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30/06/2016 | FRANCE | N°15PA00948

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 30 juin 2016, 15PA00948


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...dit Mike D...et Mme E...H...épouse D...ont demandé au Tribunal administratif de la Polynésie Française d'annuler l'arrêté n° 2014-70/DGS du 7 février 2014 par lequel le maire de la commune de Papeete a constaté un risque grave et imminent d'éboulement d'un important remblai réalisé sur leur parcelle cadastrée IW 10 et prescrit les mesures d'urgence nécessaires à la protection des personnes et à la sécurisation des habitations avoisinantes.

Par un jugement n° 1400281/1 du 2 décembre

2014, le Tribunal administratif de la Polynésie Française a rejeté leur demande.

Procé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...dit Mike D...et Mme E...H...épouse D...ont demandé au Tribunal administratif de la Polynésie Française d'annuler l'arrêté n° 2014-70/DGS du 7 février 2014 par lequel le maire de la commune de Papeete a constaté un risque grave et imminent d'éboulement d'un important remblai réalisé sur leur parcelle cadastrée IW 10 et prescrit les mesures d'urgence nécessaires à la protection des personnes et à la sécurisation des habitations avoisinantes.

Par un jugement n° 1400281/1 du 2 décembre 2014, le Tribunal administratif de la Polynésie Française a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 mars 2015, M. D... et Mme E... H...épouseD..., représentés par Me A..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400281/1 du 2 décembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie Française a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 2014-70/DGS du 7 février 2014 par lequel le maire de la commune de Papeete a constaté un risque grave et imminent d'éboulement d'un important remblai réalisé sur leur parcelle cadastrée IW 10 et prescrit les mesures d'urgence nécessaires à la protection des personnes et à la sécurisation des habitations avoisinantes ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Papeete une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'arrêté attaqué vise trois procès-verbaux de visites du laboratoire des travaux publics de Polynésie (LTPP) dont ils n'ont jamais été informés ; il semblerait que des visites aient été réalisées sur leur terrain sans leur autorisation ;

- les directeurs successifs de ce laboratoire, voisins et amis de leurs voisins, le conseiller municipal chargé de l'urbanisme et les époux B...qui les accusent de désordres sur leur propriété se liguent à leur encontre en utilisant leurs différents statuts pour se donner l'apparence de l'objectivité ;

- ils n'ont jamais réalisé un remblai mais ont seulement toléré que les riverains déversent de la terre chez eux à condition de l'étaler ;

- l'arrêté est exclusivement fondé sur l'affirmation inexacte que le remblai a un volume de 100 000 m3 ; le phénomène de déstabilisation de la zone est très ancien, et le remblai a été réalisé sur une période de vingt ans, pour un volume de 5 000 à 15 000 m3 au maximum ; ce type de fissure, qui se trouve dans l'ensemble du lotissement Pic Rouge, est sans lien avec le remblai ; l'importance du volume de remblai a été occultée durant les opérations d'expertise alors qu'elle est essentielle pour la compréhension du phénomène et l'exécution des travaux ordonnés par la commune ;

- il ressort de l'étude qu'ils produisent que les travaux préconisés risqueraient non seulement d'être inutiles, mais aussi de causer un préjudice supplémentaire à l'ensemble de la zone ; il convient de limiter les opérations à une décharge de moins de 10 000 mètres cubes afin de stabiliser provisoirement le versant en attendant des études complètes ;

- l'arrêté du 6 octobre 2014 par lequel le maire de Papeete les a mis en demeure d'exécuter les travaux ignore toutes les expertises et les analyses réalisées sur la zone ; la commune n'a pas justifié du coût des travaux ; les désordres dont se plaignaient les époux B...se sont amplifiés après que le remblai ait été retiré par la commune.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2015, la commune de Papeete, représentée par MeG..., demande le rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des requérants une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir que :

- l'arrêté attaqué ne constitue pas un acte isolé ni de complaisance, mais fait suite à de nombreuses études techniques ; il a été pris à titre préventif compte tenu des risques constatés par les experts et des intempéries de la saison des pluies, susceptibles d'accélérer l'éboulement du remblai et d'une partie des propriétés avoisinantes ;

- les époux D...ont réalisé sans autorisation ni suivi technique un remblai de plusieurs milliers de mètres cubes en montagne, dans un contexte géologique délicat et en zone résidentielle, ce qui est à l'origine des désordres, comme le relève l'expert mandaté par le tribunal de première instance ;

- le risque d'éboulement est établi, de sorte que le maire était tenu, en vertu des dispositions de l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, de prendre l'arrêté attaqué ;

- les photographies produites montrent l'évolution et l'importance du remblai réalisé sur une superficie de plus de 5 000 m² ; il résulte du pré-rapport d'expertise que ce remblai est très fragile, compte tenu de sa nature et de celle du terrain sur lequel il a été réalisé, et sujet à des mouvements ; le LTPP a constaté un phénomène de glissement de grande ampleur du terrain des consortsD..., à l'origine des fissurations évolutives des maisons des consortsB..., et préconisé le retrait du remblai avant la prochaine saison des pluies ; le pré-rapport d'expertise judiciaire contradictoire préconise également l'enlèvement immédiat des matériaux de remblai ;

- s'il apparaît que le remblai fait moins que les 100 000 m3 dont l'arrêté précise qu'il s'agit d'un volume estimé, la quantité de matériaux à déblayer devra naturellement être revue en conséquence ;

- les accusations de partialité formulées par les requérants sont dépourvues de caractère sérieux ; les rapports du LTPP des 2 septembre 2013 et 31 janvier 2014 ont été réalisés pour le compte des époux B...et s'ils lui ont été communiqués, elle n'avait pas l'obligation de les transmettre aux requérants, et celui du 10 janvier 2014 a été réalisé à la demande de l'expert judiciaire, de sorte que les requérants en ont eu connaissance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française, ensemble la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 16 juin 2016 :

- le rapport de M. Polizzi,

- et les conclusions de M. Roussel, rapporteur public.

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme D...sont propriétaires de la parcelle cadastrée IW n° 10 à Papeete, dans le lotissement Pic rouge situé à Tipaerui ; que la commune soutient que M. D...a, sans autorisation, progressivement agrandi la surface plane du remblai préexistant sur son terrain ; que des désordres sont apparus sur la route de desserte du lotissement, puis sur une habitation voisine ; que, le 11 octobre 2013, le juge des référés du tribunal civil de première instance de Papeete a ordonné une expertise dont le pré-rapport, produit par les parties dans le cadre de la présente instance et documenté par des contrôles réalisés par le laboratoire des travaux publics de Polynésie (LTPP), conclut que le remblai, effectué " par recharges successives par le haut sur les déversements antérieurs affaissés progressivement sous leur propre poids ", a créé une surpression sur la " pente naturelle accentuée constituée de formations basaltiques plus ou moins altérées ", provoquant un mouvement de terrain " évolutif et non stabilisé " par rupture du matériau de fondation, ce qui peut aboutir, en période de fortes précipitations " à un glissement en masse du versant avec de graves conséquences " ; que, par arrêté du 7 février 2014, le maire de Papeete, après une visite effectuée le même jour sur les lieux par les services techniques de la commune et le LTPP, a constaté une situation de danger grave liée à l'insécurité du remblai réalisé et enjoint au propriétaire de réaliser à sa charge les travaux urgents nécessaires à la sécurisation du site, à démarrer au plus tard dans un délai de dix jours ; que les requérants demandent l'annulation du jugement par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie Française a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté et de cet arrêté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant que la circonstance que la commune ait eu accès aux procès-verbaux de visite du LTPP est sans influence sur la légalité de l'arrêté attaqué dès lors que ces visites n'ont pas eu lieu dans le cadre de la procédure préalable à cet arrêté ; que, contrairement à ce qu'ils soutiennent, les requérants y ont eu accès dans le cadre de la procédure contradictoire mise en place par l'expert nommé par le juge judiciaire des référés ; que, par suite, le moyen tiré de ce que M. et Mme D...n'ont pas été informés des procès-verbaux des visites du LTPP visés par l'arrêté attaqué doit être écarté ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l'exécution des actes de l'Etat qui y sont relatifs " ; qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du même code : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2212-4 de ce code : " En cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l'article L. 2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances. " ;

4. Considérant qu'ainsi que l'a jugé le Tribunal administratif, le pré-rapport de l'expertise ordonnée par le juge civil conclut au fait que les désordres constatés sur la route et l'habitation voisine de la parcelle IW n° 10 sont en lien avec la recharge progressive du remblai, qui a été réalisé par les époux D...sans aucun travail de préparation du terrain et sans respecter les règles de l'art, laquelle provoque un mouvement de terrain pouvant aboutir à un glissement en masse du versant ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de ce pré-rapport, que si le terrain naturel du secteur, constitué de formations basaltiques plus ou moins altérées, présente une instabilité géologique du fait de sa sensibilité à la saturation par les précipitations, l'origine des désordres est le poids du remblai provoquant une rupture par enfoncement de ce matériau de fondation fragile ; qu'au surplus, le géologue mandaté par les requérants a admis que l'influence du remblai était possible même s'il a par la suite modifié ses conclusions sur ce point en excluant tout lien de causalité ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;

5. Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

6. Considérant que, même si l'arrêté attaqué évalue, de façon probablement erronée, le volume du remblai réalisé à 100 000 m3, cette circonstance est sans incidence sur la légalité des mesures prises par le maire le 7 février 2014 dès lors qu'elle ne met pas en cause l'appréciation de la réalité d'un danger d'éboulement, danger accru en période de saison des pluies ; qu'ainsi que le soutient la commune en défense, si le remblai est inférieur aux 100 000 mètres cubes dont l'arrêté précise d'ailleurs qu'il s'agit d'un volume estimé, la quantité de matériaux à déblayer sera naturellement revue en conséquence ;

7. Considérant que les circonstances, postérieures à l'arrêté en litige, que l'arrêté du 6 octobre 2014 par lequel le maire de Papeete les a mis en demeure d'exécuter les travaux ignorerait les expertises et les analyses réalisées sur la zone, que la commune n'aurait pas justifié du coût des travaux et que les désordres dont se plaignaient les époux B...se seraient amplifiés après que le remblai ait été retiré par la commune sont sans influence sur la légalité de l'arrêté attaqué ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D... et Mme H... épouse D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie Française a rejeté leur demande ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. / Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée à ce titre par les requérants ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme D...une somme de 2 000 euros au titre des dispositions précitées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... et de Mme H... épouse D...est rejetée.

Article 2 : M. D... et Mme H... épouse D...verseront à la commune de Papeete une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... dit MikeD..., à Mme E... H...épouse D...et à la commune de Papeete.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Polizzi, président assesseur,

- MmeF..., première conseillère,

Lu en audience publique, le 30 juin 2016.

Le rapporteur,

F. POLIZZILe président,

M. BOULEAULe greffier,

N. ADOUANE La République mande et ordonne au ministre des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 15PA00948


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA00948
Date de la décision : 30/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Francis POLIZZI
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : ANTZ

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-06-30;15pa00948 ?
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