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29/09/2016 | FRANCE | N°15PA00822

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 29 septembre 2016, 15PA00822


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler d'une part, la décision implicite par laquelle le préfet du Val de Marne, saisi par lettre du 27 octobre 2013 réceptionnée le 30 octobre 2013, a refusé de lui restituer son passeport français et, d'autre part, la décision née du silence gardé par le préfet du Val de Marne sur sa demande du 4 mars 2014, réceptionnée le 7 mars 2014, tendant à ce que lui soient communiqués les motifs de la décision implicite de refus de restitution du pa

sseport.

Par un jugement n° 1403783 du 12 décembre 2014, le tribunal adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler d'une part, la décision implicite par laquelle le préfet du Val de Marne, saisi par lettre du 27 octobre 2013 réceptionnée le 30 octobre 2013, a refusé de lui restituer son passeport français et, d'autre part, la décision née du silence gardé par le préfet du Val de Marne sur sa demande du 4 mars 2014, réceptionnée le 7 mars 2014, tendant à ce que lui soient communiqués les motifs de la décision implicite de refus de restitution du passeport.

Par un jugement n° 1403783 du 12 décembre 2014, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande et l'a condamné à payer une amende de 2 000 euros pour recours abusif.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 16 février 2015 et 31 août 2016, M. C..., représenté par Me MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1403783 du 12 décembre 2014 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler les décisions implicites par lesquelles le préfet du Val de Marne a refusé, d'une part, de lui restituer son passeport, d'autre part, de lui communiquer les motifs de cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision implicite de rejet de sa demande de restitution de son passeport est illégale compte tenu du refus du préfet du Val de Marne de lui communiquer les motifs de celle-ci ;

- la décision par laquelle le préfet du Val de Marne a refusé de lui communiquer les motifs de refus de restitution de son passeport est également illégale ;

- la décision de refus de restitution de son passeport méconnaît l'autorité de la chose jugée par le juge pénal dans sa décision du 14 mars 2012 devenue définitive ;

- sa demande devant le tribunal administratif de Melun ne présentait pas un caractère abusif et c'est à tort que les premiers juges l'ont condamné à une amende pour recours abusif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions tendant à l'annulation de la décision par laquelle le préfet du Val de Marne a refusé de lui communiquer les motifs de sa décision implicite de rejet sont irrecevables car nouvelles en appel ; qu'en outre, une telle décision de refus de communication des motifs ne constitue pas une décision susceptible de recours pour excès de pouvoir ;

- le moyen tiré du défaut de motivation du refus de restitution du passeport est inopérant car il était en situation de compétence liée ; en outre M. C...n'ignorait pas le motif de cette décision ;

- le juge pénal n'a relaxé le requérant qu'au bénéfice du doute.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le décret n° 2001-185 du 26 février 2001 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Amat,

- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,

- les observations de M.A..., représentant du ministre de l'intérieur.

1. Considérant que le 11 octobre 2013, le passeport en possession de M.C..., qui faisait l'objet d'une fiche de recherche pour obtention frauduleuse de titre d'identité ou de voyage, lui a été confisqué alors que l'intéressé se présentait à la frontière à l'aéroport Roissy Charles de Gaulle ; que le 21 octobre 2013, le requérant s'est présenté à la préfecture du Val de Marne pour que son passeport lui soit rendu ; qu'à la suite du refus qui lui a été opposé, M. C...a demandé au préfet du Val de Marne, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 27 octobre 2013, reçue le 30 octobre 2013, de lui restituer son passeport ; que, le préfet a opposé un refus implicite à cette demande ; que, M. C...a alors demandé par lettre du 4 mars 2014 réceptionnée le 7 mars 2014 que lui soient communiqués les motifs cette décision implicite de refus de restitution ; que M. C...relève appel du jugement du 12 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de refus de restitution de passeport et lui a infligé une amende pour recours abusif ;

Sur la légalité des décisions implicites de rejet :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs : " Une décision implicite intervenue dans des cas où une décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de 2 mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués " ; qu'il résulte de ces dispositions que le silence gardé sur une demande de communication des motifs d'une décision implicite de rejet n'a pas pour effet de faire naître une nouvelle décision implicite de rejet détachable de la première et pouvant faire elle-même l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que ce silence permet seulement à l'intéressé de se pourvoir sans condition de délai contre la décision implicite initiale qui, en l'absence de communication de ses motifs, se trouve entachée d'illégalité ;

3. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 2 que M. C...n'est pas recevable, sans qu'il soit besoin de statuer sur la seconde fin de non recevoir invoquée par le ministre de l'intérieur, à demander l'annulation de la prétendue décision implicite de rejet résultant du silence gardé sur sa demande de communication de motifs ;

4. Considérant, d'autre part, que si une décision individuelle créatrice de droits obtenue par fraude peut, sauf dispositions contraires, être retirée à tout moment par l'administration qui l'a prise, celle-ci, à laquelle il appartient d'apprécier les circonstances de l'espèce, n'est pas tenue de procéder à ce retrait ; qu'ainsi le préfet du Val de Marne, qui devait porter une appréciation sur l'existence d'une fraude et les conséquences à en tirer, n'est pas fondé à soutenir que du fait que le passeport qu'il avait délivré en août 2011 à M. C...avait été obtenu à la suite de la présentation de documents falsifiés, il se trouvait en situation de compétence liée pour refuser de le restituer ; que le refus de restitution du passeport est au nombre des décisions administratives défavorables devant être motivées au sens de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 alors applicable ; qu'en s'abstenant de répondre à la demande de communication des motifs de cette décision que lui avait adressée M. C... dans les conditions prévue par l'article 5 de la même loi, le préfet du Val de Marne a entaché celle-ci d'illégalité ; qu'il ne saurait utilement soutenir qu'il a motivé cette décision par la remise le 21 octobre 2013 à M. C...d'une convocation aux fins de restitution de sa carte nationale d'identité ; que, dès lors, la décision implicite de refus de restitution de passeport est entachée d'illégalité et doit, par suite, être annulée ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le préfet du Val de Marne a implicitement refusé de lui restituer son passeport ;

Sur l'amende pour recours abusif :

6. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 3000 euros " ;

7. Considérant qu'eu égard à ce qui a été dit précédemment, le recours introduit par M. C... contre le refus implicite de restitution de son passeport ne présentait pas un caractère abusif ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif l'a condamné au versement d'une amende pour recours abusif de 2 000 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. C...demande au titre des frais de procédure qu'il a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1403783 du 12 décembre 2014 du tribunal administratif de Melun, en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. C...aux fins d'annulation de la décision implicite de refus de restitution de passeport et prononcé une amende pour recours abusif, et la décision implicite par laquelle le préfet du Val de Marne a refusé de restituer le passeport en possession de M. C...sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Val de Marne.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Amat, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 29 septembre 2016.

Le rapporteur,

N. AMATLa présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,

A. LOUNISLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA00822


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15PA00822
Date de la décision : 29/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-03-05 Droits civils et individuels. Libertés publiques et libertés de la personne. Liberté d'aller et venir.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Nathalie AMAT
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : SANDO

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-09-29;15pa00822 ?
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