Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) M3 Productions a demandé au
Tribunal administratif de Paris la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010.
Par un jugement n° 1407792, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2015, la SAS M3 Productions demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1407792 du Tribunal administratif de Paris du
20 mai 2015 ;
2°) de la décharger des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur l'irrégularité du jugement :
- le tribunal administratif a omis de statuer sur son moyen tiré de ce que le service aurait dû demander à la société d'affacturage l'ensemble des documents indiquant les dates de règlement des factures soumises à la taxe sur la valeur ajoutée sur les encaissements ;
Sur le bien fondé :
- la méthode est contestable dès lors que les rapprochements de chiffres d'affaires ne pouvaient pas être effectués sans les documents du factor ; le service vérificateur, pour calculer la taxe sur la valeur ajoutée collectée sur les encaissements, n'a, en effet, pas demandé au service d'affacturage l'ensemble des documents qui indiquaient les dates de règlement des factures soumises à la taxe sur la valeur ajoutée sur les encaissements et n'a pu, par conséquent, répartir le chiffre d'affaires en fonction de la catégorie d'activité en cause en prenant en considération, pour l'activité de prestations de services, les soldes des comptes clients à l'ouverture et à la clôture de l'exercice ; en reconstituant sa comptabilité de manière à distinguer, dans l'activité de prestation de services, les factures ayant fait l'objet de règlements clients et celle ayant fait l'objet d'un règlement de 1'affactureur, on parvient à des résultats différents ;
- que selon l'instruction administrative 3 D-6-94 du 29 septembre 1994, en matière d'affacturage, l'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée est située à la date du paiement de la créance par le débiteur, et non celle du paiement par le " factor " ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 janvier 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lescaut, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public ;
1. Considérant que la société par actions simplifiée (SAS) M3 Productions, qui exerce deux activités distinctes de fabrication de produits de maroquinerie de bureau et de création de produits spécifiques, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 étendue jusqu'au 31 mars 2011 en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'à l'issue de cette vérification de comptabilité, l'administration a informé la société M3 Productions, par proposition de rectification du 30 juin 2011, qu'elle envisageait de mettre à sa charge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée, au titre de la période correspondant aux années 2008, 2009 et 2010, ces suppléments de taxe étant en outre assortis de l'intérêt de retard prévu par l'article 1717 du code général des impôts et de la majoration de 40 % prévue par l'article 1729 de ce même code ; que la
SAS M3 Productions fait appel du jugement du 20 mai 2015 par lequel le
Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que la société M3 Productions soutient que le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que le service de vérification aurait dû demander à la société d'affacturage l'ensemble des documents indiquant les dates de règlement des factures soumises à la taxe sur la valeur ajoutée sur ses encaissements au titre de la période considérée ; que, toutefois, les premiers juges, qui ont analysé ce moyen, ont relevé au point 7 du jugement, que " si la société requérante sout[enait] que le service vérificateur a[vait] opéré la reconstitution sans demander à la société d'affacturage l'ensemble des documents indiquant les dates de règlement des factures soumises à la taxe sur la valeur ajoutée sur les encaissements et renvo[yait], à cet égard, à sa réclamation préalable du 25 septembre 2013, la liste, jointe à ce document, de factures pour partie desquelles la taxe aurait été exigible lors de l'encaissement, n'[était] pas de nature à remettre en cause les rappels opérés dès lors qu'elle condui[sait] à des incohérences tant à l'égard des déclarations de résultats qu'au regard des écritures comptables en matière de dettes de taxe sur la valeur ajoutée " ; qu'ainsi, le tribunal en se fondant sur les incohérences existantes entre les documents produits et les écritures comptables de la société a nécessairement écarté ce moyen ; que si l'intéressée entend, en réalité, contester les motifs pour lesquels le tribunal a rejeté ses conclusions, une telle critique ressortit au bien-fondé du jugement ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité ;
Sur le bien-fondé des rappels :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. (...) " ; qu'aux termes de l'article 269 du même code : " 1 Le fait générateur de la taxe se produit : a ) Au moment où la livraison (...) du bien ou la prestation de services est effectué ; (...) / 2. La taxe est exigible : (...) c ) Pour les prestations de services (...), lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération (...). " ; que la société M3 Productions a confié à une société d'affacturage le soin de recouvrer le montant d'une partie de ses factures ; que dans ces conditions, la date de l'encaissement à laquelle, selon les dispositions précitées de l'article 269 du code général des impôts, la taxe à la valeur ajoutée devenait exigible, était celle à laquelle intervenait le règlement des factures par le client à la société d'affacturage, et non celle à laquelle la société d'affacturage reversait à la société M3 Productions le montant des factures concernées ;
4. Considérant qu'il résulte de la proposition de rectification du 30 juin 2011 que pour mettre à la charge de la société M3 Productions des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la taxe collectée à hauteur de 40 733 euros, de 62 718 euros et de 5 690 euros en droits au titre respectivement des années 2008, 2009 et 2010, le vérificateur, qui a admis le caractère régulier, sincère et probant de la comptabilité de la société, a, pour chacun des exercices vérifiés, reconstitué les sommes encaissées par la société à partir du chiffre d'affaires comptabilisé corrigé des variations des comptes clients entre l'ouverture et la clôture de la période sur les seules opérations taxables à l'encaissement, soit les prestations de services ; qu'il a ensuite comparé le montant ainsi reconstitué à celui déclaré en matière de taxe sur la valeur ajoutée, et calculé les rappels de taxe sur la différence entre ces deux montants, après avoir procédé à un rapprochement avec les encaissements bancaires de la société ; que l'examen des comptes de taxe sur la valeur ajoutée a, par ailleurs, révélé des dettes de taxe à la clôture des trois années en litige corroborant les résultats de ces rapprochements ; que la société, pour contester l'existence de ces discordances, soutient qu'elles seraient dues au montant des commissions d'affacturage versées à une société tierce chargée de recouvrer ses créances, et que faute d'avoir demandé à la société d'affacturage les documents précisant les dates de règlement des factures soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, le calcul de la taxe sur la valeur ajoutée collectée auquel a procédé le vérificateur serait nécessairement erroné, en intégrant dans la base retenue, des encaissements de factures réglées partiellement par 1a société d'affacturage ; que, toutefois et ainsi qu'il vient d'être dit, dès lors que les écarts mis en évidence par l'administration ont été vérifiés par rapprochement des chiffres d'affaires déclarés et comptabilisés avec les encaissements bancaires de la société, le tableau et la liste de factures produits ne permettent pas d'établir le montant de l'encours des créances confiées à la société d'affacturage, et, par voie de conséquence, d'infirmer les montants retenus par le vérificateur, alors qu'au surplus, ainsi que l'ont fait justement valoir les premiers juges, ces documents conduisent à de nouvelles incohérences tant à l'égard des déclarations de résultat qu'au regard des écritures comptables en matière de dettes de taxe sur la valeur ajoutée ;
En ce qui concerne le bénéfice de la doctrine administrative :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales " ;
6. Considérant que la requérante invoque l'instruction du 29 septembre 1994 référencée 3 D-6-94 selon laquelle, pour les prestations de services et les travaux immobiliers, l'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée en cas d'affacturage était située à la date du paiement de la créance par le débiteur ; que, toutefois, les indications de l'instruction du 29 septembre 1994, référencées 3 D-6-94 ne contiennent pas d'interprétation formelle de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application par le présent arrêt ; qu'ainsi, la requérante ne peut les opposer à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 alinéa 2 du livre des procédures fiscales ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société M3 Productions n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société M3 Productions demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er: La requête de la SAS M3 Productions est rejetée.
Article 2: Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée M3 Productions et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 18 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Driencourt, président,
- M. Boissy, premier conseiller,
- Mme Lescaut, premier conseiller,
Lu en audience publique le 2 décembre 2016.
Le rapporteur,
C. LESCAUT Le président,
L. DRIENCOURT
Le greffier,
F. DUBUY
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA02927