Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une demande enregistrée sous le n° 1412877, Mme C...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision en date du 30 décembre 2013 par laquelle l'inspecteur du travail de la section 15 C de l'unité territoriale de Paris de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a autorisé la mutuelle MGEN Action sanitaire et sociale à la licencier pour motif disciplinaire, ainsi que la décision par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social a implicitement rejeté son recours hiérarchique.
Par une demande enregistrée sous le n° 1423622, Mme C...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision en date du 5 août 2014 par laquelle le ministre chargé du travail a, d'une part, annulé les décisions implicite et explicite de l'inspecteur du travail ainsi que sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique et, d'autre part, autorisé son licenciement.
Par un jugement n° 1412877, 1423622/3-3 du 30 juin 2015, le Tribunal administratif de Paris, après avoir joint ces deux demandes, les a rejetées.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 août 2015 et 1er décembre 2015, Mme B..., représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1412877, 1423622/3-3 du 30 juin 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'inspecteur du travail de l'unité territoriale de Paris n'était pas territorialement compétent, dès lors que l'établissement de Saint-Jean d'Aulps en Haute-Savoie disposait d'une autonomie suffisante ;
- les décisions contestées sont entachées d'un vice de procédure en méconnaissance des stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle n'a pu se rendre à Paris où étaient organisées les enquêtes contradictoires ;
- l'inspecteur du travail ne pouvait autoriser son licenciement sans avoir préalablement retiré sa décision implicite refusant l'autorisation de licenciement ;
- son employeur aurait dû mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi et des licenciements pour motif économique ;
- l'inspecteur du travail ne pouvait autoriser son licenciement sans avoir préalablement autorisé le transfert de son contrat de travail ;
- l'activité de nettoyage n'étant pas une entité économique autonome, l'article L. 1224-1 du code du travail est inapplicable ;
- le transfert de son lieu de travail de Saint-Jean d'Aulps à Evian constitue une modification de son contrat de travail et non un simple changement de ses conditions de travail, dès lors que les deux communes, situées à 31 kilomètres l'une de l'autre, sont reliées par une route de montagne régulièrement enneigée et qu'il n'existe aucun moyen de transport en commun entre son lieu de résidence et Evian ;
- c'est à tort que le ministre chargé du travail a considéré que l'inspecteur du travail avait méconnu le principe du contradictoire ;
- l'inspecteur du travail n'a pas expressément retiré sa décision implicite rejetant la demande d'autorisation de licenciement et l'intervention de sa décision expresse autorisant le licenciement ne peut être regardée comme procédant au retrait de cette décision implicite, dès lors qu'en application de la loi du 12 avril 2000 ce retrait devait faire l'objet d'une décision expresse et motivée précédée d'une procédure contradictoire ;
- le ministre chargé du travail a retiré sa décision implicite de rejet sans la mettre à même de présenter ses observations en méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;
- son refus de se rendre sur son nouveau lieu de travail présentait un caractère légitime, dès lors que le transfert de son contrat de travail n'avait fait l'objet d'aucune autorisation ;
- la MGEN n'était plus son employeur lorsqu'elle a sollicité l'autorisation de la licencier, dès lors que son contrat de travail avait été transféré à la Sodexo.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2015, appuyée d'une pièce complémentaire enregistrée au greffe de la Cour le 27 janvier 2016, la mutuelle MGEN Action sanitaire et sociale, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mai 2016, la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code du travail ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bernard,
- et les conclusions de M. Sorin, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B...a été recrutée le 10 juillet 1989 par la Mutuelle générale de l'éducation nationale (MGEN), devenue MGEN Action sanitaire et sociale. En dernier lieu, elle exerçait les fonctions d'agent des services logistiques au sein du service " Bio nettoyage " du centre de soins de suite et de réadaptation Alexis Léaud à Saint-Jean d'Aulps (Haute-Savoie). Elle était par ailleurs déléguée du personnel titulaire. La mutuelle a décidé de transférer ce centre de soins dans de nouveaux locaux, situés sur le site de l'ancien hôpital d'Evian (Haute-Savoie), à compter du 2 octobre 2013. Elle a par ailleurs décidé d'externaliser l'activité de " Bio nettoyage ", entraînant ainsi le transfert à la société Sodexo des salariés qui y étaient rattachés. Ce transfert devait en principe intervenir le 1er octobre 2013. Par courrier du 19 juillet 2013, la MGEN Action sanitaire et sociale a demandé à Mme B... de bien vouloir lui indiquer si elle acceptait la modification de son lieu de travail. Parallèlement, la mutuelle a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de transférer le contrat de travail de Mme B... à la société Sodexo. Par un courrier en date du 25 septembre 2013, Mme B... a indiqué à la MGEN Action sanitaire et sociale qu'elle refusait la modification de son lieu de travail, laquelle constituait selon elle une modification de son contrat de travail. Par courrier du 28 octobre 2013, la MGEN Action sanitaire et sociale a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier Mme B... en raison du refus de celle-ci de changer de lieu de travail. Par courrier du 15 novembre 2013, la mutuelle a précisé à l'inspecteur du travail que son précédent courrier valait désistement de sa demande d'autorisation de transfert du contrat de travail de Mme B.... Après qu'une décision implicite de rejet fut née, l'inspecteur du travail de la section 15 C de l'unité territoriale de Paris de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a autorisé le licenciement de Mme B... par décision du 30 décembre 2013. Mme B... a alors formé un recours hiérarchique. Par décision du 5 août 2014, le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social a, d'une part, annulé les décisions implicite et explicite de l'inspecteur du travail ainsi que sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique et, d'autre part, autorisé le licenciement de Mme B.... Par la présente requête, Mme B... demande l'annulation du jugement du 30 juin 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions du 30 décembre 2013 de l'inspecteur du travail et du 5 août 2014 du ministre chargé du travail.
I. Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 30 décembre 2013 :
2. Aux termes du I de l'article 21 de la loi du 12 avril 2000, dans sa version alors en vigueur : " (...) le silence gardé pendant plus de deux mois par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 24 de la même loi, désormais codifié aux articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. (...) ". Enfin, il résulte des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, désormais codifié à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, que doivent notamment être motivées les décisions qui retirent ou abrogent une décision créatrice de droits.
3. Il ressort des pièces du dossier que l'inspecteur du travail a reçu la demande d'autorisation de licenciement présentée par la MGEN Action sanitaire et sociale le 29 octobre 2013. Le silence gardé par l'inspecteur du travail sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet le 29 décembre 2013 en application des dispositions précitées de l'article 21 de la loi du 12 avril 2000. En autorisant le licenciement de Mme B... par une décision expresse en date du 30 décembre 2013, l'inspecteur du travail a donc nécessairement procédé au retrait de sa décision implicite née la veille. Or, sa décision implicite rejetant la demande d'autorisation de licenciement avait créé des droits au profit de Mme B.... Le retrait de cette décision devait dès lors être motivé en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979. Par suite, ce retrait ne pouvait intervenir qu'après que Mme B... ait été invitée à présenter ses observations, conformément aux dispositions précitées de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000. C'est donc à bon droit que le ministre chargé du travail a annulé la décision expresse de l'inspecteur du travail du 30 décembre 2013 au motif qu'il avait omis de mettre en oeuvre cette procédure contradictoire.
4. Il résulte du point qui précède qu'il n'est pas besoin de statuer sur le moyen de Mme B... tiré de l'incompétence territoriale de l'inspecteur du travail de la section 15 C de l'unité territoriale de Paris de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France.
II. Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du ministre chargé du travail du 5 août 2014 :
A. En ce qui concerne la régularité de la procédure suivie par le ministre :
5. D'une part, Mme B... fait valoir que la procédure suivie par l'administration a méconnu les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle n'a pu se rendre à Paris où étaient organisées les enquêtes contradictoires. Toutefois, la procédure administrative au terme de laquelle une autorisation de licenciement est délivrée n'entre pas dans le champ d'application de ces stipulations, qui sont relatives au droit à un procès équitable. Le moyen tiré de leur méconnaissance doit par suite être écarté comme inopérant. Au surplus, la seule circonstance que Mme B..., dûment convoquée, n'ait pu se rendre à Paris pour y être entendue par les services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi n'est pas de nature à établir que la procédure suivie aurait méconnu le principe du contradictoire.
6. D'autre part, Mme B... fait valoir que le ministre chargé du travail a retiré sa décision implicite rejetant son recours hiérarchique sans la mettre à même de présenter ses observations en méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, citées au point 2 ci-dessus. Toutefois, l'inspecteur du travail ayant autorisé son licenciement, la décision implicite rejetant le recours hiérarchique présenté par Mme B... n'a créé aucun droit à son égard. Dans ces conditions, le ministre pouvait retirer sa décision implicite dans le délai de recours contentieux sans avoir à organiser de procédure contradictoire spécifique.
B. En ce qui concerne la demande d'autorisation de licenciement :
7. D'une part, il résulte des dispositions de l'article L. 2414-1 du code du travail que le transfert d'un salarié investi, notamment, d'un mandat de délégué du personnel et compris dans un transfert partiel d'entreprise par application de l'article L. 1224-1 du même code ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. Or, ainsi qu'il a été dit au point 1 ci-dessus, aucune autorisation de transfert du contrat de travail de Mme B... n'a été accordée. Dès lors, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la MGEN Action sanitaire et sociale n'était plus son employeur lorsqu'elle a sollicité l'autorisation de la licencier.
8. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la MGEN Action sanitaire et sociale a présenté une demande d'autorisation de licenciement pour motif disciplinaire. Or, l'autorité administrative ne peut autoriser le licenciement d'un salarié protégé pour un motif distinct de celui qui a été invoqué par l'employeur à l'appui de sa demande. Dans ces conditions, les moyens tirés par Mme B... de ce que son employeur aurait dû mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi et des licenciements pour motif économique, de ce que l'inspecteur du travail ne pouvait autoriser son licenciement sans avoir préalablement autorisé le transfert de son contrat de travail et de ce que l'activité de " Bio nettoyage " ne constituait pas une entité économique autonome au sens de l'article L. 1224-1 du code du travail ne peuvent qu'être écartés comme inopérants.
C. En ce qui concerne l'existence d'une faute de nature à justifier le licenciement :
9. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
10. En l'absence de mention contractuelle du lieu de travail d'un salarié, la modification de ce lieu de travail constitue un simple changement des conditions de travail, dont le refus par le salarié est susceptible de caractériser une faute de nature à justifier son licenciement, lorsque le nouveau lieu de travail demeure à l'intérieur d'un même secteur géographique, lequel s'apprécie, eu égard à la nature de l'emploi de l'intéressé, de façon objective, en fonction de la distance entre l'ancien et le nouveau lieu de travail ainsi que des moyens de transport disponibles. En revanche, sous réserve de la mention au contrat de travail d'une clause de mobilité, tout déplacement du lieu de travail dans un secteur géographique différent du secteur initial constitue une modification du contrat de travail.
11. Les communes de Saint-Jean d'Aulps, où se situait l'ancien lieu de travail de Mme B..., et d'Evian, où se situe le nouveau, sont toutes deux situées dans le département de la Haute-Savoie et sont distantes de 31,5 kilomètres. Il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté que le temps de trajet en voiture pour relier ces deux communes est d'environ 35 minutes. Ce trajet peut également être fait par bus en une heure environ. A cet égard, la commune d'Evian est d'ailleurs mieux desservie par les moyens de transports que celle de Saint-Jean d'Aulps. Si Mme B... soutient que la route reliant les deux communes est une route de montagne régulièrement enneigée, elle n'apporte aucune précision sur ce point, alors que son employeur fait valoir que cette route est correctement déneigée en hiver car elle conduit à des stations de ski. Cette difficulté est en outre inhérente à la région. Enfin, les deux communes appartiennent toutes deux à la zone d'emploi du Chablais selon l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Dans ces conditions, le nouveau lieu de travail de Mme B... devait être regardé comme étant situé dans le même secteur géographique que le précédent. Par suite, en refusant la modification de son lieu de travail, qui constituait un simple changement de ses conditions de travail et non une modification de son contrat de travail, Mme B... a commis une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement. C'est donc à bon droit que le ministre chargé du travail a annulé la décision implicite de l'inspecteur du travail refusant d'autoriser son licenciement et a accordé cette autorisation.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B..., à la mutuelle MGEN Action sanitaire et sociale et à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Luben, président,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,
- Mme Bernard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 juin 2016.
Le rapporteur,
A. BERNARDLe président,
I. LUBEN
Le greffier,
A. CLEMENTLa République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
''
''
''
''
5
N° 15PA03443