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20/06/2016 | FRANCE | N°14PA03810

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 20 juin 2016, 14PA03810


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Mutuelle des réalisations sanitaires et sociales du personnel du groupe RATP a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 30 juillet 2012 par laquelle l'inspecteur du travail lui a refusé l'autorisation de licencier M.A..., ensemble la décision du 5 février 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté son recours hiérarchique formé à l'encontre de cette décision.

Par un jugement n° 1304706/3-2 du

13 juin 2014, le Tribunal administratif de Paris a annulé les décisions attaquée...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Mutuelle des réalisations sanitaires et sociales du personnel du groupe RATP a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 30 juillet 2012 par laquelle l'inspecteur du travail lui a refusé l'autorisation de licencier M.A..., ensemble la décision du 5 février 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté son recours hiérarchique formé à l'encontre de cette décision.

Par un jugement n° 1304706/3-2 du 13 juin 2014, le Tribunal administratif de Paris a annulé les décisions attaquées.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 août 2014, MA..., représenté par Me Chevalier Carriou, demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1304706/3-2 du 13 juin 2014 du Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- la Mutuelle des réalisations sanitaires et sociales du personnel du groupe RATP a méconnu l'obligation de reclassement pesant sur elle en vertu des dispositions des articles L. 1226-10 et suivants du code du travail ;

- elle était tenue de rechercher un poste de reclassement en distinguant les tâches relevant du poste de " responsable logistique " de celles du poste de " cuisinier " et en tenant compte des préconisations de la médecine du travail au titre de l'adaptation de son poste afin de le rendre conforme avec son état de santé ;

- les premiers juges ont inexactement appliqué les dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail en ne tirant pas toutes les conséquences de leurs propres constations et en écartant les préconisations du médecin du travail ;

- la Mutuelle des réalisations sanitaires et sociales du personnel du groupe RATP n'a pas recherché à le reclasser au besoin en transformant son poste ou en lui proposant une formation ;

- les recherches qu'elle a effectuées en vue de le reclasser étaient insuffisantes et ne démontrent pas que tous les postes disponibles compatibles avec son état de santé aient été répertoriés ;

- l'obligation de reclassement qui s'imposait à la Mutuelle des réalisations sanitaires et sociales du personnel du groupe RATP impliquait, compte tenu des liens juridiques avec le groupe RATP, une recherche de poste au sein des entreprises du groupe ;

- la volonté de la Mutuelle des réalisations sanitaires et sociales du personnel du groupe RATP était de le licencier.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 novembre 2014, la Mutuelle des réalisations sanitaires et sociales du personnel du groupe RATP, représentée par MeC..., demande à la Cour de rejeter la requête de M.A....

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Un mémoire, enregistré le 9 février 2015, a été produit par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 48-506 du 21 mars 1948 relative à la réorganisation et à la coordination des transports de voyageurs dans la région parisienne ;

- l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 relative à l'organisation des transports de voyageurs en Ile de France, modifiée ;

- le code de la mutualité ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bonneau-Mathelot,

- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,

- et les observations de Me Chevalier Carriou, avocat de M.A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B...A..., recruté le 6 octobre 1986 par la Mutuelle des réalisations sanitaires et sociales du personnel du groupe RATP (M2SR), a exercé, à compter de l'année 2005, les fonctions de chef de cuisine au sein d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de la M2SR. Il a, le 18 février 2010, été élu membre du comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail. Par une décision du 19 décembre 2011, la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne a reconnu le caractère professionnel de la sciatique par hernie discale dont il souffrait, classée parmi les " affections chroniques du rachis lombaire provoquées par la manutention manuelle de charges lourdes ". Après avoir bénéficié d'un mi-temps thérapeutique pour la période courant du mois de juin à juillet 2011, il a été placé en arrêt de travail jusqu'au 5 janvier 2012, date de sa première visite de reprise. Au terme de cette visite, le médecin du travail a relevé qu'une inaptitude au poste était à prévoir. Cette inaptitude a été confirmée au terme d'une étude de poste réalisée par le médecin du travail le 10 janvier 2012 et d'une seconde visite le 19 janvier 2012. Le médecin du travail a conclu à l'inaptitude au poste de cuisinier mais a relevé que l'intéressé était " apte à un poste de gestion administrative et organisationnelle et à la gestion d'une équipe ". Le 7 février 2012, M. A...s'est vu proposer un poste de conseiller téléphonique au sein de la Mutuelle du personnel du groupe RATP (MPGR). Il a, cependant, refusé cette proposition au motif qu'elle impliquait une diminution de rémunération, tout comme le poste d'opérateur de saisie au sein de la MPGR proposé le 28 février 2012. La M2SR a, alors, fait bénéficier M. A...d'un bilan professionnel de compétence et a sollicité auprès de l'inspecteur du travail l'autorisation de le licencier. Par une décision du 30 juillet 2012, confirmée par une décision du 5 février 2013 du ministre chargé du travail, saisi d'un recours hiérarchique par la M2SR, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser ce licenciement. M. A...relève appel du jugement du 13 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé lesdites décisions.

2. Aux termes de l'article L. 2411-13 du code du travail : " Le licenciement d'un représentant du personnel du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. / [...] ".

3. Aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. / Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail ". Aux termes de l'article R. 4624-22 du même code du travail : " Le salarié bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail : / [...] ; / 2° Après une absence pour cause de maladie professionnelle ; / [...] ". Aux termes de l'article R. 4624-23 du même code : " L'examen de reprise a pour objet : / [...] ; / 2° De préconiser l'aménagement, l'adaptation du poste ou le reclassement du salarié ; / 3° D'examiner les propositions d'aménagement, d'adaptation du poste ou de reclassement faites par l'employeur à la suite des préconisations émises par le médecin du travail lors de la visite de pré reprise. / [...] ". Aux termes de l'article R. 4624-31 de ce code : " Le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail que s'il a réalisé : / 1° Une étude de ce poste ; / 2° Une étude des conditions de travail dans l'entreprise ; / 3° Deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires. / [...] ".

4. En vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique du salarié, il appartient à l'inspecteur du travail, et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement du salarié, compte tenu des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi, et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise et, le cas échéant, dans les entreprises du groupe, ainsi que selon les modalités et conditions définies par le code du travail.

En ce qui concerne la décision de l'inspecteur du travail :

5. Pour annuler la décision du 30 juillet 2012 de l'inspecteur du travail, les premiers juges ont estimé qu'il avait commis une erreur d'interprétation en considérant que l'employeur n'avait pas suffisamment pris en compte les pistes d'amélioration du poste préconisées par le médecin du travail.

6. M. A...persiste à soutenir en appel que son employeur ne pouvait engager une procédure de licenciement à son encontre sans rechercher au préalable à aménager son poste conformément aux préconisations du médecin du travail. Dans sa décision du 30 juillet 2012, l'inspecteur du travail s'était, en effet, fondé sur " l'insuffisante prise en compte par l'employeur des pistes d'amélioration du poste soulevées par le médecin du travail dans son étude de poste du 10 janvier 2012 ", se rapportant au repositionnement d'un chariot de desserte des étages et à l'emploi d'un transpalette et avait ajouté que " rien n'a[vait] été exploré sur la station debout prolongée et sur l'organisation du travail en général ". Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les préconisations envisagées par le médecin du travail dans l'étude de poste du 10 janvier 2012 concernaient l'ensemble du service et ne constituaient pas des recommandations qui, si elles avaient été suivies, auraient permis à M. A...de réintégrer son poste de cuisinier. D'une part, il n'est pas contesté que le poste de chef de cuisine qu'occupait l'intéressé avait déjà fait l'objet d'aménagements, dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique mis en place antérieurement aux préconisations émises par le médecin du travail, consistant en un aménagement du temps de travail et en un report des tâches de manutention sur le commis et que, lors de la séance du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du 5 septembre 2012, M. A...a lui-même reconnu que le poste qu'il occupait ne pouvait faire l'objet de davantage d'aménagements. A cette occasion, l'évocation d'un aménagement du poste de travail par l'emploi d'un tabouret a été regardée comme irréalisable compte tenu des spécificités des fonctions de l'intéressé. Par ailleurs, si durant la période pendant laquelle M. A...a bénéficié d'un mi-temps thérapeutique, ce dernier a été principalement affecté à des tâches plus administratives de gestion et de préparation des repas, il n'est pas contesté qu'au terme de quelques jours, la dégradation de son état de santé l'a empêché de poursuivre son activité. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. A...a bénéficié d'un bilan de compétence dans un objectif de reconversion professionnelle. Enfin, il est constant qu'il a refusé deux propositions de postes alors que la rémunération proposée avait été adaptée à sa situation et était supérieure à celle pratiquée à fonctions et ancienneté égales. Dans ces circonstances, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé, pour erreur d'appréciation, la décision de l'inspecteur du travail au motif qu'elle était fondée sur l'insuffisante prise en compte par l'employeur des pistes d'amélioration du poste préconisées par le médecin du travail.

En ce qui concerne la décision du ministre du travail :

7. Pour annuler la décision du 5 février 2013 du ministre chargé du travail, les premiers juges ont considéré qu'il avait commis une erreur de droit en refusant d'accorder à la MS2R l'autorisation de licenciement de M. A...au motif qu'elle n'avait pas recherché de solution de reclassement au sein du groupe RATP.

8. M. A...fait valoir que l'obligation de reclassement qui s'imposait à la MS2R impliquait, compte tenu des liens juridiques avec le groupe RATP (Régie autonome des transports parisiens), une recherche de poste au sein des entreprises du groupe. A cet égard, il se prévaut de ce que les adhérents de la M2SR sont, pour la plupart, des agents et des retraités de la RATP et leurs familles et que des observateurs du comité d'entreprise de la RATP siègent au conseil d'administration de la M2SR et de la Mutuelle du personnel du groupe RATP. Toutefois, ces circonstances ne permettent pas d'établir que ces deux dernières, qui forment le groupe mutualiste RATP, devraient être regardées comme des entreprises du groupe RATP. D'une part, il n'est pas contesté que les membres du conseil d'administration ont été élus par l'assemblée générale du groupe mutualiste et que ceux issus du comité d'entreprise de la RATP ont la qualité d'observateurs au sein de ce dernier. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que les deux mutuelles, personnes morales de droit privé, et l'entreprise RATP, établissement public industriel et commercial, dont les activités et les logos diffèrent, auraient un lien capitalistique ou un lien de direction entre elles. Dans ces conditions, les relations existant entre ces entreprises ne peuvent pas être regardées comme leur permettant d'effectuer la permutation de tout ou partie de leur personnel. La circonstance, postérieurement à la décision en litige, que la MS2R ait demandé à la RATP si elle avait la possibilité de reclasser M. A..., n'est, en tout état de cause, pas de nature à démontrer une permutabilité du personnel compte tenu de ce qu'il n'est pas contesté qu'aucun salarié de la MS2R n'a bénéficié d'aucun reclassement, détachement ou mutation au sein de la RATP. Dès lors, le ministre chargé du travail a entaché sa décision d'erreur de droit en relevant, pour confirmer le refus d'autorisation de licenciement de l'inspecteur du travail, que la M2SR n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement dès lors qu'elle n'avait pas effectué de recherches de reclassement au sein des autres entreprises du groupe RATP. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a annulé ladite décision.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 30 juillet 2012 de l'inspecteur du travail et celle du 5 février 2013 du ministre du travail.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à la Mutuelle des réalisations sanitaires et sociales du personnel du groupe RATP.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Luben, président,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,

- Mme Bernard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 juin 2016.

Le rapporteur,

S. BONNEAU-MATHELOTLe président,

I. LUBEN

Le greffier,

A. CLEMENTLa République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA03810


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA03810
Date de la décision : 20/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-035-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Motifs autres que la faute ou la situation économique. Inaptitude ; maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : CHEVALIER-CARRIOU

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-06-20;14pa03810 ?
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