables ;

- en tout état de cause, ils ne peuvent qu'être écartés ;

- les moyens tirés de l'illégalité interne de la décision contestée ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Larsonnier,

- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.

- et les observations de M.A....

1. Considérant que M.A..., attaché d'administration à la direction du transport aérien de la direction générale de l'aviation civile depuis 2004, a demandé, par un courrier du

21 octobre 2013, que lui soit accordé le bénéfice de la protection fonctionnelle à raison du harcèlement moral dont il estime avoir été victime de la part de ses supérieurs hiérarchiques ; que, par une décision du 3 décembre 2013, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a rejeté cette demande, au motif que les éléments invoqués par l'intéressé n'étaient pas de nature à révéler un harcèlement moral ; que M. A... fait appel du jugement du 29 janvier 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

2. Considérant que les moyens de légalité externe, tirés de ce que la décision du

3 décembre 2013 a été prise au terme d'une procédure irrégulière et qu'elle est insuffisamment motivée, sont fondés sur une cause juridique distincte de celle des moyens de légalité interne qui constituaient le seul soutien de la demande de première instance ; que ces moyens, nouveaux en appel et qui ne sont pas d'ordre public, doivent dès lors être écartés comme irrecevables ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire. (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) " ; que ces dispositions établissent à la charge de l'Etat ou de la collectivité publique intéressée et au profit des fonctionnaires, lorsqu'ils ont été victimes de violences, tels des actes de harcèlement moral, à l'occasion de leurs fonctions, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) " ;

5. Considérant qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ; que, d'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; qu'en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ;

6. Considérant que M. A...soutient devant la Cour qu'il a subi des agissements répétés de sa supérieure hiérarchique entre 2006 et 2010 constitutifs de harcèlement moral, qu'il a été privé de ses fonctions à partir de janvier 2010 avant de faire l'objet d'un déplacement d'office en méconnaissance des droits de la défense, que la procédure suivie devant la commission de réforme préalablement à la décision du 4 janvier 2011 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de son malaise du 19 février 2010 est irrégulière, qu'il a été convoqué à plusieurs reprises à des expertises psychiatriques en vue de le placer en congé de longue maladie alors qu'il n'a jamais sollicité un tel congé et que la décision lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle constitue une sanction disciplinaire déguisée ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.A..., qui exerçait les fonctions de responsable de la zone Proche/Moyen Orient et Asie du Sud au sein de la mission de la coopération internationale depuis 2004, s'est de moins en moins investi dans son travail à compter de 2008, traitant ses dossiers avec retard ou n'exécutant que partiellement les tâches qui lui étaient dévolues, lesquelles devant alors finalement être confiées à ses collègues ou reprises par sa supérieure hiérarchique, alors que le service devait traiter de nombreuses demandes urgentes émanant des partenaires extérieurs de la Direction générale de l'aviation civile ;

qu'en outre, M. A...ne répondait plus aux courriels de sa supérieure hiérarchique directe,

MmeB... ; que, dans ce contexte, les relations entre le requérant et cette dernière se sont tendues pour devenir conflictuelles à la fin de l'année 2009 ; que si l'intéressé soutient avoir été privé de ses fonctions en janvier 2010, il ressort des pièces du dossier que MmeB..., après avoir informé le secrétaire général de la Direction générale de l'aviation civile, a décidé de confier à un nouvel agent les dossiers urgents de M. A...qui avaient pris du retard pendant son absence pour raisons médicales et qui n'étaient toujours pas traités par l'intéressé depuis son retour de congé de maladie ; qu'après que Mme B...l'a incité à changer de poste, M. A...a exercé les fonctions de chargé de mission auprès de cette même supérieure hiérarchique à compter du 16 mars 2010, puis en relation directe avec le directeur adjoint de la Direction générale de l'aviation civile à partir du 14 avril 2010, avant d'être chargé d'affaires à la sous-direction de la sûreté et de la défense au bureau de la coordination interministérielle de la sûreté en charge de la formation et de la qualité dans le domaine de la sûreté sous l'autorité hiérarchique de M. D...à partir du 1er juillet 2010 ; que, si ces deux derniers postes correspondent à un niveau hiérarchique inférieur à l'ancien poste de M.A..., il est constant que celui-ci a conservé la part fonctionnelle de l'indemnité de fonction et de responsabilité ; que, dans ces conditions et alors que l'administration a changé M. A...d'affectation afin qu'il ne travaille plus sous la responsabilité de Mme B...dès le 14 avril 2010, les éléments décrits

ci-dessus ne sauraient être regardés comme des agissements constitutifs de harcèlement moral au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article 34 du décret du 14 mars 1986 : " Lorsqu'un chef de service estime, au vu d'une attestation médicale ou sur le rapport des supérieurs hiérarchiques, que l'état de santé d'un fonctionnaire pourrait justifier qu'il lui soit fait application des dispositions de l'article 34 (3° ou 4°) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, il peut provoquer l'examen médical de l'intéressé dans les conditions prévues aux alinéas 3 et suivants de l'article 35 ci-dessous. Un rapport écrit du médecin chargé de la prévention attaché au service auquel appartient le fonctionnaire concerné doit figurer au dossier soumis au comité médical. " ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que c'est en raison du comportement et des propos de M. A...témoignant d'une grande souffrance morale que le directeur des transports aérien a saisi le comité médical central des transports le 28 septembre 2012 et que l'intéressé a été convoqué en vue d'une expertise médicale ; qu'en outre, M. A...a saisi, le

10 novembre 2012, le comité de suivi local de la direction du transport aérien qui a conclu à l'unanimité de ses membres le 4 février 2013 que les difficultés de l'intéressé nécessitaient que celui-ci réponde à la convocation du comité médical des transports ; que, dans les circonstances de l'espèce, le refus de communiquer à l'intéressé son dossier médical n'est pas de nature à révéler des agissements constitutifs de harcèlement moral au sens des dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...a été victime d'un malaise sur son lieu de travail le 19 février 2010 et que le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, après avis défavorable de la commission de réforme, a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident par une décision du

4 janvier 2011 ; que la seule circonstance, à la supposer établie, que le requérant n'aurait pas été convoqué devant la commission de réforme et n'a ainsi pas pu faire valoir ses observations, n'est pas de nature à établir qu'il aurait été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral au sens des dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 ;

11. Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision du

3 décembre 2013 refusant d'accorder à M. A...le bénéfice de la protection fonctionnelle constituerait une sanction déguisée ; que, par ailleurs, M. A...ne peut utilement se prévaloir de la sanction disciplinaire qui lui a été infligée le 20 juillet 2016 et de l'irrégularité de la procédure au terme de laquelle elle a été prise, qui constituent des éléments postérieurs à la décision contestée ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer.

Délibéré après l'audience du 24 novembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Coiffet, président assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 décembre 2016.

Le rapporteur,

V. LARSONNIERLe président,

S.-L. FORMERY Le greffier,

S. JUSTINE

La République mande et ordonne au ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA01445


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA01445
Date de la décision : 08/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-10-005 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Garanties et avantages divers. Protection contre les attaques.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : SCP RAFFIN ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 17/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-12-08;15pa01445 ?
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