La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/07/2016 | FRANCE | N°15PA01339

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 07 juillet 2016, 15PA01339


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du ministre de l'intérieur lui interdisant d'accéder à l'espace Schengen ainsi que la décision du ministre de l'intérieur, révélée par un courrier de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) en date du 14 octobre 2013, de ne pas lui communiquer les informations le concernant contenues dans le système d'information Schengen. Il a également demandé au tribunal d'enjoindre au ministre de l'intérieur de

lui communiquer la décision prise à son encontre ainsi que l'ensemble des piè...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du ministre de l'intérieur lui interdisant d'accéder à l'espace Schengen ainsi que la décision du ministre de l'intérieur, révélée par un courrier de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) en date du 14 octobre 2013, de ne pas lui communiquer les informations le concernant contenues dans le système d'information Schengen. Il a également demandé au tribunal d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui communiquer la décision prise à son encontre ainsi que l'ensemble des pièces annexes propres à justifier cette décision.

Par un jugement n° 1318025/6-1 du 2 février 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er avril 2015, M.A..., représenté par Me Devers, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1318025/6-1 du 2 février 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler les décisions attaquées ;

3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- la liberté fondamentale d'aller et de venir ne peut être limitée qu'au vu des strictes nécessités de l'ordre public ;

- le ministre de l'intérieur ne saurait prétendre disposer d'informations particulières le concernant dès lors qu'il est un personnage public et que toute son activité, qui n'est nullement répréhensible comme l'a déjà constaté la commission canadienne des droits des personnes, est parfaitement connue ;

- pour les mêmes raisons, le ministre de l'intérieur ne peut prétendre être dans l'impossibilité de communiquer ces informations.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 août 2015, la CNIL, représentée par sa présidente, conclut au rejet de la requête.

Elle précise qu'elle s'en tient à la confirmation des observations précédemment produites devant le Tribunal.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juin 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le signalement de M. A...dans le système informatique national du système d'information Schengen est fondé sur des éléments recueillis par les services de renseignement, desquels il ressort que la présence de l'intéressé sur le territoire national est constitutive d'une menace pour l'ordre public, la sécurité ou la sûreté nationale, au sens de l'article 96 de la convention d'application de l'accord de Schengen ;

- la communication des éléments du fichier intéressant M. A...serait susceptible de mettre en cause les finalités du traitement, la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- le décret n° 95-577 du 6 mai 1995 ;

- le décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dalle,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- et les observations de Me Devers, avocat de M.A.réservés, il est ordonné au ministre de l'intérieur de communiquer à la Cour, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, les éléments d'information définis par les motifs du présent arrêt

1. Considérant que M.A..., ressortissant canadien qui se rendait en France via les Pays-Bas, a été informé le 21 juin 2013 par les autorités néerlandaises qu'il faisait l'objet dans le système d'information Schengen d'un signalement aux fins de non-admission, à l'initiative de la France ; qu'il a en conséquence été placé en zone d'attente et reconduit le lendemain au Canada ; que, par une lettre du 14 octobre 2013, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), qu'il avait saisie d'une demande d'accès à ce fichier, lui a répondu qu'un membre de la commission avait procédé aux vérifications demandées mais que les dispositions combinées de l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée et de l'article 88 de son décret d'application du 20 octobre 2005 ne permettaient pas de lui apporter de plus amples informations, en raison de l'opposition du ministère de l'intérieur, gestionnaire de ce fichier intéressant " la sûreté de l'Etat, la défense et la sécurité publique " ; qu'il a alors saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation, d'une part, de la décision du ministre de l'intérieur lui refusant l'accès au territoire français, notifiée oralement le 21 juin 2013, d'autre part, de la décision du ministre de l'intérieur, révélée par le courrier de la CNIL du 14 octobre 2013, de ne pas lui communiquer les informations le concernant contenues dans le système d'information Schengen ; que le Tribunal a estimé que M. A...devait être regardé comme demandant la communication et l'effacement de ces informations et a rejeté la demande de l'intéressé, par un jugement du 2 février 2015 ; que M. A...relève appel de ce jugement ;

2. Considérant que l'article 92 de la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, signée à Schengen le 19 juin 1990, institue un "Système d'Information Schengen" composé d'une partie nationale, auprès de chacune des Parties contractantes, et d'une fonction de support technique ; que ce système a pour objet, conformément à l'article 93 de cette convention, de préserver l'ordre et la sécurité publics, y compris la sûreté de l'Etat, et l'application des stipulations de la convention sur la circulation des personnes sur les territoires des Parties contractantes à l'aide des informations transmises par lui ; qu'en vertu de l'article 96 de cette convention, ce système comprend les données relatives aux étrangers qui sont signalés aux fins de non-admission, intégrées sur la base d'un signalement national résultant de décisions prises, dans le respect des règles de procédure prévues par la législation nationale, par les autorités administratives ou les juridictions compétentes ; que seule la partie contractante signalante est autorisée, en vertu du 1 de l'article 106 de cette convention, à modifier, à compléter, à rectifier ou à effacer les données qu'elle a introduites, le droit de toute personne d'accéder aux données la concernant, de même que le droit de rectification de ces données, s'exerçant, en vertu des articles 109 et 110 de la convention, dans le respect du droit de la partie contractante auprès de laquelle elle les fait valoir ; que chaque partie contractante désigne, en vertu de l'article 114 de la convention, une autorité de contrôle chargée, dans le respect du droit national, d'exercer un contrôle indépendant du fichier de la partie nationale du système d'information Schengen et de répondre à toute personne lui demandant de vérifier les données la concernant intégrées dans ce système ainsi que l'utilisation qui est faite de ces données ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés : " Par dérogation aux articles 39 et 40, lorsqu'un traitement intéresse la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique, le droit d'accès s'exerce dans les conditions prévues par le présent article pour l'ensemble des informations qu'il contient. / La demande est adressée à la commission qui désigne l'un de ses membres appartenant ou ayant appartenu au Conseil d'Etat, à la Cour de cassation ou à la Cour des comptes pour mener les investigations utiles et faire procéder aux modifications nécessaires. Celui-ci peut se faire assister d'un agent de la commission. Il est notifié au requérant qu'il a été procédé aux vérifications. / Lorsque la commission constate, en accord avec le responsable du traitement, que la communication des données qui y sont contenues ne met pas en cause ses finalités, la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique, ces données peuvent être communiquées au requérant (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article 6 du décret du 6 mai 1995 relatif au système informatique national du système d'information Schengen, le droit d'accès aux données enregistrées dans ce système informatique " s'exerce auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, conformément aux articles 109 et 114 de la convention et à l'article 39 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée sans préjudice des dispositions réglementaires relatives aux données susceptibles d'être consultées directement par l'intéressé exerçant ce droit " ;

4. Considérant que le ministre de l'intérieur soutient que le signalement de M. A... dans le système informatique national du système d'information Schengen est fondé sur des éléments recueillis par les services de renseignement, desquels il ressort que la présence de l'intéressé sur le territoire national est constitutive d'une menace pour l'ordre public, la sécurité ou la sûreté nationale, au sens de l'article 96 de la convention d'application de l'accord de Schengen ; que, cependant, ces seules allégations ne permettent pas de connaître les motifs justifiant l'inscription de M. A...et son maintien dans le système informatique national du système d'information Schengen, ni d'apprécier par conséquent la légalité du refus opposé par le ministre aux demandes de communication et d'effacement dont il était saisi ;

5. Considérant que si, conformément au principe du caractère contradictoire de l'instruction, le juge administratif est tenu de ne statuer qu'au vu des seules pièces du dossier qui ont été communiquées aux parties, il lui appartient, dans l'exercice de ses pouvoirs généraux de direction de la procédure, de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction sur les points en litige ;

6. Considérant qu'en l'espèce, il y a lieu pour la Cour d'ordonner avant-dire-droit au ministre de l'intérieur de lui communiquer - pour versement au dossier de l'instruction écrite contradictoire - tous éléments utiles à la solution du litige et relatifs aux motifs concernant l'inscription, à la date de sa décision, de M. A...dans le système informatique national du système d'information Schengen ; que, dans l'hypothèse où le ministre de l'intérieur estimerait que ces motifs, ou certains d'entre eux, sont couverts par un secret garanti par la loi ou que, s'agissant de données intéressant la sûreté de l'Etat, la défense et la sécurité publique, leur communication mettrait en cause les fins assignées à ce fichier, et où il estimerait en conséquence devoir refuser leur communication, il lui appartiendrait néanmoins de verser au dossier de l'instruction écrite contradictoire tous éléments d'information appropriés sur la nature des pièces écartées et les raisons de leur exclusion, de façon à permettre à la Cour de se prononcer en connaissance de cause sans porter, directement ou indirectement, atteinte aux secrets garantis par la loi ou imposés par des considérations tenant à la sûreté de l'Etat, à la défense et à la sécurité publique ; qu'enfin, dans le cas où un refus serait opposé à une demande d'information formulée par lui, il appartiendrait à la Cour, conformément aux règles générales d'établissement des faits devant le juge administratif, de joindre, en vue du jugement à rendre, cet élément de décision à l'ensemble des données fournies par le dossier ;

DECIDE :

Article 1er : Avant dire droit sur la requête de M.A..., tous droits et moyens des parties demeurant.réservés, il est ordonné au ministre de l'intérieur de communiquer à la Cour, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, les éléments d'information définis par les motifs du présent arrêt

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., au ministre de l'intérieur et à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).

Délibéré après l'audience du 23 juin 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Dalle, président assesseur,

- M. Blanc, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 7 juillet 2016.

Le rapporteur,

D. DALLELe président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

5

N° 15PA01339


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA01339
Date de la décision : 07/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-07-05-02-05 Droits civils et individuels.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. David DALLE
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : SCP DEVERS DUVAL PARIS JACQUENET-POILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-07-07;15pa01339 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award