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17/11/2016 | FRANCE | N°16PA00352

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 17 novembre 2016, 16PA00352


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le parti politique Esprit neuf a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 16 mars 2015 par laquelle la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), après avoir examiné son recours gracieux en date du 13 février 2015, a confirmé sa décision du 16 décembre 2014 lui retirant le droit, pour l'année 2015, au bénéfice des articles 8 à 10 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 et à la réduction d'impôt prévue au 3 de l'article 200 du code g

néral des impôts pour les dons et cotisations versés à son profit.

Par un juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le parti politique Esprit neuf a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 16 mars 2015 par laquelle la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), après avoir examiné son recours gracieux en date du 13 février 2015, a confirmé sa décision du 16 décembre 2014 lui retirant le droit, pour l'année 2015, au bénéfice des articles 8 à 10 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 et à la réduction d'impôt prévue au 3 de l'article 200 du code général des impôts pour les dons et cotisations versés à son profit.

Par un jugement n° 1508973 du 24 novembre 2015, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 25 janvier 2016, le parti politique " Esprit neuf ", représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1508973 du 24 novembre 2015 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 16 mars 2015 par laquelle la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a confirmé, après avoir examiné son recours gracieux en date du 13 février 2015, sa décision du 16 décembre 2014 lui retirant le droit, pour l'année 2015, au bénéfice des articles 8 à 10 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 et à la réduction d'impôt prévue au 3 de l'article 200 du code général des impôts pour les dons et cotisations versés à son profit ;

3°) de mettre les dépens à la charge de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

Il soutient que :

- sa demande de première instance était recevable, car le recours gracieux a été présenté par les commissaires aux comptes en son nom au titre des obligations qui leur incombent de déposer les comptes du parti politique dans le délai légal ;

- la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a commis une erreur d'appréciation en n'admettant pas le cas de force majeure que représente le problème de santé du commissaire au compte rendu indisponible quatre jours avant la date limite du dépôt légal des comptes.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 avril 2016, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- les commissaires aux comptes ont introduit le recours gracieux en méconnaissance du code de déontologie régissant leur profession, qui leur interdit de représenter en justice leurs clients ;

- la force majeure invoquée n'est pas caractérisée en l'espèce, l'indisponibilité du commissaire aux comptes pour raison de santé n'étant ni extérieure, ni imprévisible ni irrésistible, tandis qu'il était possible de recourir à un suppléant.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code électoral ;

- la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Diémert, président assesseur ;

- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public ;

- les observations de M.A..., représentant de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

1. Considérant qu'aux termes de l'article 11-7 de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, dans sa rédaction alors applicable : " Les partis ou groupements bénéficiaires de tout ou partie des dispositions des articles 8 à 11-4 ont l'obligation de tenir une comptabilité. (...) / Les comptes de ces partis ou groupements sont arrêtés chaque année. Ils sont certifiés par deux commissaires aux comptes et déposés dans le premier semestre de l'année suivant celle de l'exercice à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques instituée à l'article L. 52-14 du code électoral, qui assure leur publication sommaire au Journal officiel de la République française. Si la commission constate un manquement aux obligations prévues au présent article, le parti ou groupement politique perd le droit, pour l'année suivante, au bénéfice des dispositions des articles 8 à 10 de la présente loi " ;

2. Considérant que le parti politique Esprit neuf disposait, conformément à l'article 11-2 de la loi du 11 mars 1988 d'un mandataire financier depuis le 8 juin 2011 et relevait, à ce titre, pour l'exercice 2013, du régime institué par les dispositions précitées de la loi du 11 mars 1988 ; qu'il lui incombait, conformément à l'article 11-7 de cette loi, de déposer ses comptes de l'exercice 2013 certifiés par deux commissaires aux comptes auprès de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au plus tard le 30 juin 2014 ;

3. Considérant que, par un courrier adressé le 7 juillet 2014 à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et reçu le 8 juillet par cette autorité, le parti politique " Esprit neuf " a procédé au dépôt de ses comptes certifiés ; que, par une décision du 16 décembre 2014, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a constaté que le parti n'avait pas satisfait à ses obligations légales en raison du dépôt hors délai de ses comptes certifiés et a, en conséquence, décidé qu'Esprit neuf ne pourrait " plus contribuer au financement d'une campagne électorale ou d'un autre parti politique " et que les dons et cotisations versés à son profit au titre de l'année 2015 ne pourraient ouvrir droit à la réduction d'impôt prévue à l'article 3 de l'article 200 du code général des impôts ; qu'elle a précisé qu'Esprit neuf ne retrouverait ses droits que s'il satisfaisait à ses obligations au titre de l'année 2014 ; que, le 13 février 2015, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a reçu un recours gracieux signé des commissaires aux comptes du parti politique " Esprit neuf " ; que, par une décision du 16 mars 2015, elle a rejeté ce recours gracieux comme irrecevable pour le motif que les commissaires aux comptes n'étaient pas investis du pouvoir de représentation du parti et qu'une telle mission leur était interdite aux termes des articles L. 823-9 et L. 823-10 du code du commerce ; que le parti politique relève appel du jugement du 24 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté comme tardive sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 décembre 2014 confirmée le 16 mars 2015 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Considérant que, sauf dans le cas où des dispositions législatives ou réglementaires ont organisé des procédures particulières, toute décision administrative peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose la production d'un mandat en bonne et due forme pour former un recours gracieux au nom de la personne destinataire de la décision administrative litigieuse ;

5. Considérant que l'article 10, intitulé " Situations interdites " du " code de déontologie de la profession de commissaire aux comptes " inséré à l'annexe 8-1 de la partie réglementaire du code de commerce sur le fondement de l'article L. 822-16 du même code, dispose que : " Il est interdit au commissaire aux comptes de fournir à la personne ou à l'entité dont il certifie les comptes, ou aux personnes ou entités qui la contrôlent ou qui sont contrôlées par elle (...) tout conseil ou toute prestation de services n'entrant pas dans les diligences directement liées à la mission de commissaire aux comptes, telles qu'elles sont définies par les normes d'exercice professionnel. / A ce titre, il lui est interdit de procéder, au bénéfice, à l'intention ou à la demande de la personne ou de l'entité dont il certifie les comptes : (...) 4° A la rédaction des actes ou à la tenue du secrétariat juridique ; (...) 14° A la représentation des personnes mentionnées à l'alinéa premier et de leurs dirigeants devant toute juridiction, ou à toute mission d'expertise dans un contentieux dans lequel ces personnes seraient impliquées (...) " ; que la méconnaissance de ces dispositions fait notamment encourir à son auteur des sanctions disciplinaires ;

6. Considérant si un commissaire aux comptes ne peut en principe, en vertu de ces dispositions, accepter d'être mandaté par la personne dont il vérifie les comptes pour déposer un recours gracieux en son nom, la méconnaissance de ces dispositions déontologiques n'a pas et ne saurait avoir pour effet, eu égard à la finalité poursuivie par elles, d'affecter la validité du recours administratif qu'il a déposé dans de telles conditions ; qu'ainsi, la circonstance qu'un recours gracieux a été présenté par un commissaire aux comptes n'est pas de nature à le faire regarder, pour la conservation du délai de recours contentieux, comme non avenu ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le recours gracieux formé, dans le délai de deux mois, le 13 février 2015 a eu pour effet de conserver le délai de recours contentieux contre la décision du 16 décembre 2014 ; que, par suite, la demande du parti politique Esprit neuf dirigée contre le rejet de ce recours gracieux par la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 16 mars 2015 notifiée le 31 mars 2015, qui a été enregistrée le 1er juin 2015 au greffe du tribunal administratif, n'était pas tardive ; que, dès lors, le parti politique est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande comme irrecevable ; que, par suite, le jugement attaqué doit être annulé comme irrégulier ;

8. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par le parti politique " Esprit neuf " devant le tribunal administratif de Paris ;

Sur la légalité de la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques :

9. Considérant qu'il résulte des dispositions, citées au point 1, de l'article 11-7 de la loi du 11 mars 1988 que les partis politiques sont tenus de déposer à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques leurs comptes certifiés par deux commissaires aux comptes avant le 30 juin de l'année suivant celle de l'exercice, le cachet de la poste faisant foi ; qu'il n'appartient pas à la commission de prolonger ce délai, qui présente un caractère impératif ;

10. Considérant qu'il est constant que le parti politique " Esprit neuf " a déposé auprès de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ses comptes certifiés pour l'exercice 2013 par un courrier envoyé le 7 juillet 2014, le cachet de la poste faisant foi, soit postérieurement au délai imparti par les dispositions légales précitées ; que, s'il soutient ce retard est imputable à des problèmes de santé ayant affecté l'un des deux commissaires aux comptes, il appartenait au parti politique de saisir les commissaires aux comptes dans un délai compatible avec la date limite de dépôt des comptes auprès de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ou de recourir à la procédure de suppléance prévue par l'article L. 823-1 du code de commerce ; que, dans les circonstances de l'espèce, l'empêchement du commissaire au compte ne présente pas les caractéristiques d'un cas de force majeure de nature à exonérer le parti politique " Esprit neuf " du respect, pour le dépôt de ses comptes certifiés, du délai impératif fixé par les dispositions rappelées ci-dessus de l'article 11-7 de la loi du 11 mars 1988 ; que, dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a constaté, par la décision litigieuse du 16 décembre 2014, qu'il avait méconnu ses obligations comptables et perdu en conséquence, pour l'année suivante, le droit au bénéfice des dispositions des articles 8 à 10 de la loi du 11 mars 1988 ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande présentée par le parti politique " Esprit neuf " devant le tribunal administratif de Paris doit être rejetée ;

12. Considérant que les conclusions du requérant devant le tribunal administratif et la cour tendant à ce que les dépens soient mis à la charge de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ne peuvent qu'être rejetées, dès lors que ces instances n'impliquent pas la fixation du moindre dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1508973 du 24 novembre 2015 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par le parti politique " Esprit neuf " devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au parti politique " Esprit neuf " et à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 3 novembre 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Amat, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 novembre 2016.

Le rapporteur,

S. DIÉMERTLa présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,

A. LOUNIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA00352


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16PA00352
Date de la décision : 17/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Élections et référendum - Dispositions générales applicables aux élections - Financement et plafonnement des dépenses électorales - Compte de campagne.

Procédure - Introduction de l'instance - Délais - Interruption et prolongation des délais - Interruption par un recours administratif préalable.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : DEBONO-CHAZAL

Origine de la décision
Date de l'import : 29/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-11-17;16pa00352 ?
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