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31/05/2016 | FRANCE | N°15PA04738

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 31 mai 2016, 15PA04738


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...F...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2014 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de sa destination.

Par un jugement n° 1507488/6-3 du 8 octobre 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2015, M.F..., représe

nté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1507488/6-3 du 8 octobre 2015 par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...F...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2014 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de sa destination.

Par un jugement n° 1507488/6-3 du 8 octobre 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2015, M.F..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1507488/6-3 du 8 octobre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 19 décembre 2014 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant son pays de destination ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour n'est pas suffisamment motivée ;

- le préfet de police n'a pas procédé à un examen particulier de sa demande en ce que, d'une part, il ne s'est pas référé à l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant alors que ses deux fils sont nés et résident en France et que, d'autre part, il s'est borné à se fonder sur un critère de la circulaire du 28 novembre 2012 ;

- la décision méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet de police a commis une erreur de droit en se fondant sur un critère prévu par la circulaire du 28 novembre 2012 ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ces décisions méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de police, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu la décision n° 2015/048652 du 20 novembre 2015 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris a admis M. F...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Delamarre.

1. Considérant que M. F..., ressortissant ivoirien né le 30 novembre 1974, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions du 7° et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que de l'article L. 313-14 du même code ; que, par un arrêté du 11 décembre 2012, le préfet de police a refusé de l'admettre au séjour ; que le tribunal administratif, par un jugement du 7 novembre 2013, a annulé cet arrêté préfectoral pour erreur dans la matérialité des faits ; que c'est sur injonction de ré-examen que le préfet de police a de nouveau, par un arrêté du 19 décembre 2014, refusé de délivrer à M. F... un titre de séjour ; qu'il lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de destination ; que M. F...relève appel du jugement en date du 8 octobre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation dudit arrêté ;

En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué, qui vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les 7° et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article L. 313-14 du même code, fait mention de ce que M. F... n'est pas en mesure d'attester de façon probante d'une ancienneté de résidence en France depuis plus de dix ans et que le seul fait de se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans répondre à des considérations humanitaires et sans justifier de motifs exceptionnels ne permet pas à l'intéressé d'entrer dans le champ d'application dudit article ; qu'il précise qu'il vit maritalement avec Mme C...B..., de nationalité ivoirienne, qui est également dépourvue de titre de séjour sur le sol français et qu'il n'est pas en mesure de justifier de trois années de scolarité pour ses enfants ; qu'il mentionne enfin que l'intéressé n'est pas démuni d'attaches familiales à l'étranger où résident ses parents et sa fratrie ; qu'ainsi, il comporte l'ensemble des considérations de fait et de droit sur lesquelles il s'appuie ; que, par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient M. F..., en dépit de la circonstance que le préfet de police n'a pas visé expressément l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, l'arrêté du 19 décembre 2014, conformément à ce qui a été dit au point 2., comporte l'exposé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'il ne ressort pas de cette décision que le préfet de police, qui a pris en compte la présence de ses enfants sur le territoire français, n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle et familiale en se fondant sur les dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012 ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de sa demande doit être écarté ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;

5. Considérant que si M. F...justifie résider en France avec une compatriote avec laquelle il a eu deux enfants, nés en France en 2009 et 2011, ces circonstances ne s'opposent pas à ce qu'il poursuive, avec sa compagne - qui se trouve en situation irrégulière - et ses deux enfants, sa vie familiale en Côte d'Ivoire, où résident ses parents et sa fratrie et où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de 32 ans au moins ; que, par ailleurs, il n'établit pas être particulièrement intégré au sein de la société française ; que, dans ces conditions, M. F... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que l'arrêté n'a donc méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dans ces conditions, le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que si M. F... soutient que la décision litigieuse méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que, dès lors, ce moyen ne peut qu'être écarté ;

7. Considérant, en cinquième lieu, que si une circulaire ne définit aucune ligne directrice qui pourrait être utilement invoquée, il n'est pas pour autant interdit à une autorité administrative de se référer aux critères d'appréciation dont cette circulaire fait état dès lors qu'elle ne s'abstient pas de procéder par elle-même à l'appréciation de la situation soumise à son examen ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit et méconnu sa compétence du seul fait qu'il a, dans les motifs de sa décision, fait référence aux dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur, doit être écarté ;

En ce qui concerne la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

8. Considérant, en premier lieu, que compte tenu de ce qui a été dit au point 6., ces décisions ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 8 précité de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

10. Considérant que si M. F... fait valoir que les décisions contestées portent atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants, qui sont nés en France et sont scolarisés sur le territoire français, aucune de ces circonstances ne s'oppose toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 5., à ce qu'il reconstitue sa cellule familiale en Côte d'Ivoire avec sa compagne et ses enfants en bas âge, et dont le couple a la nationalité ; que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté ;

11. Considérant, en dernier lieu, qu'aucune des circonstances invoquées par M. F... ne permet de regarder les décisions attaquées comme entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que doivent être également rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. F...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Polizzi, président assesseur,

- MmeE..., première conseillère,

- Mme Delamarre, première conseillère,

Lu en audience publique, le 31 mai 2016.

La rapporteure,

A-L. DELAMARRELe président,

F. POLIZZILe greffier,

E. MOULIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 15PA04738


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA04738
Date de la décision : 31/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POLIZZI
Rapporteur ?: Mme Anne Laure DELAMARRE
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : MOREL

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-05-31;15pa04738 ?
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