La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/07/2016 | FRANCE | N°15PA03267

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 29 juillet 2016, 15PA03267


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...E...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 25 juin 2014 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1424071/6-1 en date du 3 avril 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure de

vant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 août 2015, MmeE..., représentée par Me A.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...E...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 25 juin 2014 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1424071/6-1 en date du 3 avril 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 août 2015, MmeE..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1424071/6-1 du 3 avril 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 25 juin 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant des décisions de refus du titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire :

- ces décisions ont été signées par une personne incompétente ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée en ce qu'elle ne précise pas quel alinéa de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sert de fondement à l'obligation de quitter le territoire ;

- les décisions méconnaissent les dispositions de la directive 2008/115/CE sur le droit d'être entendu préalablement à la prise de toute décision qui affecte les intérêts de l'étranger ;

- les décisions méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences qu'elles emportent sur la situation personnelle de l'intéressée.

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle a été signée par une personne incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 33 de la convention de Genève.

La requête a été communiquée le 22 septembre 2015 au préfet de police qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme E...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 10 juillet 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés ;

- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Lapouzade a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeE..., ressortissante burundaise, a sollicité auprès des services de la préfecture de police, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 314-11 8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 25 juin 2014, le préfet de police a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à l'issue de ce délai. Mme E...fait appel du jugement du Tribunal administratif de Paris du 3 avril 2015 par lequel il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le moyen commun à toutes les décisions :

2. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté en date du 10 juin 2014, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris, le préfet de police a donné à M. C... D..., adjoint au chef du 10ème bureau, délégation à l'effet de signer, notamment, les décisions de refus de titre de séjour, les mesures d'éloignement ainsi que les décisions fixant le pays de renvoi. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté manque en fait et doit être écarté.

Sur la décision de refus du titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire :

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision de refus de séjour qui énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, n'est, entachée d'aucune insuffisance de motivation au regard des dispositions de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979.

4. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " [....]. / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. / [...] ". La circonstance que, en l'espèce, l'arrêté ne précise pas quel alinéa de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile fonde l'obligation de quitter le territoire n'est pas de nature à entacher cette décision d'une insuffisance de motivation dès qu'il ressort clairement des termes de l'arrêté que l'obligation de quitter le territoire fait suite au refus de délivrance d'un titre de séjour et ne peut ainsi trouver son fondement que dans les dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1.

5. Mme E...invoque la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 en faisant valoir qu'elle n'a pu être entendue avant que n'intervienne l'arrêté attaqué. Outre, que Mme E...ne précise pas quelles dispositions de cette directive auraient été méconnues, elle ne saurait se prévaloir de ces dispositions, lesquelles ont été complètement transposées par l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Aux termes des dispositions de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union. 2. Ce droit comporte notamment : (...) le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) " et aux termes de l'article 51 de la même Charte : " Champ d'application. 1. Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions et organes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux États membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union (...) ".

7. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur les mesures envisagées avant qu'elles n'interviennent. Toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour.

8. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ainsi que d'une décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour.

9. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, la circonstance que le préfet de police qui a refusé la délivrance du titre de séjour sollicité par Mme E...en assortissant cette décision d'une obligation de quitter le territoire français n'a pas, préalablement à l'édiction de la mesure d'éloignement, de sa propre initiative, expressément informé l'intéressée qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour, elle serait susceptible d'être contrainte de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en l'invitant à formuler ses observations sur cette éventualité, n'est pas de nature à permettre de regarder la requérante comme ayant été privée de son droit à être entendue tel qu'il est garanti notamment au paragraphe 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Par suite, si Mme E... a également entendu soulever un moyen tiré de la violation du droit à être entendu garanti par les stipulations précitées ce moyen ne peut qu'être écarté.

10. Enfin, à supposer que Mme E...ait entendu se prévaloir de ce droit à être entendu à l'appui de ses conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour, ce moyen ne pourra, en tout état de cause, qu'être écarté pour les motifs exposés au point 8.

11. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

12. MmeE..., qui selon ses déclarations a quitté son pays d'origine pour la France en février 2013, se borne à soutenir qu'elle y a noué des relations amicales, sociales et humaines importantes. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que les décisions contestées ont porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elles ont été prises, compte tenu de la brièveté de son séjour sur le territoire français, d'absence d'éléments de nature à établir son intégration et de ce qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où réside sa mère et dans lequel, elle a vécu jusqu'à l'âge de 26 ans. En conséquence le moyen tiré de la violation des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences qu'emportent ses décisions sur la situation personnelle de Mme E... ne peut être qu'écarté.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

13. En premier lieu, l'arrêté est suffisamment motivé s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi de MmeE..., à qui le bénéfice de l'asile a été refusé, en mentionnant que l'intéressée n'établit pas être exposée à des peines ou traitement contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision fixant le pays de renvoi doit être écarté.

14. Mme E...se borne à reproduire en appel le moyen, sans l'assortir d'éléments nouveaux, qu'elle avait développé dans sa demande de première instance, tirés de ce que l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter ce moyen soulevé en appel par Mme E..., Enfin, Mme E...n'établissant pas être menacée en cas de retour dans son pays d'origine, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1957 aux termes desquelles " 1. Aucun des Etats Contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques 2. Le bénéfice de la présente disposition ne pourra toutefois être invoqué par un réfugié qu'il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l'objet d'une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays. " ne pourra qu'être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...E...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 juillet 2016.

Le président rapporteur,

J. LAPOUZADEL'assesseur le plus ancien,

I. LUBEN

Le greffier,

A. CLEMENTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

3

N° 15PA03267


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA03267
Date de la décision : 29/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jacques LAPOUZADE
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : DIALLO

Origine de la décision
Date de l'import : 09/08/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-07-29;15pa03267 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award