La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/09/2016 | FRANCE | N°15PA03137

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 30 septembre 2016, 15PA03137


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler le titre exécutoire émis le 23 octobre 2012 en vue du recouvrement de la contribution mise à sa charge au titre des dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail et d'en réduire le montant à la somme de 3 360 euros ;

Par un jugement n° 1305416/10 du 9 janvier 2015, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 août 2015 et

le 13 juillet 2016, M. E..., représenté par la SCP Bouaziz Serra Ayala, demande à la Cour :

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler le titre exécutoire émis le 23 octobre 2012 en vue du recouvrement de la contribution mise à sa charge au titre des dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail et d'en réduire le montant à la somme de 3 360 euros ;

Par un jugement n° 1305416/10 du 9 janvier 2015, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 août 2015 et le 13 juillet 2016, M. E..., représenté par la SCP Bouaziz Serra Ayala, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1305416/10 du 9 janvier 2015 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler le titre exécutoire émis en vue du recouvrement de la contribution mise à sa charge au titre des dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail et d'en réduire le montant à la somme de 3 360 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient :

- que les faits justifiant l'application des dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail datent du 30 mars 2011 ; que, par suite, c'est à tort que le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a fait application des dispositions résultant de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 dont le décret d'application n'est entré en vigueur que le 20 juin 2012 ; que le Tribunal a considéré à tort que la loi de finances du 29 décembre 2010 était suffisamment précise pour être applicable sans décret d'application ; que, par suite, devait être appliqué le montant de 1000 fois le taux horaire prévue par l'article R. 8253-8 du code du travail et non le montant de 5000 fois ce taux ;

- que le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a ainsi violé le principe de non rétroactivité de la règle répressive plus sévère ; qu'en effet, ainsi que l'a reconnu le conseil constitutionnel, le principe de non rétroactivité s'applique à toute sanction ayant le caractère d'une punition même prononcée par une autorité de nature non judiciaire ; que la contribution spéciale correspond à une sanction ayant le caractère d'une punition ;

- que, par suite, le montant de la contribution spéciale mise à sa charge devait être de 3 360 euros au regard de la date des faits qui la justifient ;

- que la nouvelle loi de finances du 29 décembre 2012 permet une minoration à 1000 fois le taux en cas d'absence d'autre infraction que l'emploi d'un seul étranger sans titre de travail ;

- que la requête est recevable au regard des dispositions de l'article 8 du décret

n° 92-1369 du 29 décembre 1992 modifiant le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 dès lors que le titre de perception émis par la direction générale des finances publiques a fait l'objet d'une opposition à exécution le 26 novembre 2012 dont il a été accusé réception le 7 décembre 2012 ; qu'en l'absence de décision expresse dans le délai de 6 mois, une décision implicite de rejet est née le 7 juin 2013 ; qu'il disposait d'un délai de deux mois à compter de cette date pour former un recours contentieux ; que le recours du 5 juillet 2013 était donc recevable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2016, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement la somme de 2 800 euros soit mis à la charge de M. E... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient :

- que la requête est irrecevable faute d'avoir été introduite dans le délai de deux mois fixé par les dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative ; qu'en effet, M. E... a formé un recours gracieux, à l'encontre de la décision prise à son encontre, le 19 septembre 2012 et dont l'Office français de l'immigration et de l'intégration a accusé réception le jour même ; qu'un rejet implicite de ce recours est né le 19 novembre 2012 ; que la décision du 30 août 2012 mentionnait les voies et délais de recours ; que, par suite le recours enregistré le 5 juillet 2013 est tardif ;

- que la loi du 29 décembre 2010 parue au Journal Officiel du 30 décembre 2010 relative à la contribution spéciale s'applique pour les infractions commises à compter de son entrée en vigueur ; que les faits datent du 30 mars 2011 ; que le décret d'application du 16 juin 2012 était entré en vigueur à la date de la décision attaquée ; que le principe de non rétroactivité des lois plus sévères n'a donc pas été méconnu ;

- que la décision de mettre à la charge du requérant une contribution spéciale à hauteur de 16 800 euros est pleinement justifiée par l'application d'un taux égal à 5 000 fois le minimum du taux horaire en vigueur au moment de la date de la décision ;

- que le requérant n'est pas fondé à se prévaloir de la possibilité d'une minoration dès lors que la loi du 29 décembre 2012 est postérieure à la décision attaquée et surtout que les conditions d'application ne sont pas réunies dès lors qu'il y a cumul d'infractions et que l'employeur ne justifie pas avoir versé les salaires et indemnités au salarié.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris n° 2015/022995 du 4 juin 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Polizzi,

- et les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public.

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, suite à un contrôle des services de la police aux frontières de Seine-et-Marne le 30 mars 2011 sur le marché de Mail Gaillardon à Melun, un procès-verbal a été dressé, en application des dispositions de l'article L. 8251-1 et suivants du code du travail, à l'encontre de M.E..., gérant d'un stand, pour l'emploi d'un étranger démuni de titre de travail ; que, par un courrier du 6 septembre 2011, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi

d'Ile-de-France a informé M. E...de l'infraction constatée et de la mise en oeuvre à son encontre de la procédure de recouvrement de la contribution spéciale prévue par les dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail ; que par une décision du 30 août 2012, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a informé le requérant qu'il était redevable de la somme de 16 800 euros au titre de cette contribution spéciale ; qu'un titre de perception a été émis par la direction générale des finances publiques de Seine-et-Marne le 23 octobre 2012 en vue du recouvrement de la contribution spéciale mise à la charge de M. E...par le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ; que M. E... demande l'annulation du jugement par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce titre et à ce que le montant du titre de perception soit ramené à la somme de 3 360 euros ;

Sur les conclusions principales de la requête :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir :

2. Considérant que l'article L. 8251-1 du code du travail dispose : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 8253-1 du même code dans sa rédaction issue de l'article 78 de la loi du 29 décembre 2010 applicable à la date de constatation de l'infraction : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat et est au moins égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 et, en cas de réitération, à 25 000 fois ce même taux (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 8253-8 du code du travail : " Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à mille fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 (...) " ; qu'aux termes toutefois de l'article L. 8253-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 7 mars 2016 : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux " ; qu'aux termes de l'article R. 8253-2 du code du travail dans sa rédaction issue de l'article 1er du décret du 4 juin 2013 : " I. - Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. II. - Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. III. - Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 8252-6 du même code : " L'employeur d'un étranger sans titre s'acquitte par tout moyen, dans le délai mentionné à l'article L. 8252-4, des salaires et indemnités déterminés à l'article L. 8252-2. Il remet au salarié étranger sans titre les bulletins de paie correspondants, un certificat de travail ainsi que le solde de tout compte. Il justifie, auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, par tout moyen, de l'accomplissement de ses obligations légales " ;

3. Considérant, en premier lieu, que si l'article L. 8253-1 du code du travail, en vigueur à la date du 30 mars 2011 à laquelle les faits reprochés à M. E...ont été constatés, dispose que le montant de la contribution spéciale qu'il institue est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, cet article, en tant qu'il dispose que le montant de cette contribution est " au moins égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 " a édicté une règle suffisamment précise pour être applicable sans attendre l'intervention du décret d'application qu'il prévoit ; que, par suite, ces dispositions législatives ont, dès leur entrée en vigueur, nécessairement abrogé les dispositions réglementaires précitées de l'article R. 8253-8 du code du travail ; que, dès lors, le moyen tiré de non-respect du principe de rétroactivité des sanctions doit être écarté ;

4. Considérant, en second lieu, que M. E...ne conteste pas ne pas avoir respecté la condition posée par les dispositions précitées de l'article R. 8252-6 auxquelles renvoie l'article R. 8253-2 dont il se prévaut ; que la circonstance que l'étranger non autorisé à travailler ne serait resté sur le stand que 30 minutes avant d'être interpellé est sans influence sur l'impossibilité d'appliquer le montant de contribution spéciale réduit à 1 000 fois le taux horaire ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'OFII, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. E...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de M. E...une somme de 1 500 euros à verser à l'OFII sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.

Article 2 : M. E...versera à l'OFII une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E...et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Polizzi, président assesseur,

- MmeD..., première conseillère,

Lu en audience publique, le 30 septembre 2016.

Le rapporteur,

F. POLIZZILe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

5

N° 10PA03855

2

N° 15PA03137


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA03137
Date de la décision : 30/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Francis POLIZZI
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : CABINET SCHEGIN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-09-30;15pa03137 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award