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21/09/2016 | FRANCE | N°16PA00640

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 21 septembre 2016, 16PA00640


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...B...ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 et des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1431231/1-2 du 26 janvier 2016, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge demandée, à hauteur de 41 718 euros, et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice admin

istrative.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et un mémoire enregistrés le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...B...ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 et des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1431231/1-2 du 26 janvier 2016, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge demandée, à hauteur de 41 718 euros, et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et un mémoire enregistrés les 15 février et 29 août 2016 le ministre des finances et des comptes publics demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1 et 2 du jugement n° 1431231/1-2 du 26 janvier 2016 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rétablir M. et Mme B...au rôle de l'impôt sur les revenus de l'année 2010 à hauteur du dégrèvement prononcé en exécution de ce jugement.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les requérants entraient dans les prescriptions de la doctrine invoquée ;

- l'obligation de délivrance posée par l'article 1604 du code civil suppose que le bien livré soit en état de fonctionner ;

- la déduction fiscale pour investissement outre-mer ne peut être revendiquée que lorsque l'investissement peut faire l'objet d'une exploitation effective.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 mars 2016, M. et MmeB..., représentés par MeA..., concluent au rejet du recours du ministre et demandent à la Cour de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les premiers juges ont considéré à bon droit que l'administration avait méconnu les dispositions de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales ;

- c'est, en revanche, à tort, qu'ils ont considéré que les investissements en cause n'avaient pas été réalisés à la fin de l'année 2010 au sens de la loi ; c'est, en effet, de la livraison du bien que naît le droit à réduction d'impôt ;

- les critères d'éligibilité qui leur sont opposés ne sont pas prévus par les textes ;

- en tout état de cause, ces critères étaient respectés en l'espèce.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le livre des procédures fiscales et le code général des impôts ;

- le code de l'énergie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brotons,

- et les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.

1. Considérant que M. et Mme B...ont porté, dans leur déclaration de revenus souscrite au titre de l'année 2010, le montant de la réduction d'impôt dont ils pensaient pouvoir bénéficier sur le fondement du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts à raison d'investissements réalisés outre-mer, par l'intermédiaire de sociétés en participation dont ils étaient associés, et qui consistaient en l'acquisition de centrales photovoltaïques destinées à être exploitées par des sociétés locales ; qu'à l'issue du contrôle sur pièces de leur déclaration, l'administration fiscale a remis en cause la réduction d'impôt pratiquée, au motif que les centrales photovoltaïques mises à la disposition des sociétés exploitantes n'étaient pas, à la date du 31 décembre 2010, raccordées au réseau électrique et qu'elles n'avaient pas reçu l'attestation de conformité délivrée par le comité national pour la sécurité des usagers et de l'électricité (CONSUEL), de sorte que les investissements correspondants ne pouvaient être regardés comme ayant été réalisés au sens du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts ; que le ministre des finances publiques et des comptes publics relève appel du jugement n° 1431231/1-2 du 26 janvier 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a accordé à M. et MmeB..., à leur demande, la décharge des impositions supplémentaires qui leur avaient été assignées, en conséquence de cette remise en cause, au titre de l'année 2010 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " (...) / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente " ;

3. Considérant que, pour prononcer la décharge des impositions litigieuses, les premiers juges ont considéré que M. et Mme B...étaient fondés à se prévaloir, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction fiscale BOI 5 B-2-07 du 30 janvier 2007 dont le paragraphe n° 148, relatif à l'année au titre de laquelle la réduction d'impôt est pratiquée, précise que: " Conformément aux dispositions du vingtième alinéa du I de l'article 199 undecies B, la réduction d'impôt est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé. Le premier alinéa de l'article 95 Q de l'annexe II prévoit que l'année de réalisation de l'investissement s'entend de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée, c'est-à-dire achevée, par l'entreprise ou lui est livrée au sens de l'article 1604 du code civil, ou est mise à disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail (...) " ; que, toutefois, il résulte de ce paragraphe qu'il exclut expressément que la réduction d'impôt puisse être pratiquée si l'immobilisation n'a pas été achevée au cours de l'année en cause ; que des centrales photovoltaïques ne constituant pas, par elles-mêmes, des moyens d'exploitation permanents ou durables capables, avant toute installation, de fonctionner de manière autonome, l'interprétation donnée par la doctrine invoquée de la notion de livraison est, en l'espèce, sans incidence sur le fait générateur du droit à déduction ; que, par suite, le ministre des finances et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a, pour le motif susmentionné, prononcé la décharge des impositions litigieuses ;

4. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme B...tant devant le Tribunal administratif de Paris que devant elle ;

5. Considérant, en premier lieu, que l'article L. 81 du livre des procédures fiscales dispose : " Le droit de communication permet aux agents de l'administration, pour l'établissement de l'assiette et le contrôle des impôts, d'avoir connaissance des documents et des renseignements mentionnés aux articles du présent chapitre dans les conditions qui y sont précisées (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 83 du même livre : " Les administrations de l'Etat, des départements et des communes, les entreprises concédées ou contrôlées par l'Etat, les départements et les communes, ainsi que les établissements ou organismes de toute nature soumis au contrôle de l'autorité administrative, doivent communiquer à l'administration, sur sa demande, les documents de service qu'ils détiennent sans pouvoir opposer le secret professionnel (...) " ;

6. Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 83 du livre des procédures fiscales ne font aucune distinction selon la nature juridique des entités qu'elles concernent ; que l'article L. 111-67 du code de l'énergie dispose que l'Etat possède plus de 70 % du capital d'Electricité de France ; que le président directeur général de cette société ainsi qu'un tiers des membres de son conseil d'administration sont nommés par décret ; que le titre II du livre I du code de l'énergie définit les obligations de service public assignées aux entreprises du secteur de l'électricité ; que le titre III du même livre définit les conditions dans lesquelles ces entreprises sont soumises aux pouvoirs d'enquête, de contrôle, de décision et de sanction de la Commission de régulation de l'énergie ; que le titre IV du même livre définit les pouvoirs du ministre chargé de l'énergie afin d' accéder aux informations nécessaires à la politique énergétique, d'exercer un pouvoir d'enquête, de contrôle et de sanction des entreprises du secteur de l'électricité et de prendre des mesures de sauvegarde en cas de crise ; que les documents de service demandés par l'administration fiscale, relatifs aux demandes de raccordement au réseau électrique déposées par les sociétés exploitantes des investissements ici en cause, ont d'ailleurs été établis par Electricité de France dans le cadre de l'exercice de la mission de service public de rachat d'électricité produite en utilisant des énergies renouvelables qui lui est conférée par l'article L. 314-1 du code de l'énergie ; qu'Electricité de France constitue ainsi une entreprise contrôlée par l'Etat au sens des dispositions de l'article L. 83 du livre des procédures fiscales ; que l'administration était dès lors fondée à exercer son droit de communication sur le fondement de ces dispositions ; que doit, par suite, être écarté comme inopérant le moyen tiré de ce qu'elle aurait excédé le champ du droit de communication qu'elle tire, à l'égard des commerçants, des dispositions de l'article L. 85 du même livre ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que M. et Mme B..., qui ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces de leur déclaration, soutiennent que l'administration, en ne procédant pas à un contrôle sur place et à la vérification de la comptabilité des sociétés dont ils sont associés, les a privés des garanties attachées à de tels contrôles ; que toutefois l'administration, qui n'a pas remis en cause la réalité des investissements pratiqués mais la seule date de leur réalisation et n'a procédé à aucun contrôle de la comptabilité de ces sociétés, dont elle n'a d' ailleurs pas remis en cause le résultat, n'était pas tenue d'engager de tels contrôles ; que dès lors que M. et Mme B... ont fait l'objet, au terme du contrôle sur pièces les concernant, d'une procédure de rectification contradictoire au cours de laquelle ils ont pu contester les rectifications proposées par l'administration et apporter tous les éléments justificatifs nécessaires à leur défense, ils n'ont été privés d'aucune garantie ; que, dans ces conditions, M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que les droits de la défense ont été méconnus et que l'administration a manqué à son devoir de loyauté ou commis un détournement de procédure ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (... ) dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34 (...) " ; qu'aux termes de l'article 95 Q de l'annexe II à ce code : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée (...) " ; qu'aux termes de l'article 95 K de cette annexe : " Les investissements productifs neufs réalisés dans les départements d'outre-mer (...) qui ouvrent droit à la réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts sont les acquisitions ou créations d'immobilisations corporelles, neuves et amortissables, affectées aux activités relevant des secteurs éligibles en vertu des dispositions du I de cet article " ; qu'il résulte de ces dispositions que le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts est la date à laquelle, du fait de sa livraison effective ou de sa création dans le département ou le territoire d'outre-mer dont s'agit, l'immobilisation peut être effectivement exploitée ; que, dans le cas d'une création d'immobilisation, la date à retenir est celle à laquelle l'entreprise dispose matériellement de l'investissement productif et peut commencer son exploitation effective ; qu'il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction, qu'un contribuable remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 199 undecies B du code général des impôts ;

9. Considérant que des centrales photovoltaïques destinées à la revente d'électricité auprès d'Electricité de France, ne peuvent être effectivement exploitées sans être intégrées dans une installation et raccordées au réseau électrique, la conformité aux normes de sécurité en vigueur de cette installation devant impérativement, conformément aux dispositions alors en vigueur du décret n° 72-1120 du 14 décembre 1972 relatif au contrôle et à l'attestation de la conformité des installations électriques intérieures aux règlements et normes de sécurité en vigueur, dans sa version issue du décret n° 2010-301 du 22 mars 2010, faire l'objet d'une attestation visée par le comité national pour la sécurité des usagers de l'électricité avant que les centrales ne puissent être effectivement exploitées ; qu'en relevant que ces conditions n'étaient pas remplies au 31 décembre 2010, l'administration fiscale n'ajoute ainsi pas à la loi mais se borne à mettre en oeuvre les conditions auxquelles un investissement peut être regardé comme réalisé au sens du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts ;

10. Considérant, en dernier lieu, qu'il ressort des informations obtenues par l'administration auprès d'Electricité de France que les sociétés exploitantes des investissements réalisés par M. et Mme B... n'ont déposé de demandes de raccordement complètes auprès d'Electricité de France qu'au cours de l'année 2011 et n'avaient pas obtenu de certificat de conformité de leurs installations aux normes de sécurité électrique le 31 décembre 2010 ; que, contrairement à ce qu'ils soutiennent, M. et Mme B...ne produisent aucun élément justifiant du dépôt d'une demande complète de raccordement avant le 31 décembre 2010, les attestations de conformité jointes à leurs écritures étant datées de l'année 2011 ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a accordé à M. et Mme B...la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu qui leur avaient été assignée au titre de l'année 2010 ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement, de remettre à la charge de M. et Mme B...les impositions en cause, et de rejeter les conclusions présentées devant la Cour par les intéressés sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1431231/1-2 du Tribunal administratif de Paris du 26 janvier 2016 sont annulés.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu assignées à M. et Mme B...au titre de l'année 2010, dont les premiers juges ont prononcé la décharge, sont remises à la charge des intéressés, en droits et majoration.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. et Mme B...devant la Cour, sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie et des finances et à M. et Mme C...B....

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (Pôle fiscal Paris-Centre et services spécialisés).

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 septembre 2016.

Le président rapporteur,

I. BROTONSL'assesseur le plus ancien

S. APPECHE

Le greffier,

S. DALL' AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 16PA00640


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA00640
Date de la décision : 21/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Isabelle BROTONS
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : SELARL KIHL-DRIE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-09-21;16pa00640 ?
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