Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du
5 février 2013 par laquelle le maire de la commune de Pontault-Combault a prononcé son exclusion temporaire de fonctions pour une durée de 18 mois dont 6 avec sursis, et d'enjoindre à la commune de le réintégrer dans ses fonctions.
Par un jugement n° 1301952 du 13 juillet 2015, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision attaquée, et a enjoint à la commune de Pontault-Combault de procéder à la réintégration de M. A...et de reconstituer sa carrière.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 14 août 2015, la commune de Pontault-Combault, représentée par Me Beaulac, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Melun n° 1301952 du 13 juillet 2015 ;
2°) de rejeter la demande de M.A... ;
3°) de mettre à la charge de M. A...le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier, le rapporteur public ayant présidé le conseil de discipline au cours duquel le cas de M. A...a été examiné pour les faits ayant entraîné la sanction en litige ;
- l'adjoint au maire qui a siégé au sein du conseil de discipline n'a pas déposé plainte contre M. A...et n'a pas fait preuve de partialité lors de ce conseil de discipline ;
- les deux représentants du syndicat CFDT ayant siégé au sein du conseil de discipline n'ont pas fait preuve de partialité ;
- les membres du conseil de discipline ont été suffisamment informés ;
- la décision attaquée est suffisamment motivée ;
- la sanction prononcée repose sur des faits matériellement constitués, à savoir la violation du devoir de réserve par l'expression de propos portant gravement atteinte à l'image de la commune et de ses élus et agents ;
- elle ne porte pas atteinte à la liberté d'expression de M. A...dès lors qu'en qualité de fonctionnaire il est soumis au devoir de réserve ;
- la sanction est proportionnée à la gravité de la faute commise.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2016, M. B...A..., représenté par
Me Krust, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Pontault-Combault sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le rapporteur public ne participant pas au délibéré, sa connaissance particulière du dossier est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué ;
- il est avéré que M. C...a déposé plainte contre lui ;
- la partialité de M. C...a été à juste titre retenue par le tribunal ;
- la présence au sein du conseil de discipline de deux membres du syndicat CFDT viole le principe d'impartialité compte tenu des positions prises à son égard par ce syndicat ;
- les membres du conseil de discipline n'ont pas été suffisamment informés, en méconnaissance de l'article 11 du décret du 18 décembre 1989, faute d'avoir eu connaissance des résultats de l'enquête administrative sur le harcèlement moral dont il a fait l'objet ;
- la sanction ne citant pas les propos incriminés est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'il n'a pas pris l'initiative de révéler qu'il était l'auteur d'un ouvrage ;
- elle porte atteinte à son droit d'expression et à la création littéraire ;
- la sanction est disproportionnée au regard des faits en cause et de sa situation personnelle et professionnelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;
- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 modifié ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hamon,
- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,
- les observations de Me Beaulac, avocat de la commune de Pontault-Combault ;
- et les observations de Me Krust, avocat de M.A....
1. Considérant que M.A..., agent contractuel de la commune de Pontault-Combault depuis 2001, puis agent administratif titulaire, nommé en 2008 responsable du service " environnement " avec le grade d'animateur, a fait l'objet, à la suite de la parution de deux articles de presse les 8 et 15 octobre 2012, d'une mesure de suspension pour une durée de quatre mois, puis, par arrêté du 5 février 2013, d'une sanction d'exclusion temporaire des fonctions pour une durée de 18 mois, dont six avec sursis, au motif qu'il avait méconnu son devoir de réserve en ayant déclaré être l'auteur d'un ouvrage intitulé " Abruti de fonctionnaire " publié sous un pseudonyme ; que la commune de Pontault-Combault relève appel du jugement du 13 juillet 2015 par lequel le Tribunal administratif de Melun a, à la demande de M.A..., annulé cet arrêté du 5 février 2013 et lui a enjoint de procéder à la réintégration de l'intéressé pendant la période où il a été illégalement exclu, ainsi qu'à la reconstitution de sa carrière ;
Sur les motifs d'annulation retenus par les premiers juges :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ;
2. Considérant, en premier lieu, que pour annuler la décision attaquée, les premiers juges ont considéré que M.C..., troisième adjoint au maire de Pontault-Combault, ayant siégé à la séance du conseil de discipline du 21 juin 2013 au cours de laquelle a été émis l'avis portant sur la sanction infligée à M.A..., avait fait preuve de partialité à son encontre en ayant auparavant déposé plainte contre celui-ci pour diffamation sur Internet, et en ayant évoqué cette affaire devant le conseil de discipline, alors que celui-ci n'en était pas saisi ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que si M. C...a déclaré aux services de police, le 24 avril 2011, vouloir porter plainte contre X à raison de propos tenus à son encontre sur un blog internet anonyme, cette seule démarche, effectuée deux ans avant la réunion du conseil de discipline, ne suffit pas à révéler une animosité personnelle de M. C...à l'égard de M.A..., lequel n'est pas nommément désigné ; qu'il ressort par ailleurs du procès verbal de la séance du 21 juin 2013, que s'il est constant que M. C... a évoqué la participation de M. A...à ce blog, il n'a pris que brièvement la parole à ce sujet, lequel n'a pas donné lieu à débats ; que dès lors, il ne peut être regardé comme ayant fait preuve de partialité à l'égard de M.A... ;
3. Considérant, en second lieu, que le tribunal a également considéré que les deux représentants du syndicat CFDT ayant siégé lors de ce conseil de discipline n'avaient pu que faire preuve de partialité dès lors que ce même syndicat avait diffusé une lettre ouverte apportant son soutien au personnel communal à la suite de la parution du livre de M.A... ; que, toutefois, compte tenu des termes mesurés de cette lettre ouverte qui se borne à qualifier l'ouvrage de " pamphlet ", du fait qu'elle n'émane que du seul secrétaire général de la section et qu'elle a été diffusée en novembre 2012, l'appartenance de deux autres membres de ce syndicat au conseil de discipline, lesquels n'ont personnellement jamais fait preuve d'une animosité personnelle à l'égard de M.A..., pour les faits en litige, n'est pas de nature à établir que ceux-ci auraient fait preuve de partialité à son encontre ;
4. Considérant que, dans ces conditions, la commune est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé l'arrêté prononçant la suspension des fonctions de M. A...au motif qu'elle avait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ; qu'il appartient, toutefois, à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...;
Sur les autres moyens soulevés par M. A...:
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 11 du décret du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux : " S'il ne se juge pas suffisamment éclairé sur les circonstances de l'affaire, le conseil de discipline peut, à la majorité des membres présents, ordonner une enquête. " ; qu'il ressort des pièces du dossier que le conseil de discipline a été saisi par un rapport détaillant précisément les griefs retenus à l'encontre de M. A...et citant les passages de son livre ayant fondé la procédure disciplinaire ; qu'après avoir entendu l'intéressé sur ce point et en avoir débattu, le conseil de discipline a rejeté la demande formulée par l'intéressé tendant à un report de l'examen de sa situation jusqu'à la remise du rapport de l'enquête administrative, alors en cours, portant sur les faits de harcèlement moral dont il estimait avoir été l'objet ; que, dans ces conditions, M. A...n'est pas fondé à soutenir que les membres du conseil de discipline auraient été insuffisamment informés des faits de manquement au devoir de réserve dont il était saisi ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs : " (...) doivent être motivées les décisions qui : (...) infligent une sanction ; (...). " ; que l'article 3 de la même loi dispose : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ; que l'arrêté attaqué, qui mentionne les éléments de droit et de fait qui le fondent, et décrit exactement et précisément les faits reprochés à M.A..., est suffisamment motivé, alors même qu'il n'a pas reproduit les passages du livre dont le contenu était reproché à l'intéressé ;
7. Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que M. A...n'ait pas spontanément révélé être l'auteur de l'ouvrage " Abruti de fonctionnaire " mais l'ait fait à la demande d'un journaliste est sans incidence sur sa responsabilité personnelle dans cette divulgation, qui a permis d'identifier la commune et les agents y étant décrits ; que l'arrêté attaqué n'est pas entaché d'une erreur en ce qu'il mentionne que M. A...était à l'origine de cette divulgation ;
8. Considérant, en quatrième lieu, que si l'article 3 de la loi précitée du 13 juillet 1983 garantit aux fonctionnaires la liberté d'opinion, l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui consacre la liberté d'expression de ces opinions prévoit que son exercice peut être soumis " à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui (...) " ; que l'obligation de réserve à laquelle sont tenus les fonctionnaires constitue une telle limite à la liberté d'expression des fonctionnaires ; que, compte tenu de la teneur des écrits publiés, qui sont de nature à jeter le discrédit sur l'ensemble des membres de l'administration communale et revêtent à de nombreuses reprises un style injurieux et dégradant, M.A..., qui ne conteste d'ailleurs pas avoir manqué à son devoir de réserve, n'est pas fondé à soutenir que la sanction attaquée porte une atteinte illégale à sa liberté d'expression ; que, pour les mêmes motifs, la sanction attaquée ne porte pas une atteinte illégale à son droit de production littéraire protégé par le III de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
9. Considérant, enfin, que compte tenu de la gravité des faits commis par M.A..., l'ouvrage dont il est l'auteur contenant de très nombreux passages injurieux envers des élus et des personnels de la commune aisément identifiables, la sanction d'exclusion temporaire des fonctions pour une durée de 18 mois, dont six avec sursis, n'est pas disproportionnée ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Pontault-Combault est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 5 février 2013 attaqué ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Pontault-Combault, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. A...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de M. A...une somme de 1 000 euros à verser à la commune de Pontault-Combault sur le fondement des mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Melun n° 1301952 du 13 juillet 2015 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Melun, ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : M. A...versera à la commune de Pontault-Combault une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Pontault-Combault et à M. B...A....
Délibéré après l'audience du 2 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- M. Dellevedove, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 novembre 2016.
Le rapporteur,
P. HAMONLe président,
B. EVENLe greffier,
S. GASPARLa République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA03293