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05/10/2016 | FRANCE | N°15PA04840

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 05 octobre 2016, 15PA04840


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au Tribunal administratif de Paris de le décharger de l'obligation de payer les sommes de 587,27 euros et de 113,15 euros mises à sa charge par deux mises en demeure de payer du 27 mars 2013 au titre d'un trop perçu de rémunération.

Par jugement n° 1406394/5-3 du 28 octobre 2015, le Tribunal administratif de Paris a déchargé M. B...de l'obligation de payer ces sommes.

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré le 28 décembre 2015, le ministre des finances

et des comptes publics demande à la Cour d'annuler ce jugement du 28 octobre 2015 du Tribun...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au Tribunal administratif de Paris de le décharger de l'obligation de payer les sommes de 587,27 euros et de 113,15 euros mises à sa charge par deux mises en demeure de payer du 27 mars 2013 au titre d'un trop perçu de rémunération.

Par jugement n° 1406394/5-3 du 28 octobre 2015, le Tribunal administratif de Paris a déchargé M. B...de l'obligation de payer ces sommes.

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré le 28 décembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics demande à la Cour d'annuler ce jugement du 28 octobre 2015 du Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

- c'est par une interprétation de la demande de M. B...que les premiers juges ont considéré que la requête présentée par l'intéressé " doit être regardée comme tendant à la décharge de l'obligation de payer les sommes " mises à sa charge ;

- le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer sur le moyen tiré de ce que M. B...n'a pas formulé d'opposition à poursuites dans les deux mois de la notification des mises en demeure de payer du 27 mars 2013.

En ce qui concerne le bien fondé du jugement attaqué :

- les premiers juges ont eu une appréciation inexacte des faits dès lors que

M. B...avait connaissance des titres de perception émis le 26 juillet 2004 ;

- le jugement attaqué ne distingue pas la prescription de l'assiette de la créance et la prescription de l'action en recouvrement alors que les délais de prescription résultent de dispositions propres à chaque type de prescription ;

- que la créance n'était pas prescrite dans la mesure où M. B...avait connaissance des titres de perception émis le 26 juillet 2004 ;

- que la prescription de l'action de l'Etat en recouvrement de la créance litigieuse n'était pas acquise à la date à laquelle les mises en demeure ont été notifiées à M.B..., soit le 29 mars 2013.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil,

- la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008,

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jimenez,

- et les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.

1. Considérant que M.B..., alors attaché à l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), a fait l'objet d'un détachement auprès du ministère de l'intérieur du 1er janvier 2004 au 30 septembre 2005 ; que l'INSEE, estimant lui avoir versé indûment en janvier 2004 des sommes de 580,27 euros et de 113,15 euros à titre de rémunération, a émis le 26 juillet 2004 à l'encontre de l'intéressé deux titres de perception correspondant respectivement à ces montants ; que, par deux mises en demeure de payer du

27 mars 2013, le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France a réclamé à

M. B...le paiement des sommes de 580,27 euros et 113,15 euros sur le fondement desdits titres de perception ; que, le 23 avril 2013, M. B...a formé une réclamation préalable auprès du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France, qui l'a transmise au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, seul compétent pour y donner suite ; que, cette réclamation ayant été implicitement rejetée, M. B...a porté le litige devant le Tribunal administratif de Paris ; que le ministre des finances et des comptes publics interjette appel du jugement n° 1406394/5-3 du 28 octobre 2015 par lequel ce tribunal a déchargé

M. B...de l'obligation de payer ces sommes ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant, en premier lieu, que le ministre des finances et des comptes publics soutient que c'est par une interprétation de la demande de M. B...que les premiers juges ont considéré que la requête présentée par l'intéressé " doit être regardée comme tendant à la décharge de l'obligation de payer les sommes " mises à sa charge ; qu'à supposer que le ministre ait entendu soutenir que le jugement attaqué a statué sur des conclusions qui ne lui étaient pas présentées, un tel moyen ne pourra qu'être écarté dès lors que M. B...demandait expressément au tribunal dans sa requête de le " décharger de l'obligation de payer les sommes de 587,27 euros et de 113,15 euros " ;

3. Considérant, en second lieu, que le tribunal administratif a considéré que

M. B...lui soumettait un litige résultant du rejet d'une réclamation préalable tendant, non pas à faire opposition à poursuites, mais à contester le bien-fondé de la créance de l'Etat faisant l'objet des titres de perception émis à son encontre et dont le recouvrement était recherché par les deux mises en demeure du 27 mars 2013 ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de l'absence d'opposition préalable à poursuites était inopérant ; que les premiers juges n'ont, dès lors, pas entaché d'irrégularité leur jugement en ne statuant pas sur ce moyen ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

4. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 2 que les premiers juges ont considéré, à bon droit, qu'ils n'étaient pas saisis de conclusions à fin d'annulation des mises en demeure de payer du 27 mars 2013, mais seulement de conclusions à fin de décharge de l'obligation de payer les sommes mises à la charge M.B... ; que dans ces conditions, le ministre des finances et des comptes publics ne saurait utilement se prévaloir de ce que le requérant était forclos à demander l'annulation des deux mises en demeure de payer ; que, par suite, la fin de non recevoir invoquée par le ministre ne peut qu'être écartée ;

Sur le bien fondé du jugement :

En ce qui concerne la date de connaissance par M. B...des titres de perception émis le 26 juillet 2004 :

5. Considérant que le ministre soutient que les premiers juges ont procédé à une appréciation inexacte des faits dès lors que, contrairement à ce qui est indiqué dans le jugement attaqué, M. B...avait connaissance dès 2004 des titres de perception émis le

26 juillet 2004 et envoyés à l'adresse qui est d'ailleurs toujours la sienne, à savoir 3, rue des Rosiers à Bourg-la-Reine (92340) ; que, toutefois, le ministre n'apporte pas plus devant la Cour qu'il ne l'a fait devant le tribunal administratif, la preuve de la notification dès 2004 de ces titres de perception ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que

M. B...n'a eu connaissance de ces titres que lors de la réception le 29 mars 2013 du pli contenant des mises en demeure de payer émises le 27 mars 2013 et auxquelles une copie desdits titres était jointe ;

En ce qui concerne la prescription de la créance :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 2227 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige : " L'Etat, les établissements publics et les communes sont soumis aux mêmes prescriptions que les particuliers, et peuvent également les opposer " ; qu'aux termes de l'article 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile : " Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans (...) " ; qu'aux termes de l'article 2277 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Se prescrivent par cinq ans les actions en paiement : / Des salaires (...) et généralement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts " ; qu'aux termes de l'article 2224 de ce code, dans sa rédaction issue de la loi

n° 2008-561 du 17 juin 2008 : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer " ; qu'aux termes de l'article 2222 dudit code : " (...) En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure " ; qu'enfin, le II de l'article 26 de la loi du

17 juin 2008 dispose que " Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure (...) " ;

7. Considérant que la prescription quinquennale de l'article 2277 du code civil s'applique à toutes les actions relatives aux rémunérations des agents publics, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon qu'il s'agit d'une action en paiement ou en restitution de ce paiement ; que le point de départ de la prescription quinquennale prévue par cet article est la date à laquelle la créance devient exigible ; qu'en l'espèce, la créance de l'Etat résulte de traitements versés de manière indue à M. B...en janvier 2004 alors que ce dernier était en détachement au ministère de l'intérieur ; que, si ces trop-perçus de rémunération ont donné lieu à l'émission de titres de perception à l'encontre de l'intéressé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie le 26 juillet 2004, il ne résulte pas de l'instruction, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que M. B...aurait eu connaissance de ces titres avant que ne lui soient notifiées le

29 mars 2013 les mises en demeure de payer subséquentes, émises par le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France le 27 mars 2013 ; qu'ainsi, la durée écoulée entre la connaissance par l'administration, en 2004, de la créance correspondant à ces paiements indus et la notification du titre de perception est supérieure à cinq ans ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la créance mise à la charge de M. B...était prescrite ;

8. Considérant que, la créance étant prescrite dès 2009, l'action en recouvrement ne pouvait être légalement mise en oeuvre par l'envoi des mises en demeure de payer du

27 mars 2013 ; que, dans ces conditions, le ministre ne peut, en tout état de cause, utilement soutenir que la prescription de l'action de l'Etat en recouvrement de la créance litigieuse n'était pas acquise à la date à laquelle les mises en demeure ont été notifiées à M.B..., soit le 29 mars 2013 ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a déchargé M. B...de l'obligation de payer les sommes de 587,27 euros et de 113,15 euros, objet de deux titres de perception émis en 2004 et de deux mises en demeure de payer du 27 mars 2013, au titre d'un trop perçu de rémunération ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours du ministre de l'économie et des finances est rejeté.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie et des finances et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2016, où siégeaient :

- Mme Appèche, président,

- Mme Tandonnet-Turot, président,

- Mme Jimenez, premier conseiller.

Lu en audience publique le 5 octobre 2016.

Le rapporteur

J. JIMENEZLe président assesseur,

En application de l'article R. 222-26 du code

de justice administrative

S. APPECHE

Le greffier,

P. LIMMOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA04840


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme APPECHE
Rapporteur ?: Mme Julia JIMENEZ
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 05/10/2016
Date de l'import : 18/10/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 15PA04840
Numéro NOR : CETATEXT000033204275 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-10-05;15pa04840 ?
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