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13/07/2016 | FRANCE | N°15PA00587

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 13 juillet 2016, 15PA00587


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions du 22 avril 2013 et du 13 mai 2013 par lesquelles le directeur général de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) a rejeté sa demande de modification du bulletin individuel de recensement de la population pour y faire figurer une mention " personne née en Algérie sous souveraineté française " et d'enjoindre sous astreinte à l'Institut national de la statistique et des études économiques d'in

clure une telle rubrique dans le formulaire de recensement.

Par un jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions du 22 avril 2013 et du 13 mai 2013 par lesquelles le directeur général de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) a rejeté sa demande de modification du bulletin individuel de recensement de la population pour y faire figurer une mention " personne née en Algérie sous souveraineté française " et d'enjoindre sous astreinte à l'Institut national de la statistique et des études économiques d'inclure une telle rubrique dans le formulaire de recensement.

Par un jugement n° 1308170/6-2 du 9 décembre 2014, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 février 2015 et des mémoires enregistrés les 26 juin 2015 et 10 septembre 2015, M.A..., représenté par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1308170/6-2 du 9 décembre 2014 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler les décisions du 22 avril 2013 et du 13 mai 2013 par lesquelles l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) a rejeté sa demande de modification du bulletin individuel de recensement de la population pour 2013 afin d'y faire figurer une mention " personne née en Algérie sous souveraineté française " ;

3°) d'enjoindre à l'Institut national de la statistique et des études économiques d'inclure dans le formulaire de recensement une rubrique " personne née en Algérie sous souveraineté française ", à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Institut national de la statistique et des études économiques le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la seule réponse susceptible d'être apportée à la question du questionnaire de recensement relative à sur son lieu de naissance porte atteinte à sa personnalité et à son état civil ;

- le règlement communautaire invoqué par l'administration n'impose à la France qu'une obligation de transmission uniformisée des données ; il n'interdit pas la confection d'un questionnaire comportant des questions respectant la personne et l'état civil des personnes recensées ;

- les décisions attaquées sont discriminatoires et contraires au principe d'égalité ;

- la formulation du questionnaire est contraire au principe d'indivisibilité de la République et d'unicité du territoire national.

Par des mémoires en défense enregistrés les 14 avril 2015 et 3 août 2015, le directeur général de l'Institut national de la statistique et des études économiques conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- la rédaction de la rubrique " date et lieu de naissance " du bulletin individuel utilisé à l'occasion du recensement de la population résulte de l'application des règlements communautaires, qui ont une autorité supérieure aux lois et règlements nationaux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement CE 763/2008 du Parlement européen et du Conseil du 9 juillet 2008 ;

- le règlement CE 1201/2009 du 30 novembre 2009 ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 ;

- la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 ;

- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;

- le décret n° 2003-485 du 5 juin 2003 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Diémert,

- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public.

1. Considérant qu'à la suite de la réception du formulaire relatif au recensement de la population française organisé en 2013, M. C...A...a constaté que né à Constantine en 1961 alors que l'Algérie faisait partie du territoire de la France, il lui était demandé d'indiquer, sur ce formulaire, qu'il était né à Constantine, " Algérie " ; qu'il a demandé le 29 mars 2013, d'une part, au directeur général de l'Institut national de la statistique et des études économiques et, d'autre part, au directeur de l'établissement de l'Institut national de la statistique et des études économiques basé à Nantes, que soit ajoutée la mention " personne née en Algérie sous souveraineté française " dans la rubrique " date et lieu de naissance " du bulletin individuel utilisé dans le cadre du recensement de la population ; que, par courrier du 22 avril 2013, le chef de la division organisation des recensements et relations extérieures de la direction des statistiques démographiques et sociales de l'Institut national de la statistique et des études économiques a rejeté cette demande en précisant qu'en raison des recommandations internationales imposant que le lieu de naissance soit enregistré en fonction des frontières actuelles, " une personne née en Algérie avant 1962 doit répondre qu'elle est née à l'étranger " ; que, par courrier du 13 mai 2013, la responsable de la division " recensement et système d'information géographique " de l'Institut national de la statistique et des études économiques a également rejeté cette demande en spécifiant que " l'Algérie étant hors des frontières actuelles de la France ", M. A...était considéré, dans le cadre du recensement, comme né à l'étranger ; que M. A...a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de ces deux décisions de refus ; que, par le jugement du 9 décembre 2014 dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques : " I. Le service statistique public comprend l'Institut national de la statistique et des études économiques et les services statistiques ministériels. / Les statistiques publiques regroupent l'ensemble des productions issues : / - des enquêtes statistiques dont la liste est arrêtée chaque année par un arrêté du ministre chargé de l'économie ; / - de l'exploitation, à des fins d'information générale, de données collectées par des administrations, des organismes publics ou des organismes privés chargés d'une mission de service public. / La conception, la production et la diffusion des statistiques publiques sont effectuées en toute indépendance professionnelle (...) " ; qu'aux termes de l'article 1er bis de ce texte : " I. Le Conseil national de l'information statistique est chargé, auprès de l'Institut national de la statistique et des études économiques, d'organiser la concertation entre les producteurs et les utilisateurs de la statistique publique. / II. Un décret en Conseil d'État (...) précise les conditions dans lesquelles l'autorité administrative décide du caractère obligatoire ou non de chaque enquête qui s'inscrit dans le cadre du programme annuel qu'elle a fixé " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette loi : " Les personnes sont tenues de répondre, avec exactitude, et dans les délais fixés, aux enquêtes statistiques qui sont rendues obligatoires en vertu de l'article 1er bis (...) " ; qu'aux termes de l'article 7 de la même loi : " En cas de défaut de réponse après mise en demeure, dans le délai imparti par ladite mise en demeure, ou de réponse sciemment inexacte, les personnes physiques ou morales peuvent être l'objet d'une amende administrative prononcée par le ministre chargé de l'économie sur avis du conseil national de l'information statistique réuni en comité du contentieux des enquêtes statistiques obligatoires dans les conditions fixées par le décret prévu au II de l'article 1er bis " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 156 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 : " I. - Le recensement de la population est effectué sous la responsabilité et le contrôle de l'Etat. / II. - Le recensement a pour objet : / 1° Le dénombrement de la population de la France ; / 2° La description des caractéristiques démographiques et sociales de la population (...) / Les données recueillies sont régies par les dispositions de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques et de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. / III. - La collecte des informations est organisée et contrôlée par l'Institut national de la statistique et des études économiques (...) " ; qu'aux termes de l'article 38 du décret n° 2003-485 du 5 juin 2003 relatif au recensement de la population : " I. Les informations individuelles utilisées durant la phase de collecte sont : / (...). / 2. Des données portant sur les personnes physiques et concernant le nom et les prénoms, la date et le lieu de naissance, le sexe, la nationalité, la situation familiale, le niveau et la nature de la formation, les études, les activités professionnelles, le lieu de résidence, le lieu d'étude ou de travail, la résidence antérieure, les moyens de transport, les conditions de logement et l'équipement en véhicules automobiles. Le nom et le prénom ne sont pas enregistrés dans le fichier de saisie informatique utilisé pour les besoins du recensement (...). " ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'eu égard à l'objet et aux effets du recensement, qui est de recueillir à des fins statistiques des informations sur la composition et les mouvements de la population de la France, les réponses apportées par les personnes sujettes au recensement sur le bulletin individuel utilisé dans le cadre de ces opérations sont sans incidence aucune sur leur état civil comme sur leur personnalité ; qu'ainsi, la circonstance qu'il leur est demandé de remplir la rubrique " lieu de naissance " en fonction des frontières internationales actuelles et non conformément aux indications de leur acte de naissance ne saurait porter atteinte à leur droit au respect de leur état civil et de leur personnalité ; que le moyen est inopérant et doit être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que si le principe d'indivisibilité de la République, proclamé par l'article 1er de la Constitution, interdit notamment que les citoyens soient affectés dans l'exercice de leurs droits en fonction de leur attache avec une partie déterminée du territoire de la France, la réponse apportée par une personne sujette au recensement de la population sur le bulletin individuel utilisé à cette fin n'a pas et ne saurait avoir pour effet de porter atteinte, eu égard à la portée des opérations de recensement, aux droits de ces personnes ; que le moyen tiré de la méconnaissance du principe constitutionnel d'indivisibilité de la République est, par suite, inopérant ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu de l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, d'une part constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, son âge, sa perte d'autonomie, son handicap, son orientation ou identité sexuelle, son sexe ou son lieu de résidence, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable et, d'autre part, constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés ;

7. Considérant que, comme dit précédemment, le recensement, dont les données sont recueillies en privé et qui est exploité de façon anonyme, a pour seul objet de réunir des informations sur la population française et n'est pas utilisé pour ouvrir des droits aux personnes recensées ; qu'ainsi la circonstance que les bulletins individuels utilisés dans le cadre des opérations de recensement ne comportent pas une rubrique spécifiquement consacrée à l'indication d'une naissance sur le territoire des départements algériens alors soumis à la souveraineté française ne saurait constituer, au détriment des Français qui y sont nés, une discrimination directe ou indirecte au sens et pour l'application des dispositions de la loi du 3 août 2009 ; que si les personnes nées dans un département français d'Algérie peuvent obtenir le bénéfice, à leur demande, d'un numéro d'identification " INSEE " à 13 chiffres qui comprend le code de leur département de naissance algérien et non le code " 99 " identifiant un lieu de naissance à l'étranger, les conséquences de la réponse à un formulaire de recensement sont sans rapport avec celles de l'attribution d'un numéro d'identification fréquemment employé dans la vie courante, si bien que M. A... n'est en tout état de cause pas fondé à soutenir qu'une solution identique s'imposait en ce qui concerne ce formulaire ; qu'ainsi le moyen tiré d'une discrimination illégale doit également être écarté ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; qu'il s'ensuit que sa requête doit être rejetée, en ce compris ses conclusions fondées sur l'article L. 911-1 du code de justice administrative, et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du même code, dès lors que l'intéressé est la partie perdante dans la présente instance ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Amat, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 juillet 2016.

Le rapporteur,

S. DIÉMERTLa présidente,

S. PELLISSIER

Le greffier,

A. LOUNIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA00587


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15PA00587
Date de la décision : 13/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : SCP HUVEY PAYE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-07-13;15pa00587 ?
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