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01/12/2016 | FRANCE | N°15PA02727

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 01 décembre 2016, 15PA02727


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Otto German, représentée par son liquidateur judiciaire MeA..., a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période allant du 1er mars 2008 au 31 mars 2010, ainsi que des intérêts de retard, des majorations pour manquement délibéré et de l'amende fiscale prévue au 4 de l'article 1788 A du code général des impôts.

Par un jugement n° 1202364/1-2 du 30 avril

2013, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13PA02553 du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Otto German, représentée par son liquidateur judiciaire MeA..., a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période allant du 1er mars 2008 au 31 mars 2010, ainsi que des intérêts de retard, des majorations pour manquement délibéré et de l'amende fiscale prévue au 4 de l'article 1788 A du code général des impôts.

Par un jugement n° 1202364/1-2 du 30 avril 2013, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13PA02553 du 25 mars 2014, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Otto German contre ce jugement.

Par une décision n° 380670 du 24 juin 2015, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt du 25 mars 2014 et renvoyé l'affaire à la Cour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er juillet 2013 et le 4 mars 2014, la société Otto German, représentée par son liquidateur judiciaire, MeA..., par Me Baranez, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202364/1-2 du 30 avril 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er mars 2008 au 31 mars 2010 et des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la motivation de la proposition de rectification du 26 janvier 2011 méconnaît les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales en ce qu'elle est entachée d'une contradiction de motifs en droit et en fait ;

- le tribunal administratif n'a répondu que partiellement à son argumentation ;

- l'administration fiscale a implicitement mais nécessairement mis en oeuvre la procédure de répression des abus de droit, irrégulière au regard des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales en l'absence de saisine du comité de répression des abus de droit, dès lors qu'elle a écarté comme fictives les factures établies par les fournisseurs espagnols ;

- la société Otto German était fondée à appliquer aux transactions litigieuses le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge prévu par les dispositions de l'article 297 A du code général des impôts dès lors qu'elle est un assujetti-revendeur au sens de ce texte, que les acquisitions litigieuses portaient sur des biens d'occasion, que ses fournisseurs avaient placé leurs livraisons sous le régime de la marge et qu'elle n'a pu déduire aucune taxe sur la valeur ajoutée au titre de ces acquisitions et elle n'était pas en mesure d'apprécier le bien-fondé de l'application du régime de la marge par ses fournisseurs ; le service des impôts compétent lui a lui-même au regard des mêmes éléments délivré des certificats selon lesquels le régime de la marge était applicable ; le service a retenu à tort le fait qu'elle ne pouvait ignorer que les sociétés espagnoles n'étaient pas en droit d'appliquer le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ;

- l'instruction fiscale n° 3-K-1-95 du 17 février 1995 interprète les dispositions de l'article 279 A du code général des impôts comme permettant l'application du régime de la marge bénéficiaire lors de la revente en France des biens achetés dans un autre Etat-membre a un assujetti revendeur ;

- elle se trouvait dans une situation conforme aux objectifs de la 7ème directive dès lors que par l'arrêt du 1er avril 2004 la Cour de justice des Communautés européennes a rappelé que l'article 26 bis, B, de la sixième directive prévoit que la taxe sur la valeur ajoutée n'est perçue que sur la marge bénéficiaire réalisée par l'assujetti revendeur lorsqu'il a lui-même acquis le bien sans pouvoir déduire la taxe sur la valeur ajoutée en amont ;

- l'amende de 5 % prévue au 4 de l'article 1788 A du code général des impôts pour défaut de dépôt de la déclaration prévue au 1 de l'article 287 du code général des impôts ne lui était pas applicable dès lors qu'elle n'a réalisé aucune acquisition intracommunautaire taxable à la taxe sur la valeur ajoutée au sens de l'article 256 bis I 2 bis du même code et n'était dès lors pas tenue au dépôt de cette déclaration ;

- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas fondées dès lors que le service n'établit pas le caractère délibéré des manquements.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2013, et un nouveau mémoire, enregistré le 21 octobre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'administration a en application de l'article 1756 du code général des impôts dégrevé le 7 mai 2012 les intérêts de retard et l'amende de 5% prévue au 4 de l'article 1788 A du code général des impôts pour un montant total de 105 200 euros ; les premiers juges n'en avaient pas été informés ; dans la mesure de ces dégrèvements les conclusions à fin de décharge sont devenues sans objet et les conclusions d'appel tendant à la décharge de ces pénalités et intérêts de retard sont irrecevables ;

- les moyens soulevés par la société Otto German ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Notarianni,

- et les conclusions de M. Blanc, rapporteur public.

1. Considérant que la société à responsabilité limitée Otto German, qui exerçait notamment l'activité d'achat-revente de véhicules d'occasion avant d'être placée en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 12 avril 2012, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité en matière de taxe sur la valeur ajoutée portant sur la période du 1er avril 2008 au 31 mars 2010 ; qu'à l'issue du contrôle, le vérificateur a remis en cause l'application du régime d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge bénéficiaire prévu par les dispositions de l'article 297 A du code général des impôts qu'elle avait appliqué à des opérations de revente de véhicules d'occasion d'origine allemande, acquis auprès de fournisseurs espagnols, au motif que ces acquisitions avaient le caractère d'acquisitions intracommunautaires et qu'elles devaient en conséquence être soumises à la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix de vente total ; qu'en conséquence, la société Otto German a été assujettie pour la période du 1er avril 2008 au 31 mars 2010 à des compléments de taxe sur la valeur ajoutée, assortis des intérêts de retard, des majorations pour manquement délibéré prévues à l'article 1729 du code général des impôts et de l'amende fiscale de 5 % pour défaut de déclaration des acquisitions intracommunautaires prévue au 4° de l'article 1788 A du code général des impôts ; que la société Otto German, représentée par son liquidateur judiciaire, a relevé appel du jugement du 30 avril 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'ensemble de ces impositions et pénalités ; que, par arrêt du 25 mars 2014, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Otto German contre ce jugement ; que, par une décision du 24 juin 2015, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé en la forme l'arrêt du 25 mars 2014, en toutes ses dispositions, pour omission de statuer sur un des moyens de la société Otto German et a renvoyé l'affaire à la Cour ;

Sur les conclusions à fin de décharge des intérêts de retard et de l'amende de 5 % prévue au 4 de l'article 1788 A du code général des impôts :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les intérêts de retard et l'amende de 5 % prévue au 4 de l'article 1788 A du code général des impôts infligée à la société Otto German ont fait l'objet par une décision du 7 mai 2012, au cours de l'instance devant le Tribunal administratif de Paris, d'un dégrèvement total en application des dispositions de l'article 1756 du même code, pour un montant total de 105 000 euros à la suite de la mise en liquidation judiciaire de cette société par jugement du Tribunal de commerce de Paris du 12 avril 2012 ; que, dans ces conditions, la demande présentée par la société Otto German était devenue sans objet à hauteur des sommes ainsi dégrevées en cours d'instance ; que le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 30 avril 2013, qui a statué sur les conclusions correspondantes de la demande, doit, dans cette limite, être annulé ;

3. Considérant qu'il y a lieu de statuer par voie d'évocation sur les conclusions de la demande tendant à la décharge des intérêts de retard et de l'amende de 5 % prévue au 4 de l'article 1788 A du code général des impôts et, dès lors qu'il résulte de ce qui précède que ces pénalités sont devenues sans objet au cours de la procédure de première instance, de constater qu'il n'y a plus lieu d'y statuer ;

Sur le surplus des conclusions de la requête :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

4. Considérant que si la société requérante soutient que le jugement attaqué n'aurait répondu que partiellement à l'argumentation par laquelle elle contestait les éléments présentés par l'administration comme des indices d'une application erronée du régime de la marge, elle n'assortit pas son moyen des précisions nécessaires à l'examen de son bien-fondé dès lors qu'elle ne précise pas les branches de son moyen auxquelles les premiers juges n'auraient pas répondu ; qu'en tout état de cause, le Tribunal administratif n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments dont la société requérante avait assorti son moyen ;

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation " ; et qu'aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions " ;

6. Considérant que, dès lors que la régularité de la motivation d'une proposition de rectification ne dépend pas du bien-fondé de ses motifs, la société requérante ne critique pas utilement la régularité de la motivation de la proposition de rectification du 26 janvier 2011 en soutenant qu'elle serait entachée de contradictions en droit et en fait ;

7. Considérant, en second lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans leur rédaction applicable à l'année 2008 comme dans celle applicable aux années 2009 et 2010, que lorsque l'administration use de la faculté qu'elles lui confèrent dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes ont un caractère fictif, ou, que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ;

8. Considérant que la société Otto German soutient que la procédure d'imposition est irrégulière, faute pour l'administration d'avoir mis en oeuvre la procédure de répression des abus de droit prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales alors que le vérificateur a motivé ses redressements en se prévalant implicitement mais nécessairement du caractère factice de la construction juridique mise en place en ce qu'il a relevé que les fournisseurs espagnols étaient réputés n'avoir jamais acquis les véhicules litigieux et en écartant comme fictives les factures établies par ces derniers ; que, toutefois, devant le juge de l'impôt l'administration n'a ni contesté la réalité des transactions effectuées par la société Otto German avec ses fournisseurs espagnols ni proposé d'écarter comme fictives les factures établies par ces sociétés mais s'est bornée à faire valoir, sur la base de l'analyse qu'elle a faite des informations qu'elle a rassemblées grâce à l'assistance internationale et des documents produits par la société requérante, que le régime de la marge n'était pas applicable dès lors que les véhicules en litige avaient été initialement acquis auprès d'assujettis-revendeurs ayant bénéficié d'un droit à déduction lors de l'acquisition des véhicules et que la société requérante ne pouvait ignorer que ses fournisseurs n'étaient pas en droit d'appliquer le régime de taxation sur la marge à leurs ventes de véhicules ; qu'au surplus, et en tout état de cause, en relevant dans la proposition de rectification qu'il n'y avait eu aucun flux physique de marchandises entre les assujettis-revendeurs allemands et les sociétés espagnoles et en faisant valoir que, par suite, les factures émises par ces dernières présentaient un caractère fictif, l'administration n'a pas, ce faisant, argué, même implicitement, de la dissimulation de la portée véritable d'aucune convention ou d'aucun contrat ; qu'il en résulte que l'administration n'avait pas à recourir à la procédure d'abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, la société Otto German n'est pas fondée à invoquer l'absence de respect des garanties offertes par cette procédure ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions litigieuses :

9. Considérant qu'aux termes du I de l'article 256 bis du code général des impôts : " 1 Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises (...) 2° bis Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion (...) effectuées à titre onéreux par un assujetti (...) ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en oeuvre des B ou C de l'article 26 bis de la directive n° 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 (...) " ; qu'aux termes du I de l'article 297 A du même code : " 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion (...) qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat (...) " ; qu'aux termes de l'article 297 E du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures ou tous autres documents en tenant lieu " ; qu'il résulte de ces dispositions, issues de la loi de finances rectificative pour 1994 du 29 décembre 1994 et qui ont pour objet de transposer l'article 26 bis de la sixième directive du 17 mai 1977, issu de l'article 1er de la septième directive du 14 février 1994, qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions précitées de l'article 297 E du code général des impôts, et dont le fournisseur, situé quant à lui dans un autre Etat membre, a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ; que l'administration peut toutefois remettre en cause l'application de ce régime lorsque l'entreprise française connaissait ou ne pouvait ignorer la circonstance que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur la marge prévu par l'article 26 bis de la directive du 17mai 1977 ;

10. Considérant, en premier lieu, que l'administration fait valoir que les factures établies par la société espagnole DMF Europea au nom de la SARL Otto German, communiquées par les autorités espagnoles dans le cadre de l'assistance administrative demandée par le service vérificateur le 12 juillet 2010, ne comportaient aucune mention relative à la taxe sur la valeur ajoutée alors que celles communiquées à l'administration française par la société requérante faisaient état de l'application du régime de la marge ; qu'il ressort des informations recueillies par le service auprès des autorités espagnoles dans le cadre de l'assistance administrative que la société DMF Europea et les autres sociétés espagnoles qui avaient établi les factures produites par la requérante n'exerçaient pas dans le domaine du négoce de véhicules automobiles ou ne disposaient pas de moyens d'exploitation suffisants pour exercer cette activité et qu'elles étaient pour partie gérées par le même administrateur et qu'un grand nombre d'entre elles étaient défaillantes dans leurs obligations déclaratives et avaient été radiées du registre des opérations intracommunautaires pour fraude ; qu'elle fait également valoir qu'il ressort des informations figurant sur les documents nécessaires à l'immatriculation des véhicules que la quasi-totalité des véhicules pour lesquels la société requérante avait produit des factures d'achat litigieuses établies par les fournisseurs espagnols avaient été acquis initialement auprès de sociétés de location de véhicules ou de concessionnaires allemands avant d'être revendus à d'autres sociétés allemandes exerçant une activité de garage et qu'aucun des assujettis revendeurs propriétaires successifs du véhicule n'était en droit d'appliquer le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ;

11. Considérant, en deuxième lieu, que l'administration établit également que la société Otto German, professionnelle de la vente de véhicules allemands, qui entretenait d'étroits contacts avec les sociétés allemandes fournisseurs des sociétés espagnoles et qui se chargeait directement du transport et de la livraison des véhicules en France ainsi que de leur immatriculation, ne pouvait ignorer que les sociétés espagnoles ayant émis les factures litigieuses n'avaient pas la qualité d'assujettis-revendeurs et qu'elle n'était par suite pas autorisée à appliquer elle-même le régime de taxation sur la marge ; qu'elle avait d'ailleurs été informée lors de contrôles de l'administration fiscale portant sur des années antérieures que ses fournisseurs espagnols n'étaient pas en droit d'appliquer le régime de taxation sur la marge ;

12. Considérant, en troisième lieu, que les termes de l'instruction fiscale n°3-K-1-95 du 17 février 1995 dont se prévaut la société requérante, selon lesquels les dispositions de l'article 279 A du code général des impôts permettent l'application du régime de la marge bénéficiaire lors de la revente en France des biens achetés dans un autre Etat-membre à un assujetti revendeur, ne comportent pas une interprétation de la loi différente de celle dont il a été fait application ;

13. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du I de l'article 242 terdecies de l'annexe II du code général des impôts : " Toute personne qui acquiert un moyen de transport mentionné au 1 du III de l'article 298 sexies du code général des impôts, en provenance d'un autre Etat membre de la Communauté européenne, est tenue de demander auprès de l'administration fiscale dont elle relève le certificat fiscal prévu au V bis de l'article 298 sexies du code général des impôts. Le certificat doit être obligatoirement présenté pour obtenir l'immatriculation ou la francisation d'un moyen de transport mentionné au premier alinéa et provenant d'un autre Etat membre de la Communauté européenne " ; qu'il résulte de ces dispositions que le visa apposé par l'administration fiscale sur le certificat en cause est délivré par l'administration, sur le fondement d'un contrôle en la forme des documents présentés, pour les seuls besoins de l'immatriculation ou de la francisation d'un moyen de transport introduit en France, sans avoir pour objet de prendre position sur le régime fiscal applicable au regard de la taxe sur la valeur ajoutée ; que la délivrance de ce document ne peut être regardée, en l'absence de toute mention expresse en ce sens, comme ayant le caractère d'une prise de position formelle de l'administration sur le régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable à la transaction ;

En ce qui concerne la pénalité pour manquement délibéré :

14. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ; qu'il incombe à l'administration d'apporter la preuve du bien-fondé de l'application de ces sanctions ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 8, 10 et 11 du présent arrêt que le service établit que la société, en déclarant relever du régime prévu à l'article 297 A du code général des impôts, a en toute connaissance de cause minoré ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée sur la période d'imposition en litige ; que la société Otto German n'est, dès lors, pas fondée à demander la décharge des pénalités qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Otto German n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1202364/1-2 du 30 avril 2013 du Tribunal administratif de Paris est annulé en ce qu'il a statué sur les conclusions à fin de décharge des intérêts de retard et de l'amende de 5 % prévue au 4 de l'article 1788 A du code général des impôts.

Article 2 : Dans la limite des dégrèvements mentionnés au point 2 du présent arrêt il n'y a pas lieu de statuer sur la demande présentée par la société Otto German.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Otto German est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Otto German et au ministre de l'économie et des finances.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal Paris centre et services spécialisés).

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Dalle, président,

- Mme Notarianni, premier conseiller,

- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 1er décembre 2016.

Le rapporteur,

L. NOTARIANNI

Le président,

D. DALLE

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA02727


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA02727
Date de la décision : 01/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Abus de droit et fraude à la loi.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Base d'imposition.


Composition du Tribunal
Président : M. DALLE
Rapporteur ?: Mme Laurence NOTARIANNI
Rapporteur public ?: M. BLANC
Avocat(s) : GUELOT et BARANEZ AVOCATS ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-12-01;15pa02727 ?
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