La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/11/2016 | FRANCE | N°15PA04634

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 30 novembre 2016, 15PA04634


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Foncière Le Charlebourg a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2002 et le 31 décembre 2004. Par un jugement

n° 0911961/1-2 du 25 octobre 2011, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 12PA00387 du 5 février 2013, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la socié

té Foncière Le Charlebourg contre le jugement du Tribunal administratif de Paris du 25 octobre ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Foncière Le Charlebourg a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2002 et le 31 décembre 2004. Par un jugement

n° 0911961/1-2 du 25 octobre 2011, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 12PA00387 du 5 février 2013, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Foncière Le Charlebourg contre le jugement du Tribunal administratif de Paris du 25 octobre 2011.

Par une décision n° 367898 du 9 décembre 2015, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 5 février 2013 et a renvoyé l'affaire devant la même Cour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 20 janvier 2012, 24 juillet 2012,

16 août 2012, 23 janvier 2013, 16 février 2016 et 21 mars 2016, la société Foncière Le Charlebourg, puis, venant aux droits et obligations de celle-ci, la société Property Investment Holding, représentées par MeA..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris du 25 octobre 2011 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que l'administration a remis en cause la déduction de la rémunération versée par sa société-mère, la société Property Investment Holding France, à la société-mère de celle-ci, de droit néerlandais, la société Property Investment Holding BV, et qu'elle a en conséquence remis en cause l'utilité pour la société Charlebourg des mêmes rémunérations refacturées par la société Property Investment Holding France ;

- par suite, c'est à tort que la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux factures adressées par cette dernière a été rejetée ;

- la jurisprudence limite la possibilité pour l'administration de remettre en cause la déduction de la taxe afférente à des factures de prestataires à l'hypothèse dans laquelle les prestations sont inexistantes ou fictives, mais interdit de remettre en cause cette déduction dans la situation où seule la valeur des services rendues est contestée ;

- la réalité des prestions fournies par la société néerlandaise, par le biais des sociétés Epic et Larix, est justifiée par l'ensemble des pièces produites devant le tribunal administratif et devant la Cour ;

- ces prestations étaient utiles aux sociétés françaises et le montant de 200 000 euros facturé annuellement par la société néerlandaise était justifié ;

- il est d'ailleurs inférieur à la valeur des prestations rendues en se référant à celles qu'un tiers aurait pu exiger pour les mêmes prestations ;

- en tout état de cause, la discussion sur la valeur des prestations n'est pas pertinente dans le cadre d'un litige relatif à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ;

- la remise en cause de la déduction par l'administration s'appuie sur une remise en cause non justifiée de l'organisation des flux de facturation et de prestations au sein du groupe et constitue une immixtion injustifiée dans la gestion du groupe ;

- les prestations facturées par la société Larix étaient réalisées concrètement par les trois cadres de sa société-mère, la société Vistra ;

- le groupe Vistra et la société Larix étaient extérieurs au groupe PIH ;

- le groupe PIH n'avait aucun intérêt à payer des tiers pour des services administratifs et comptables non rendus ;

- la somme versée à PIH BV est en tout état de cause inférieure à la valeur de la prestation rendue au titre de la gestion opérationnelle, sans tenir compte des coûts d'assistance à la gestion en matière administrative et comptable ;

- le caractère anormal du prix versé n'est pas de nature à faire obstacle à la déductibilité de la taxe correspondante ;

- elle a réalisé en France une plus-value taxable.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 juillet 2012, 3 août 2012 et

10 mars 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 11 mars 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 4 avril 2016.

Un mémoire a été présenté pour la société requérante le 21 septembre 2016 après la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard, rapporteur,

- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la société requérante.

Une note en délibéré a été déposée le 17 novembre 2016 pour la société requérante.

1. Considérant que la Sarl Foncière Le Charlebourg détenue à 99 % par la société PIH France, a pour activité l'exploitation d'un immeuble situé à La Garenne-Colombes (Hauts-de-Seine) ; que l'administration a remis en cause la déductibilité des honoraires versés par elle à la société PIH France en vertu d'une convention d'assistance conclue entre les deux sociétés le

16 juillet 2002 ; que ces honoraires correspondent à la refacturation partielle des honoraires versés par PIH France à la société de droit néerlandais PIH BV ; qu'ils ont été réintégrés dans les résultats de la Sarl Foncière Le Charlebourg ; que, toutefois, ces rectifications ont été neutralisées en matière d'impôt sur les sociétés compte tenu de l'appartenance du contribuable à un même groupe fiscalement intégré ; qu'en revanche, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été réclamés à la Sarl Foncière le Charlebourg sur le fondement des dispositions combinées des articles 269, 271-I-1, 272-2, 283-4 du code général des impôts et 230-1 de l'annexe II à ce code, au motif que le paiement des honoraires en cause ne correspondait pas à une dépense nécessaire à l'exploitation ; que par un jugement du 25 octobre 2011, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2002 et le

31 décembre 2004 ; que la Sarl Foncière Le Charlebourg fait appel de ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 230 de l'annexe II au code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " La taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens et services que les assujettis à cette taxe acquièrent ou qu'ils se livrent à eux-mêmes n'est déductible que si ces biens ou services sont nécessaires à l'exploitation. (...) " ; que lorsque l'administration, sur le fondement de ces dispositions, met en cause la déductibilité de la taxe ayant grevé l'acquisition d'un bien ou d'un service, il lui appartient, lorsqu'elle a mis en oeuvre la procédure de redressement contradictoire et que le contribuable n'a pas accepté le redressement qui en découle, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour soutenir que le bien ou le service acquis n'était pas nécessaire à l'exploitation ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en vertu d'une " convention d'assistance " conclue le 23 novembre 2002, la société PIH BV a été chargée de fournir à la société PIH France des prestations " d'assistance au développement et d'assistance administrative et financière " ; que cette convention a prévu qu'en contrepartie, PIH France verserait des honoraires forfaitaires à la société PIH BV, d'un montant annuel de 200 000 euros ; que l'administration fait valoir, notamment, que la société PIH BV ne disposait pas des moyens matériels et humains nécessaires à la réalisation des prestations prévues par la convention du 23 novembre 2002 et que la société PIH France recourait déjà à plusieurs prestataires français pour la gestion administrative, technique, comptable et locative des immeubles, pour la tenue de sa comptabilité, ainsi que pour le conseil juridique ;

4. Considérant que la société requérante justifie, notamment par les pièces produites en première instance, d'une part que la société de droit britannique Epic, filiale de PIH BV, facturait à cette dernière, au titre de prestations de stratégie d'investissement, les dépenses effectuées notamment par son dirigeant, M.C..., et, d'autre part, que la société de droit néerlandais Larix facturait à la société PIH BV, en vertu d'une convention de " management agreement " du 18 octobre 2000, des prestations de gestion administrative, juridique, comptable et financière ; que la requérante fait valoir que les différents courriers, courriels, comptes-rendus de réunions, pièces justificatives de transport et d'hébergement, attestent que M. C...se rendait fréquemment en France, que les prestations réalisées par Epic et Larix étaient refacturées à la société PIH France et que le montant forfaitaire de ces refacturations était inférieur à la valeur réelle des prestations ;

5. Considérant d'une part qu'il résulte tant des termes mêmes de la convention de " management agreement " du 18 octobre 2000 signée entre PIH BV et Larix BV que des pièces produites au dossier que les prestations réalisées concrètement par trois personnes employées par la société-mère de la société Larix, la société Vistra, consistaient à assurer le développement du groupe dans différents pays, dont la France, à optimiser la gestion de la trésorerie du groupe, à coordonner l'activité des filiales, et à contrôler la tenue de la comptabilité ; que si ces missions sont distinctes de celles assurées par les prestataires extérieurs français mentionnés ci-dessus, les pièces produites ne permettent pas de les regarder comme correspondant à des prestations réalisées dans le seul intérêt de l'exploitation de la société PIH France ou de ses filiales ;

6. Considérant d'autre part qu'il résulte de l'instruction que les prestations réalisées au nom de la société Epic par M. C...consistaient en une assistance apportée à la société requérante pour le choix des investissements, les travaux à effectuer et le moment où vendre les actifs immobiliers, et présentaient un intérêt pour son exploitation propre ; qu'elles ne pouvaient être réalisées ni par son unique salariée, employée à temps partiel pour assurer essentiellement des fonctions de représentation, ni par les prestataires extérieurs, la société Saggel Gestion, le cabinet NSK et MeB..., auxquels étaient confiées des prestations distinctes de celles visées par la convention d'assistance ; qu'ainsi, et alors même que la convention conclue entre la société PIH BV et la société Epic définissant les prestations réalisées par celle-ci n'a pas été produite et que les prestations en cause aient pu contribuer au contrôle assuré sur la gestion des filiales françaises par la société mère néerlandaise, l'activité de M.C..., commandée par l'intérêt du groupe, peut être regardée, dans ces conditions, comme correspondant à des prestations réalisées dans l'intérêt de la société requérante ;

7. Mais considérant que la société requérante, alors qu'elle est seule en mesure de le faire, n'a produit aucun élément permettant de distinguer la fraction des honoraires litigieux correspondant aux prestations assurées par la société Epic de la fraction de ces honoraires correspondant aux prestations assurées par la société Larix ; qu'elle ne met ainsi pas la Cour en mesure d'identifier le montant des honoraires correspondant à des prestations réalisées dans son intérêt ; qu'en se bornant à faire valoir qu'elle a réalisé en France une plus-value importante, que le groupe Vistra et la société Larix étaient extérieurs au groupe PIH et que le groupe PIH n'avait aucun intérêt à payer des tiers pour des services administratifs et comptables non rendus, et à soutenir, sans d'ailleurs l'établir en se contentant d'invoquer les rémunérations généralement admises en pourcentage du montant des loyers perçus et de la valeur des biens composant le patrimoine des sociétés bénéficiaires des services, que la somme versée à PIH BV était en tout état de cause inférieure à la valeur de la prestation rendue au titre de la seule gestion opérationnelle, sans tenir compte des coûts d'assistance à la gestion en matière administrative et comptable, la société requérante ne met pas la Cour en mesure d'effectuer la distinction susmentionnée ; que la circonstance tirée de ce que le caractère anormalement élevé du prix d'un bien ou d'un service ne fasse pas obstacle à la déductibilité de la taxe ayant grevé son prix n'est pas de nature à dispenser la société requérante de fournir les éléments permettant d'identifier la fraction des honoraires litigieux correspondant aux prestations effectuées dans son intérêt ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Foncière Le Charlebourg, aux droits de laquelle se présente la société PIH France, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Foncière Le Charlebourg est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Property Investment Holding France et au ministre de l'économie et des finances.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 30 novembre 2016.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

P. LIMMOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA04634


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA04634
Date de la décision : 30/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : FIDAL PARIS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-11-30;15pa04634 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award