Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 3 mai 2014 par lequel le préfet de police a prononcé la caducité de son droit au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé son pays de destination.
Par un jugement n° 1424097/6-3 du 9 mars 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2015, MmeB..., représentée par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1424097/6-3 du 9 mars 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 3 mai 2014 par lequel le préfet de police a prononcé la caducité de son droit au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé son pays de destination ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision constatant la caducité de son droit au séjour n'est pas suffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation individuelle ;
- le préfet n'a pas respecté les dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'elle justifie pouvoir subvenir à ses besoins et ne constitue donc pas une charge déraisonnable pour le système social français ;
- les premiers juges ont renversé la charge de la preuve quant à ses moyens de subsistance ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle et familiale ;
- la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par suite de l'illégalité de la décision constatant la caducité de son droit au séjour ;
- la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet de police, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu la décision n° 2015/022961 du 10 juillet 2015 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris a admis Mme B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Polizzi a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeB..., ressortissante roumaine, née le 6 mai 1977, entrée en France en 2013 selon ses déclarations faites à la préfecture de police, a fait l'objet le 3 mai 2014 d'un arrêté du préfet de police déclarant caduc son droit au séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ; que Mme B...relève appel du jugement du 9 mars 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la légalité de la décision déclarant caduc le droit au séjour de MmeB... :
2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté du 3 mai 2014 vise les textes dont le préfet a fait application ; qu'il indique que Mme B...est de nationalité roumaine, qu'elle réside en France depuis plus de trois mois, qu'elle ne justifie pas de ressources suffisantes et d'une assurance maladie afin de ne pas devenir une charge pour le système national d'assistance sociale ; qu'il précise que la décision qui lui est opposée ne contrevient pas aux stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ainsi, il mentionne, avec une précision suffisante, les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement des décisions litigieuses ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que ni les termes de l'arrêté contesté, ni la circonstance qu'il consiste en un formulaire pré-rempli, ne permettent d'établir que le préfet n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation de MmeB... ; que celle-ci n'établit pas, ni même n'allègue, avoir fait état auprès du préfet de considérations relatives à sa vie privée et familiale ; qu'il y a lieu, par suite, d'écarter le moyen tiré du défaut d'examen complet de la situation personnelle de l'intéressée ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : (...) / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 121-4 du même code : " (...) La charge pour le système d'assistance sociale que peut constituer le ressortissant mentionné à l'article L. 121-1 est évaluée en prenant notamment en compte le montant des prestations sociales non contributives qui lui ont été accordées, la durée de ses difficultés et de son séjour (...) " ; qu'enfin l'article L. 511-3-1 du même code dispose que l'autorité administrative peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne à quitter le territoire français lorsqu'elle constate qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
5. Considérant qu'il incombe à l'administration, en cas de contestation sur la durée du séjour d'un citoyen de l'Union européenne dont elle a décidé l'éloignement, de faire valoir les éléments sur lesquels elle se fonde pour considérer qu'il ne remplit plus les conditions pour séjourner en France ; que l'administration peut, notamment, s'appuyer sur les déclarations préalablement faites par l'intéressé ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, il appartient à l'étranger qui demande l'annulation de cette décision d'apporter tout élément de nature à en contester le bien-fondé, selon les modalités habituelles de l'administration de la preuve ;
6. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 121-1 et R. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées que l'insuffisance des ressources peut être opposée par le préfet pour prendre une décision d'éloignement à l'encontre d'un ressortissant communautaire qui séjourne en France depuis plus de trois mois, alors même que l'intéressé n'est pas encore effectivement pris en charge par le système d'aide sociale ; que Mme B... ne conteste pas ne disposer d'aucune couverture d'assurance maladie ; que si elle produit des factures attestant que son compagnon perçoit ponctuellement de l'argent provenant de la vente de platinage, elle ne justifie toutefois pas de ressources suffisantes pour ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale ; que si elle fait valoir qu'elle ne constitue pas une telle charge dans la mesure où elle ne bénéficiait pas de l'aide médicale d'Etat à la date de la décision attaquée, il résulte, en tout état de cause, des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'insuffisance des ressources peut être opposée par le préfet pour constater l'absence de droit au séjour d'un ressortissant de l'Union et justifier une mesure d'éloignement, alors même que l'intéressée n'est pas encore effectivement prise en charge par le système d'aide sociale ; qu'en tout état de cause, Mme B... en avait fait la demande à la date de la décision attaquée ; que, par suite, c'est à bon droit que le préfet a constaté que, passé le délai de trois mois, Mme B...ne justifiait plus d'un droit au séjour et lui a fait, en application de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, obligation de quitter le territoire français ;
7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B... vit avec son compagnon, M. A...B..., et sa fille âgée de six ans à la date de la décision attaquée, Mlle F...B..., chez une personne qui les héberge à Ivry-sur-Seine ; que M. A...B...travaille de manière ponctuelle sur des chantiers et revend des métaux en tant que particulier à des entreprises ; que l'intéressée n'allègue pas avoir développé de liens particuliers avec la France ; que, par ailleurs, Mme B... n'établit pas qu'ils seraient dépourvus de tout lien en Roumanie, où aucune circonstance ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue ; que, par suite, la décision litigieuse n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
9. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;
10. Considérant qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions qui les concernent ; qu'il ressort des pièces du dossier que rien ne s'oppose à ce que la fille de Mme B...reparte avec elle et son père dans leur pays d'origine et à ce qu'elle puisse y poursuivre une scolarité en Roumanie ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention des droits de l'enfant doit être écarté ;
11. Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation en France de l'intéressée ;
Sur la légalité de la décision prononçant l'obligation de quitter le territoire français :
12. Considérant, en premier lieu, que, compte tenu de tout ce qui a été dit précédemment, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale en conséquence de l'illégalité de la décision déclarant caduc le droit au séjour de Mme B...sur laquelle elle se fonde, doit être écarté ;
13. Considérant, en second lieu, que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que doivent être également rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 16 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Polizzi, président assesseur,
- MmeD..., première conseillère,
Lu en audience publique, le 30 juin 2016.
Le rapporteur,
F. POLIZZILe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
N. ADOUANE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 15PA03067