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31/10/2016 | FRANCE | N°15PA01888

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 31 octobre 2016, 15PA01888


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Panthère Sécurité Privée a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 21 février 2013 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), statuant sur son recours administratif préalable dirigé contre la décision en date du 17 décembre 2012 de la commission interrégionale d'agrément et de contrôle d'Ile-de-France, lui a infligé une pénalité financière de 20 000 euros.

Par un

jugement n° 1306568/6-2 du 10 mars 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa requê...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Panthère Sécurité Privée a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 21 février 2013 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), statuant sur son recours administratif préalable dirigé contre la décision en date du 17 décembre 2012 de la commission interrégionale d'agrément et de contrôle d'Ile-de-France, lui a infligé une pénalité financière de 20 000 euros.

Par un jugement n° 1306568/6-2 du 10 mars 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 mai 2015, 23 et 24 juin 2016, la société Panthère Sécurité Privée, représentée par Me Loué, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1306568/6-2 du 10 mars 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 février 2013 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), statuant sur son recours administratif préalable dirigé contre la décision en date du 17 décembre 2012 de la commission interrégionale d'agrément et de contrôle d'Ile-de-France, lui a infligé une pénalité financière de 20 000 euros ;

2°) d'annuler la décision du 21 février 2013 ;

3°) de transmettre au Conseil constitutionnel constater la question prioritaire de constitutionnalité posée ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- la CNAPS a soulevé à tort, en première instance, une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête et une fin de non-recevoir tirée de l'absence de capacité à agir ;

- sa requête est suffisamment motivée ;

- les droits de la défense et le caractère contradictoire de la procédure n'ont pas été respectés ;

- dotée de pouvoirs concurrents à ceux dévolus au juge pénal, l'instauration de la CNAPS porte atteinte aux articles 34 et 66 de la Constitution, à son préambule, ainsi qu'aux articles 7, 8 et 9 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

- la sanction est disproportionnée.

Par un mémoire, enregistré le 12 août 2015, le ministre de l'intérieur indique que la défense du dossier revient au conseil national des activités privées de sécurité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2015, le conseil national des activités privées de sécurité conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Panthère Sécurité Privée la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable faute de critique suffisante du jugement contesté ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la Constitution du 4 octobre 1958 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code pénal ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pena, rapporteur,

- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,

- et les observations de Me Loué, avocat de la société Panthère Sécurité Privée.

1. Considérant que la société Panthère Sécurité Privée a été autorisée à exercer les activités de surveillance et de gardiennage par un arrêté du préfet de police de Paris du 2 décembre 2008 ; que cette société a fait l'objet, le 18 janvier 2012, d'un contrôle par les agents du service de contrôle du CNAPS ; que par une délibération du 21 février 2013, la commission nationale d'agrément et de contrôle a mis à la charge de la société une pénalité financière de 20 000 euros prévue à l'article L. 634-4 du code de la sécurité intérieure ; que la société a saisi le Tribunal administratif de Paris pour obtenir l'annulation de cette décision ; que, par un jugement en date du 10 mars 2015, le tribunal a rejeté sa requête ; que la société relève appel de ce jugement ;

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article " ; qu'aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi organique susvisée du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'État (...) le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé d'office " ; qu'aux termes de l'article 23-2 de la même ordonnance : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux " ; qu'aux termes de l'article R. 771-7 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours ou les magistrats désignés à cet effet par le chef de juridiction peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité " ; qu'aux termes de l'article R. 771-11 de ce code : " La question prioritaire de constitutionnalité soulevée pour la première fois devant les cours administratives d'appel est soumise aux mêmes règles qu'en première instance " ;

3. Considérant que la société appelante fait valoir que l'institution du Conseil national des activités privées et de sécurité est contraire aux " grands principes constitutionnels " dès lors que ledit conseil a été doté de pouvoirs concurrents de ceux dévolus au juge pénal ; que toutefois, ledit conseil, qui est un établissement public placé sous la tutelle du ministre de l'intérieur, a notamment pour mission d'assurer la discipline de la profession ; que le pouvoir de sanction qu'il détient à ce titre, strictement encadré, ne lui permet pas d'infliger des sanctions, notamment financières, qui pourraient, lors même que le comportement sanctionné serait pénalement qualifié, s'assimiler à celles que peut prononcer le juge pénal ; que, par suite, il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité susvisée, laquelle est dépourvue de caractère sérieux ;

Sur le bien-fondé de la demande :

4. Considérant, en premier lieu, que la société invoque un moyen tiré du non-respect des droits de la défense et du caractère contradictoire de la procédure, au motif que le rapport présenté lors de l'audience devant la CNAPS n'aurait concerné, selon elle, que son directeur d'exploitation ; que il résulte toutefois de l'instruction que le contrôle réalisé par les services du CNAPS visait bien la société elle-même, et non la seule personne de son gérant et que la société appelante, qui n'a pu se méprendre sur la portée des poursuites, a été mise à même de se défendre au cours de la procédure administrative qui s'en est suivie, qu'elle a été informée des griefs articulés contre elle, qu'elle a pu communiquer les documents ou observations qui lui semblaient utiles et que son gérant a été entendu ; que, dès lors, le moyen soulevé par la société Panthère Sécurité Privée ne peut qu'être écarté ;

5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 634-4 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction alors en vigueur : " Tout manquement aux lois, règlements et obligations professionnelles et déontologiques applicables aux activités privées de sécurité peut donner lieu à sanction disciplinaire. (...) les personnes morales et les personnes physiques non salariées peuvent se voir infliger des pénalités financières. Le montant des pénalités financières doit être fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages tirés du manquement, sans pouvoir excéder 3 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé au cours du dernier exercice clos calculé sur une période de douze mois. (...) " ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le contrôle, dont a fait l'objet la société Panthère Sécurité Privée par les agents du service de contrôle du CNAPS le 18 janvier 2002, a mis en évidence divers manquements à la réglementation de la part de cette dernière ; qu'ont ainsi été relevés, l'absence d'agrément d'un associé, un défaut de déclaration de la modification des statuts de la société, un défaut de remise aux salariés d'une carte d'identité professionnelle, un défaut de port d'une tenue vestimentaire des salariés conforme au code de déontologie, ainsi que l'emploi de deux personnes non titulaires de la carte professionnelle ; que si l'appelante persiste à faire valoir que la pénalité financière de 20 000 euros prévue à l'article L. 634-4 du code de la sécurité intérieure mise à sa charge par une délibération de la commission nationale d'agrément et de contrôle du 21 février 2013 présenterait un caractère disproportionné en ce qu'elle n'a pas tiré avantage des manquements invoqués, il n'apparaît toutefois pas, quand bien même l'avantage tiré des manquements en cause n'est pas quantifiable en l'état de l'instruction, que le montant de l'amende infligé méconnaisse le principe selon lequel les sanctions doivent être proportionnées à la gravité des faits reprochés au regard, tant du nombre et de la nature des infractions commises que du chiffre d'affaires de la société en cause, lequel s'établissait pour l'année 2012 à 779 947 euros ; que, par suite, les dispositions susmentionnées de l'article

L. 634-4 du code de la sécurité intérieure n'ont pas été méconnues ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, la société Panthère Sécurité Privée n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 février 2013 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Panthère Sécurité Privée demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société appelante une somme de 2 000 euros au titre de ces mêmes frais à verser au CNAPS ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Panthère Sécurité Privée est rejetée.

Article 2 : La société Panthère Sécurité Privée versera au conseil national des activités privées de sécurité une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Panthère Sécurité Privée, au conseil national des activités privées de sécurité et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- Mme Julliard, premier conseiller,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 31 octobre 2016.

Le rapporteur,

E. PENALe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 15PA01888


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA01888
Date de la décision : 31/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Eléonore PENA
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : LOUE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-10-31;15pa01888 ?
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