Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...a demandé au Tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté du 21 octobre 2014 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n°1505898 du 22 septembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 14 décembre 2015, MmeB..., représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 septembre 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 21 octobre 2014 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) à défaut, d'enjoindre au préfet d'annuler l'obligation de quitter le territoire français et de réexaminer sa demande d'octroi d'un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'avis rendu par le médecin en chef le 27 janvier 2014 est irrégulier ;
- la décision refusant l'octroi d'un titre de séjour méconnaît le 11°) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que l'article L. 313-12 du même code ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 juillet 2016, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 20 novembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2008/115/CE ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Niollet a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeB..., née le 4 mai 1979 à Kinshasa en République Démocratique du Congo, de nationalité congolaise, est, selon ses déclarations, entrée irrégulièrement en France le 9 janvier 2010, et a déposé une demande d'asile ; que cette demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 14 juin 2010, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 11 mai 2011 ; qu'elle a alors fait l'objet d'un arrêté préfectoral portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français le 15 juillet 2011 ; qu'elle a ensuite présenté une demande d'admission au séjour sur le fondement du 11°) de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par un arrêté du 21 octobre 2014, le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que par un jugement du 22 septembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté son recours en annulation dirigé contre cet arrêté ; qu'elle fait appel de ce jugement ;
Sur le refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'administration la communication de l'avis médical rendu par le médecin chef du service médical de la préfecture de police le 27 janvier 2014, et des documents et informations sur lesquels il s'est fondé ; que la circonstance que cet avis mentionne le Congo comme pays d'origine de la requérante, ce qui prêterait à confusion entre la République démocratique du Congo et la République du Congo est, dans les circonstances de l'espèce, sans influence sur la légalité de la décision contestée ; que, dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité de cet avis doit être écarté ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police (...) " ;
4. Considérant que, pour refuser à Mme B...la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de police s'est fondé sur l'avis du médecin chef du service médical de la préfecture de police du 27 janvier 2014, qui a considéré que, si l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le traitement approprié à son état est disponible dans son pays d'origine ; que, pour contredire l'avis de ce médecin, la requérante soutient que trois des quatre médicaments qui lui sont prescrits, la Mianserine, le Soreplexet, l'Atarax ne sont pas commercialisés en République démocratique du Congo ; que toutefois, la liste nationale des médicaments essentiels du ministère de la santé congolais, révisée en mars 2010, comporte des médicaments psychotropes, notamment des anti-psychotiques, des sédatifs et des médicaments destinés à soigner la dépression dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils ne seraient pas adaptés à son état ; que, si elle soutient également avoir besoin d'un suivi psychothérapeutique et psychiatrique, elle ne démontre pas avoir faire l'objet d'un tel suivi depuis le mois de juin 2013 ; que par ailleurs, les liens allégués entre les traumatismes qu'elle aurait subis en République démocratique du Congo et son état actuel, comme les pénuries de médicaments dans son pays d'origine du fait des conflits armés, ne ressortent pas des pièces du dossier ; que, si elle soutient enfin qu'elle ne pourrait y bénéficier d'un traitement approprié à son état pour des raisons financières, elle ne l'établit pas davantage ; qu'ainsi, le moyen tiré d'une violation des dispositions citées ci-dessus doit être écarté ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 " ;
6. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le préfet de police est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement toutes les conditions prévues à l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que Mme B...ne démontre pas remplir les conditions de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet de police n'était donc pas tenu de saisir la commission du titre de séjour ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
8. Considérant que Mme B...soutient que depuis janvier 2014, ses trois enfants vivent avec elle sur le territoire français, sont scolarisés et intégrés ; que cette circonstance ne fait pas obstacle à la poursuite de la vie familiale hors de France où la requérante a conservé des attaches familiales ; que Mme B...soutient également que son fils aîné est porteur d'un syndrome drépanocytaire majeur diagnostiqué à son entrée en France en janvier 2014 rendant impossible son retour en République démocratique du Congo ; que toutefois, les molécules comprises dans les médicaments qu'il prend figurent sur la liste nationale des médicaments essentiels du ministère de la santé congolais ; qu'elle n'est donc pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué aurait méconnu les stipulations citées ci-dessus ;
9. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;
10. Considérant que, si Mme B...fait valoir que ses enfants sont scolarisés en France, elle n'établit pas qu'ils pourraient être empêchés de suivre leur scolarité dans le pays dont ils ont la nationalité ; que par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi qu'il a été exposé au point 8 du présent arrêt, que le suivi médical régulier exigé par l'état de santé de son fils aîné, ne pourrait pas être assuré dans ce pays ; qu'elle n'est donc pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué aurait méconnu les stipulations citées ci-dessus ;
11. Considérant enfin que pour les motifs exposés précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme B... ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
12. Considérant, en premier lieu, que Mme B...ne saurait utilement soutenir que l'avis du médecin chef du service médical de la préfecture de police serait irrégulier en ce qu'il ne précise pas si l'état de santé de l'intéressée lui permet de voyager sans risque vers son pays de renvoi, alors que l'article 4 de l'arrêté interministériel du 9 novembre 2011 visé ci-dessus ne fait pas obligation à ce médecin de se prononcer sur ce point ;
13. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé " ; que toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 4, Mme B...peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays de renvoi ; qu'en conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
14. Considérant, en troisième lieu, que pour les motifs exposés précédemment, la décision obligeant Mme B...à quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle ne méconnaît pas davantage les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur le délai de départ volontaire :
15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours (...) " ; qu'aux termes de l'article 5 de la directive 2008/115/CE : " Lorsqu'ils mettent en oeuvre la présente directive, les États membres tiennent dûment compte: a) de l'intérêt supérieur de l'enfant, b) de la vie familiale, c) de l'état de santé du ressortissant concerné d'un pays tiers, et respectent le principe de non-refoulement ", et qu'aux termes de l'article 7 de cette directive : (...) 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée du séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux " ;
16. Considérant qu'en dépit de l'état de santé et de la vie familiale de Mme B..., qui ne soutient pas avoir demandé à bénéficier d'un délai plus important, la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours ne peut être regardée comme reposant sur une appréciation manifestement erronée de sa situation ;
17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 20 octobre 2016, à laquelle siégeaient :
Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
M. Niollet, président-assesseur,
Mme Labetoulle, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 novembre 2016.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLET Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°15PA04499 7