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19/10/2016 | FRANCE | N°15PA01638

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 19 octobre 2016, 15PA01638


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Prestige Cars Service a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des rappels de droits de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 7 juillet 2010 au 30 septembre 2011 ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1307119/10 du 2 février 2015, le Tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 avril 20

15 et 9 février 2016, la société Prestige Cars Service, par son liquidateur, la SELARL Archibal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Prestige Cars Service a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des rappels de droits de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 7 juillet 2010 au 30 septembre 2011 ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1307119/10 du 2 février 2015, le Tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 avril 2015 et 9 février 2016, la société Prestige Cars Service, par son liquidateur, la SELARL Archibald, représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 2 février 2015 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- s'agissant du rapport établi par les autorités espagnoles au sujet de la société Automocion Costamar Siglo XXI, le service ne lui a transmis que la traduction établie par l'administration fiscale française et pas la réponse originale des autorités espagnoles à sa demande de communication ;

- s'agissant du rapport établi par les autorités espagnoles au sujet de la société Comptoir des Confiseries, le document communiqué est incomplet et n'est pas signé ni daté et ne comporte pas de tampon ;

- l'entreprise n'est tenue à aucune obligation de vérifier la qualité d'assujetti-revendeur de ses fournisseurs ;

- l'instruction 3K-1-95 du 17 février 1995 ne prévoit pas une telle obligation ;

- en se bornant à se prévaloir des attestations des autorités espagnoles, le service n'établit pas que ses fournisseurs avaient réalisé des acquisitions intracommunautaires taxables ;

- les deux fournisseurs avaient pour objet social la vente de véhicules au moment où la société requérante s'est adressée à eux ;

- la radiation postérieure de ces sociétés ne peut lui être opposée ;

- la seule circonstance que la carte grise mentionne un assujetti à la taxe n'implique pas que le régime de la marge soit inapplicable, ni que le propriétaire en amont ait déduit la taxe ;

- l'obligation de vérification qui en résulterait n'est prévue par aucun texte de droit interne ou communautaire ;

- l'instruction référencée BOI-TVA-SECT-70-30-10 prévoit que le visa du service sur le certificat fiscal est apposé après analyse des documents produits ;

- la circonstance que les véhicules aient été acheminés depuis l'Allemagne ne constitue pas un indice de fraude ainsi qu'il résulte de l'instruction 3CA-92 du 27 août 1992,

- elle justifie de la réalité des relations commerciales avec ses fournisseurs ;

- la mauvaise foi n'est pas établie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la société Prestige Cars Service ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 18 janvier 2016, la clôture d'instruction a été fixée au

15 février 2016.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- et les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.

1. Considérant que la société Prestige Cars Service fait appel du jugement du

2 février 2015 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de droits de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 7 juillet 2010 au 30 septembre 2011 ainsi que des majorations correspondantes ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. " ;

3. Considérant d'une part qu'il résulte de l'instruction que le service s'est fondé, pour établir les rehaussements litigieux, sur la traduction française, effectuée par le Centre de traduction des ministères économiques et financiers, du rapport établi par les autorités espagnoles au sujet de la société Automocion Costamar Siglo XXI ; qu'en communiquant à la Société Prestige Cars Service ladite traduction et non le document original des autorités espagnoles à sa demande de communication, le service n'a, par suite, pas méconnu les dispositions précitées ; que la circonstance que ladite traduction ne soit pas signée ne révèle à cet égard aucune irrégularité ;

4. Considérant d'autre part que le service a, avant la mise en recouvrement des impositions, communiqué à la requérante, à la demande de cette dernière, la réponse des autorités espagnoles, relative à la société Comptoir des Confiseries, qui avait servi a fonder les rehaussements litigieux ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le document communiqué ait été incomplet ; que le service ayant ainsi respecté les dispositions précitées, le moyen tiré de ce que l'absence de tampon, de date et de signature sur ce document serait de nature à priver le document en cause de valeur probante est sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société Prestige Cars Service, l'administration a remis en cause le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge bénéficiaire appliquée par la requérante aux opérations de revente de véhicules d'occasion acquis auprès de deux fournisseurs situés en Espagne, la société Comptoir des Confiseries SL et la société Automocion Costamar Siglo XXI SL ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 256 bis du code général des impôts :

" I. 1° Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises. (...) 2° bis Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion d'oeuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en oeuvre des articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006/112/ CE du Conseil du 28 novembre 2006. " ; qu'aux termes de l'article 297 A du même code : " I. 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion, d'oeuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat. La définition des biens d'occasion, des oeuvres d'art, des objets de collection et d'antiquité est fixée par décret ; (...) 3° Pour les transferts visés au III de l'article 256, effectués par un assujetti revendeur, de biens d'occasion, d'oeuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité qui lui ont été livrés dans des conditions qui permettraient l'application des dispositions prévues au 1° et au 2°, la base d'imposition est constituée par la différence entre la valeur du bien déterminée conformément au c du 1 de l'article 266 et le prix d'achat du bien ; 4° Pour les assujettis qui ont exercé l'option prévue à l'article 297 B, le prix d'achat mentionné aux 1° et 3° s'entend, selon le cas, du montant de la livraison, de l'acquisition intracommunautaire, ou de la valeur à l'importation, déterminés conformément aux articles 266 ou 292, augmentés de la taxe sur la valeur ajoutée. " ; qu'enfin aux termes de l'article 297 E dudit code : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures ou tous autres documents en tenant lieu " ; qu'il résulte desdites dispositions qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts, lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur, situé dans un autre Etat membre, qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions précitées de l'article 297 E du code général des impôts, et dont le fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ; que l'administration peut toutefois, et sans que pèse pour autant sur le contribuable l'obligation de vérifier la qualité d'assujetti revendeur de ses fournisseurs, remettre en cause l'application de ce régime lorsque l'entreprise française ne pouvait ignorer la circonstance que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur marge prévu par la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

7. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas sérieusement contesté que les véhicules acquis par la société requérante auprès des deux sociétés espagnoles susmentionnées appartenaient initialement à des sociétés allemandes, constructeurs de véhicules, sociétés de location ou sociétés de leasing, redevables de la taxe sur la valeur ajoutée et n'ayant pas la qualité d'assujettis-revendeurs ; qu'en outre, dans le cadre de la mise en oeuvre de l'assistance administrative internationale, les autorités espagnoles ont fait connaître que la société Automocion Costamar Siglo XXI SL réalisait des acquisitions intra-communautaires auprès d'entreprises allemandes, par suite taxables, et que les véhicules acquis auprès des deux fournisseurs espagnols ne transitaient pas par l'Espagne ; que ce dernier point n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté par la société requérante ; qu'ainsi et alors même que le service n'a pas fourni au dossier les factures établissant que les sociétés espagnoles avaient réalisé des acquisitions intracommunautaires taxables, l'administration doit être regardée comme ayant établi que les fournisseurs de la requérante ne pouvaient faire application du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ;

8. Considérant, d'autre part, que si la société requérante était en possession de factures des fournisseurs mentionnant l'application du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, il résulte de l'instruction qu'elle disposait des certificats d'immatriculation des véhicules faisant apparaître la qualité de professionnel de leur ancien propriétaire, qu'elle assurait le convoyage des véhicules par l'intermédiaire de deux sociétés, dirigées, pour l'une par le père de l'associé seul salarié de la requérante et, pour l'autre, par sa mère, et que l'activité antérieure des fournisseurs espagnols, vente de confiserie et promotion immobilière, est sans lien avec la revente de véhicules d'occasion ; qu'ainsi, en sa qualité de professionnelle du secteur, et alors même que les deux sociétés espagnoles avaient pour objet social la vente de véhicules au moment des transactions en cause, que la radiation postérieure de ces sociétés ne pourrait lui être opposée, et que la seule circonstance que la carte grise mentionne un assujetti à la taxe n'implique pas nécessairement que le régime de la marge soit inapplicable, ni que le propriétaire en amont ait déduit la taxe, la société requérante, qui a d'ailleurs dans un premier temps, avant de rectifier ses déclarations, déclaré les achats des véhicules en cause comme des acquisitions intracommunautaires taxables, ne pouvait pas ignorer que les véhicules dont elle a fait l'acquisition appartenaient originellement à des sociétés qui pouvaient exercer leur droit à déduction ; qu'ainsi, et nonobstant la production par l'intéressée de courriels échangés avec les fournisseurs espagnols et de pièces de nature à établir que ses dirigeants se sont rendus en Espagne, l'administration établit que la société ne pouvait pas ignorer que lesdits fournisseurs, qui ne jouaient aucun rôle effectif dans la cession, n'étaient pas fondés à appliquer la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge et que les mentions figurant sur les factures étaient erronées ;

9. Considérant enfin que la circonstance que l'administration n'aurait pas été en mesure de déceler cette situation alors que les certificats d'immatriculation susmentionnés lui sont présentés pour la délivrance du certificat fiscal prévu au I de l'article 242 terdecies de l'annexe II au code général des impôts, ainsi que le prévoit la doctrine administrative référencée BOI-TVA-SECT -70-30-10, est sans influence sur le bien fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ; que les passages invoqués de l'instruction 3K-1-95 du 17 février 1995 et de l'instruction 3CA-92 du 27 août 1992 ne comportent pas une interprétation formelle de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt ;

Sur les pénalités :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ";

11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a fait application aux rectifications opérées de la majoration prévue par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 8, la société Prestige Cars Service ne pouvait ignorer la circonstance que ses fournisseurs n'avaient pas la qualité d'assujettis revendeurs et n'étaient pas autorisés à appliquer eux-mêmes le régime de taxation sur marge ; que, par suite, l'administration établit le manquement délibéré de la requérante ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Prestige Cars Service n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Prestige Cars Service est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me C...A...ès qualité de liquidateur de la société Prestige Cars Service et au ministre de l'économie et des finances.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 5 octobre 2016, à laquelle siégeaient :

Mme Brotons, président de chambre,

Mme Appèche, président assesseur,

M. Magnard, premier conseiller,

Lu en audience publique le 19 octobre 2016.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA01638


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA01638
Date de la décision : 19/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : GUELOT et BARANEZ Avocats Associés

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-10-19;15pa01638 ?
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