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15/11/2016 | FRANCE | N°15PA04519

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 15 novembre 2016, 15PA04519


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

Mme C...B...a saisi le juge des référés du Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser à titre provisionnel la somme de 52 347 euros, augmentée en cours d'instance de 4893 euros et la somme de 10 000 euros, avec intérêts à compter du 1er janvier 2015, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l'ordonnance, au titre du non versement par l'administration du supplément familial de traitement et de l'absence de prise en compte de son avancement indicia

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Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

Mme C...B...a saisi le juge des référés du Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser à titre provisionnel la somme de 52 347 euros, augmentée en cours d'instance de 4893 euros et la somme de 10 000 euros, avec intérêts à compter du 1er janvier 2015, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l'ordonnance, au titre du non versement par l'administration du supplément familial de traitement et de l'absence de prise en compte de son avancement indiciaire depuis 2009, et en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis de ce fait.

Par une ordonnance n°1507364/5-2 du 23 novembre 2015, le juge des référés du Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à Mme B...une provision de 2 000 euros, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2015, MmeB..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) de réformer cette ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Paris du 23 novembre 2015 ;

2°) statuant en référé, de condamner l'Etat à lui verser à titre provisionnel les sommes de 31 480 euros et 10 000 euros, augmentées des intérêts avec capitalisation, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l'ordonnance, au titre du non versement par l'administration du supplément familial de traitement depuis 2009 et en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis de ce fait ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés personnellement en première instance ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des mêmes dispositions au titre de l'instance d'appel.

Elle soutient que :

- l'ordonnance attaquée est irrégulière ;

- elle n'a pas visé son mémoire du 25 août 2015 ;

- des moyens n'ont pas été examinés ;

- l'instruction a été irrégulière, notamment au regard des règles relatives à la clôture de l'instruction ;

- des pièces nouvelles fournies le 25 août 2015 avant la clôture de l'instruction fixée au 26 août 2015, notamment une attestation de la caisse d'allocations familiales concernant toute la période de 2008 à 2014, n'ont pas été prises en compte ;

- au vu de ces pièces et des articles 10 à 12 du décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985 ainsi que de la circulaire du 9 août 1999 relative aux modalités de calcul du supplément familial de traitement, l'obligation dont elle se prévaut au titre du non versement de ce supplément présente un caractère non sérieusement contestable ;

- le supplément familial de traitement ne lui a toujours pas été versé ;

- le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence résultent de l'absence de versement des sommes dues pendant plusieurs années dans le but de ne plus faire figurer ses enfants à charge sur ses fiches de paie et d'augmenter la quotité saisissable, et de l'inertie de l'administration depuis sa réclamation présentée au mois de décembre 2014.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 février 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à ce que l'ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Paris du 23 novembre 2015 soit réformée en ce qu'elle a condamné l'Etat à verser à Mme B...une provision de 2 000 euros ;

3°) à titre subsidiaire, à ce que le montant de cette provision soit réduit à un euro.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés ;

- le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence dont Mme B...s'estime victime trouvent leur cause principale dans son absence de diligence et dans son refus de communiquer les pièces qui lui ont été demandées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 68-15250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet,

- et les conclusions de M. Baffray, rapporteur public.

Connaissance prise des pièces produites en délibéré le 2 novembre 2016.

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme C...B..., administratrice civile affectée par arrêté du 30 avril 2002 à la direction générale de l'administration et de la fonction publique du ministère des finances, a notamment été placée sur sa demande en congé de présence parentale, sans traitement, du 18 juin 2008 au 30 mai 2009 puis du 11 au 31 août 2010 et du 11 février au 31 décembre 2014 ; qu'elle a également bénéficié d'un congé de solidarité familiale du 26 février au 25 mai 2011 ; qu'elle a demandé au juge des référés du Tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à lui verser à titre provisionnel la somme de 52 347 euros, augmentée en cours d'instance de 4 893 euros, au titre du non versement par l'administration du supplément familial de traitement et de l'absence de prise en compte de son avancement indiciaire depuis 2009, et la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qu'elle estimait avoir subis de ce fait ; que, par une ordonnance du 23 novembre 2015, le juge des référés du Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à lui verser une provision de 2 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence causés par un retard de l'administration dans la régularisation de sa situation indiciaire ; que Mme B...fait appel de cette ordonnance en ce qu'elle a partiellement rejeté ses conclusions, et demande que l'Etat soit condamné à lui verser à titre provisionnel les sommes de 31 480 euros et 10 000 euros ; que le ministre des finances et des comptes publics demande, par la voie de l'appel incident, la réformation de cette même ordonnance en ce qu'elle a condamné l'Etat à verser à Mme B...une provision de 2 000 euros ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie " ; qu'aux termes de l'article R. 541-3 du même code : " L'ordonnance rendue par le président du tribunal administratif ou par son délégué est susceptible d'appel devant la cour administrative d'appel dans la quinzaine de sa notification " ;

En ce qui concerne la régularité de l'ordonnance attaquée :

3. Considérant que, contrairement à ce que soutient MmeB..., l'ordonnance attaquée vise son mémoire enregistré le 25 août 2015 et examine l'ensemble des moyens qu'elle a invoqués en première instance ; que le juge des référés n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments qu'elle avait fait valoir à l'appui de ces moyens, ni de faire état de l'ensemble des pièces qu'elle avait produites ; que Mme B...n'assortit d'aucune précision le moyen par lequel elle conteste la régularité de l'instruction au terme de laquelle l'ordonnance a été rendue ;

En ce qui concerne le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. (...) Le droit au supplément familial de traitement est ouvert en fonction du nombre d'enfants à charge au sens du titre Ier du livre V du code de la sécurité sociale, à raison d'un seul droit par enfant (...) " ; qu'aux termes de l'article 10 du décret du 24 octobre 1985 : " Le droit au supplément familial de traitement, au titre des enfants dont ils assument la charge effective et permanente à raison d'un seul droit par enfant, est ouvert (...) aux fonctionnaires civils (...). / La notion d'enfant à charge à retenir pour déterminer l'ouverture du droit est celle fixée par le titre Ier du livre V du code de la sécurité sociale. / (...) Les dates d'ouverture, de modification et de fin de droit fixées en matière de prestations familiales par l'article L. 552-1 du code de la sécurité sociale sont applicables au supplément familial de traitement " ;

5. Considérant que l'article L. 512-3 du code de la sécurité sociale dispose : " Sous réserve des règles particulières à chaque prestation, ouvre droit aux prestations familiales : / 1°) tout enfant jusqu'à la fin de l'obligation scolaire ; / 2°) après la fin de l'obligation scolaire, et jusqu'à un âge limite, tout enfant dont la rémunération éventuelle n'excède pas un plafond (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 513-1 du même code : " Les prestations familiales sont, sous réserve des règles particulières à chaque prestation, dues à la personne physique qui assume la charge effective et permanente de l'enfant " ;

6. Considérant que les pièces produites par Mme B...le 28 avril 2016 devant la Cour permettent d'établir le nombre d'enfants à sa charge effective et permanente, soit six enfants pour les années 2010 et 2011 et cinq enfants pour les années 2012 à 2014 ; qu'ainsi, l'existence de l'obligation dont Mme B...se prévaut au titre du supplément familial de traitement pour ces années présente en l'état de l'instruction un caractère non sérieusement contestable au sens de l'article R. 541-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, par suite, de faire droit à ses conclusions en lui allouant à ce titre une provision de 10 000 euros ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'il est constant que Mme B...n'a demandé à l'administration de régulariser sa situation indiciaire que par un courrier du 29 décembre 2014, et que cette régularisation a été opérée par arrêté du 12 mai 2015 ; qu'en outre, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, Mme B...n'a produit les pièces justifiant de sa situation au regard du supplément familial de traitement que le 28 avril 2016 devant la Cour ; que, dans ces conditions, le ministre est fondé à soutenir que l'existence de l'obligation dont elle se prévaut, correspondant au préjudice moral qu'elle estime avoir subi en raison selon elle, du retard fautif de l'administration dans la régularisation de sa situation, ne présente pas en l'état de l'instruction un caractère non sérieusement contestable au sens de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, et que c'est à tort que le juge des référés du Tribunal administratif de Paris a, par l'ordonnance attaquée, condamné l'Etat à lui verser à ce titre une provision de 2 000 euros ;

8. Considérant, en troisième lieu, que, compte tenu de ce qui vient d'être dit, les conclusions de Mme B...tendant à ce que le montant de la provision qui lui a été accordée par le juge des référés du Tribunal administratif de Paris au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence, soit porté à 10 000 euros, ne peuvent qu'être rejetées ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...est seulement fondée à demander la condamnation de l'Etat à lui verser, au titre du supplément familial de traitement dont elle a été privée, une provision de 10 000 euros ;

En ce qui concerne les conclusions de Mme B...présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que le juge des référés du Tribunal administratif de Paris s'est livré à une exacte application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en mettant à la charge de l'Etat la somme de 100 euros au titre des frais exposés par MmeB..., qui n'a pas pris d'avocat en première instance ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de Mme B...présentées sur le fondement des mêmes dispositions tendant au remboursement des frais qu'elle a exposés en appel ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'Etat est condamné à verser à Mme B...une provision de 10 000 euros.

Article 2 : L'ordonnance n°1507364/5-2 du juge des référés du Tribunal administratif de Paris du 23 novembre 2015 est réformée en ce qu'elle a de contraire aux motifs et dispositif du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 novembre 2016.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 15PA04519


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA04519
Date de la décision : 15/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : ICARD

Origine de la décision
Date de l'import : 29/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-11-15;15pa04519 ?
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