La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/10/2016 | FRANCE | N°14PA03758

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 13 octobre 2016, 14PA03758


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Orange France a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 16 mars 2012 par laquelle le maire de la commune de Sucy-en-Brie (Val-de-Marne) a fait opposition à une déclaration préalable portant sur un projet d'installation d'une station de téléphonie mobile sur un immeuble sis rue de Brévannes.

Par un jugement n° 1204417/6 du 6 juin 2014, le tribunal administratif de Melun a annulé cette décision.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enreg

istrée le 22 août 2014, la commune de Sucy-en-Brie, représentée par son maire en exercice, ayan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Orange France a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 16 mars 2012 par laquelle le maire de la commune de Sucy-en-Brie (Val-de-Marne) a fait opposition à une déclaration préalable portant sur un projet d'installation d'une station de téléphonie mobile sur un immeuble sis rue de Brévannes.

Par un jugement n° 1204417/6 du 6 juin 2014, le tribunal administratif de Melun a annulé cette décision.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 août 2014, la commune de Sucy-en-Brie, représentée par son maire en exercice, ayant pour avocat Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1204417/6 du 6 juin 2014 du tribunal administratif de Melun ;

2°) de mettre à la charge de la société Orange le versement d'une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le délai d'instruction de la demande était de deux mois, dès lors que le projet de travaux était situé dans le périmètre de protection de monuments historiques ; ce délai a commencé à courir le 1er février 2012 ; la société Orange ne pouvait donc bénéficier d'une quelconque décision tacite de non-opposition à travaux, et les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme et de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 sont infondés ;

- la dangerosité des lieux accueillant le projet fondait son refus au titre de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- le projet ne s'intègre pas au paysage naturel et bâti, ce qui fonde son refus au titre de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme et de l'article UC 11 du plan local d'urbanisme de la commune.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 décembre 2014, la société Orange France, représentée par Me Gentilhomme, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Sucy-en-Brie le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la commune ne démontre pas que le projet se situe dans le champ de visibilité des monuments historiques sur la proximité desquels elle prétend se fonder, par application de l'article L. 621-31 du code du patrimoine, pour appliquer un délai d'instruction de la demande de deux mois ;

- l'allongement du délai d'instruction n'a pas fait l'objet de la motivation exigée par l'article R. 423-42 du code de l'urbanisme ; dès lors, seul le délai d'instruction de droit commun était applicable en l'espèce ;

- la demande de pièces complémentaires n'a pas pu avoir pour effet de prolonger le délai d'instruction, dès lors que les pièces demandées par le service instructeur se trouvaient déjà dans le dossier de la demande et que leur production était donc inutile ;

- même en retenant le 1er février 2012 comme date de début de l'instruction du dossier, la décision tacite d'autorisation était en tout état de cause acquise le 1er mars 2012 ; à cette date, cette autorisation ne pouvait plus être retirée, par application des dispositions de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme ;

- la décision litigieuse, qui entre dans le champ d'application des articles 1er et 2 de la loi du 11 juillet 1979 et de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 qui y renvoie, ne pouvait être prise sans être précédée d'une procédure contradictoire ;

- le maire de la commune a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en fondant son refus sur l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et une erreur d'appréciation en retenant celui de la violation de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme et de l'article UC 11 du plan local d'urbanisme.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code du patrimoine ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Diémert,

- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public

- et les observations de Me Gentilhomme, avocat de la société Orange.

1. Considérant que, le 9 novembre 2011, la société Orange France a déposé un dossier de déclaration préalable de travaux pour l'installation de trois antennes de téléphonie mobile intégrées dans une cheminée en résine sur un immeuble situé 17, rue de Brevannes à

Sucy-en-Brie ; que, par une lettre du 8 décembre 2011, le maire de cette commune lui a demandé de produire des pièces complémentaires et de respecter une recommandation de l'architecte des bâtiments de France ; que, le 1er février 2012, la société pétitionnaire a complété sa demande ; que, par un courrier daté du 16 mars 2012, le maire de la commune de Sucy-en-Brie s'est opposé à la déclaration préalable de travaux au motif que le projet méconnaissait les dispositions des articles R. 111-2 et R. 111-21 du code de l'urbanisme ainsi que l'article UC 11 du plan local d'urbanisme ; que la société Orange France ayant demandé l'annulation de cette décision au tribunal administratif de Melun, ce dernier a fait droit à sa demande par le jugement du 6 juin 2014 dont la commune de Sucy-en-Brie relève appel devant la Cour ;

Sur la légalité de la décision litigieuse :

En ce qui concerne l'existence d'une décision tacite de non opposition :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 422-2 du code de l'urbanisme : " Les constructions ou travaux exemptés du permis de construire (...) font l'objet d'une déclaration auprès du maire de la commune avant le commencement des travaux. / Sauf opposition dûment motivée, notifiée par l'autorité compétente en matière de permis de construire dans le délai d'un mois à compter de la réception de la déclaration, les travaux peuvent être exécutés sous réserve, le cas échéant, du respect des prescriptions notifiées dans les mêmes conditions. / Lorsque les constructions ou travaux mentionnés au premier alinéa sont soumis, par des dispositions législatives ou réglementaires, en raison de leur emplacement ou de leur utilisation, à un régime d'autorisation ou à des prescriptions dont l'application est contrôlée par une autorité autre que celle compétente en matière de permis de construire, la déclaration mentionnée au premier alinéa tient lieu des demandes d'autorisation exigées au titre de ces dispositions. Dans ce cas, le délai prévu à l'alinéa précédent est porté à deux mois " ; que l'article R. 423-23 du même code prévoit que le délai d'instruction de droit commun est d'un mois pour les déclarations préalables et l'article R. 423-24 qu'il est majoré d'un mois lorsque le projet est soumis, dans les conditions mentionnées au chapitre V, à un régime d'autorisation ou à des prescriptions prévus par d'autres législations ou réglementations que le code de l'urbanisme ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 423-42 du même code : " Lorsque le délai d'instruction de droit commun est modifié en application des articles R. 423-24 à R. 423-33, l'autorité compétente indique au demandeur ou à l'auteur de la déclaration dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie : a) Le nouveau délai et, le cas échéant, son nouveau point de départ ; b) Les motifs de la modification de délai (...) " ; que l'article R. 423-43 dispose que les modifications de délai prévues notamment par l'article R. 423-24 ne sont opposables si leur notification a été faite dans les conditions prévues par l'article R. 423-42 ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 423-19 du même code : " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet " ; qu'aux termes de l'article R. 423-38 du code précité : " Lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées en application du présent livre, l'autorité compétente, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie, adresse au demandeur ou à l'auteur de la déclaration une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou, dans le cas prévu par l'article R. 423-48, un échange électronique, indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes " ;

4. Considérant, en premier lieu, que le récépissé délivré par les services municipaux de la commune de Sucy-en-Brie à la société Orange à l'occasion du dépôt, le 9 novembre 2011, de sa déclaration préalable de travaux comportait l'indication de deux délais d'instruction distincts, d'une durée respective d'un mois et de deux mois, sans qu'il expliquât cette différence et donc, sans qu'il la justifiât ;

5. Considérant, en second lieu, que la lettre du maire de la commune, en date du 8 décembre 2011 et notifiée le lendemain à la société Orange, par laquelle il était demandé à cette dernière de compléter le dossier de sa demande par la production de pièces complémentaires, indiquait que le " délai d'instruction " courrait à compter de la réception d'un dossier complet sans comporter aucun rappel du délai d'instruction applicable et donc pas davantage de justification d'un éventuel allongement à deux mois du délai d'instruction ;

6. Considérant, dès lors, que la commune de Sucy-en-Brie ne peut être regardée comme ayant motivé la modification du délai d'instruction au sens et pour l'application de l'article R. 423-24 du code de l'urbanisme ; qu'il s'ensuit que le délai d'instruction applicable à a demande présentée par la société Orange France était d'un mois ; qu'ainsi, et en tout état de cause, à supposer même que la demande de pièces complémentaires formulée par la commune ne revêtait pas un caractère inutile au regard des éléments déjà contenus dans le dossier de demande, le délai d'instruction de cette dernière a commencé à courir à compter du dépôt desdites pièces par la société le 1er février 2012 et a expiré au plus tard un mois après, soit le 1er mars 2012 ; qu'à cette date, à défaut de notification d'une décision d'opposition dans les conditions prévues par l'article L. 422-2 du code de l'urbanisme, la société Orange France était donc bénéficiaire d'une décision tacite de non-opposition à sa déclaration de travaux ; qu'ainsi, la notification ultérieure, par le courrier daté du 16 mars 2012, d'une décision d'opposition s'analyse comme un retrait de cette décision implicite ;

En ce qui concerne la légalité externe de la décision du 16 mars 2012 retirant la décision de non-opposition à travaux :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, alors en vigueur : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales " ;

8. Considérant que la décision implicite de non-opposition retirée dans les conditions prévues au point 6 ayant créé des droits au profit de son bénéficiaire, son retrait, qui doit dès lors être motivé en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 et ne peut être regardé comme statuant sur une demande au sens de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, ne peut intervenir, conformément aux dispositions de ce dernier article, qu'après que l'intéressé a été invité à présenter ses observations ; qu'il n'est pas contesté que la commune n'a pas respecté la procédure ainsi prescrite par les dispositions précitées de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ; que, dès lors, la société requérante est fondée à soutenir que la décision attaquée a été prise en méconnaissance de ces dispositions ;

En ce qui concerne la légalité interne :

9. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur : " La décision de non-opposition à la déclaration préalable ne peut faire l'objet d'aucun retrait. " ; que, comme il a été dit au point 6, la décision litigieuse doit être regardée comme procédant au retrait de la décision implicite de non-opposition à travaux dont la société Orange France était bénéficiaire à compter du 1er mars 2012 ; qu'il s'ensuit qu'en retirant cette décision, la commune de Sucy-en-Brie a méconnu les dispositions précités du code de l'urbanisme ;

10. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations " ;

11. Considérant qu'il résulte des termes mêmes de la décision attaquée qu'elle a été prise en application des dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, au motif qu'en " raison du récent sinistre (incendie) qui a très fortement endommagé le bâtiment, ce dernier est en lui-même de nature à porter atteinte à la sécurité des occupants et des riverains " ; que la commune a fait valoir qu'au cours du mois de septembre 2011, un incendie est survenu sur la partie du terrain d'assiette de l'immeuble situé sur la rue, que le 13 décembre 2011, les agents de la police municipale de Sucy-en-Brie ont dressé un procès-verbal de constatation établissant que de nombreux matériaux, y compris des matériaux inflammables, sont entreposés autour de la maison et que le 26 avril 2012, le préfet du Val-de-Marne a pris un arrêté mettant le propriétaire des lieux en demeure de procéder à l'enlèvement de ces détritus et produits dangereux ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que les structures porteuses de la maison d'habitation sur laquelle les antennes doivent être installées, dans une cheminée qui dépasse de moins de deux mètres le faîtage du toit, aient été affectées par l'incendie et que le bâtiment présente un danger pour le voisinage ; qu'ainsi le maire de Sucy-en-Brie a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en faisant opposition aux travaux au regard des dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

12. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales " ; qu'aux termes de l'article UC 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Sucy-en-Brie : " Les constructions doivent s'insérer dans le paysage naturel et bâti. Cette intégration doit respecter la végétation existante, le site bâti ou non, le relief naturel du terrain " ;

13. Considérant que, pour s'opposer à la déclaration de la société Orange, le maire de Sucy-en-Brie a également relevé que le projet n'a pas été réalisé de telle sorte que son insertion dans le paysage et le milieu naturel soit assurée dans les meilleurs conditions ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que, d'une part, les antennes sont prévues pour être implantées dans un quartier pavillonnaire qui ne présente pas d'intérêt architectural notable, d'autre part, elles seront dissimulées dans une cheminée en résine dont l'aspect est similaire à celui des cheminées existant dans le voisinage et, enfin, la cheminée ne dépassera le faîtage de la maison que de 1,80 mètre ; qu'ainsi le maire n'a pu sans commettre d'erreur d'appréciation estimer que les travaux projetés méconnaissaient les dispositions précitées du règlement du plan local d'urbanisme et du code de l'urbanisme ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Sucy-en-Brie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé sa décision du 16 mars 2012 pour les quatre motifs précités ; que les conclusions à fin d'annulation de sa requête d'appel doivent donc être rejetées ;

Sur les frais de procédure :

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Sucy-en-Brie, partie perdante dans la présente instance, puisse en invoquer le bénéfice ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge une somme de 1 500 euros à verser à la société Orange France sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Sucy-en-Brie est rejetée.

Article 2 : La commune de Sucy-en-Brie versera une somme de 1 500 euros à la société Orange France en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Sucy-en-Brie et à la société Orange France.

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Gouès, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 octobre 2016.

Le rapporteur,

S. DIÉMERTLa présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au Préfet du Val-de-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

2

N° 14PA03758


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award